Par Zouheir EL KADHI Toute politique économique de nature à préserver ou améliorer la profitabilité des entreprises favorise l'investissement. De multiples moyens existent pour améliorer la profitabilité. Un premier canal est celui de l'augmentation de la rentabilité économique, un second canal repose sur la baisse des taux d'intérêt réels Jusqu'à quand l'investissement va-t-il rester déprimé ? Avec seulement 12 % du PIB, l'investissement des sociétés non financières demeure très faible, pénalisant de ce fait la croissance et l'emploi. En effet, la particularité d'un investissement est d'être une dépense qui engage celui qui l'effectue sur plusieurs années. L'investissement détermine en effet l'avenir et une faiblesse durable de celui-ci hypothèque la croissance d'aujourd'hui et celle de demain. L'investissement, qu'il soit économique, matériel ou immatériel, financier ou non financier, est un moyen essentiel par lequel une société construit son avenir. Mais pour que les entreprises investissent, il faut qu'elles aient des raisons de le faire, qu'elles le souhaitent et bien sûr qu'elles puissent le faire. Elles doivent être pour cela assurées d'une certaine rentabilité, au moins supérieure au taux d'intérêt. Mais elles doivent surtout anticiper des perspectives de croissance et c'est cela qui fait particulièrement défaut aujourd'hui. Et ce n'est guère un nouveau code d'investissement qui va changer la donne et ce, pour au moins deux raisons. La première est que le nouveau code n'est pas très différent de l'ancien, dont les résultats sont discutables. La seconde raison est que l'investissement en Tunisie souffre de défaillances structurelles auxquelles le nouveau code d'incitation n'apporte aucune réponse, en témoigne le déséquilibre entre l'investissement et l'épargne (graphique ci-dessus). Un des principaux déterminants de la décision d'investir est la profitabilité du capital. En effet, la profitabilité est la différence entre la rentabilité du capital, qui mesure le rapport des profits nets d'amortissement au stock de capital, et le taux d'intérêt réel. Exprimé autrement, cela signifie que le retour attendu de l'investissement doit être tel que la rémunération du capital soit supérieure à celle qui serait attendue sur les marchés financiers, couvrant ainsi la prime de risque associée à chaque investissement. Pour les entrepreneurs, une forte profitabilité est nécessaire pour accepter de prendre le risque de se trouver en surcapacités de production avec des coûts fixes supplémentaires. En conséquence, toute politique économique de nature à préserver ou améliorer la profitabilité des entreprises favorise également l'investissement. De multiples moyens existent pour améliorer la profitabilité. Un premier canal est celui de l'augmentation de la rentabilité économique, un second canal repose sur la baisse des taux d'intérêt réels. La rentabilité économique, rapport entre la rémunération du capital nette de son amortissement au stock net de capital, mesure la performance économique du point de vue de l'entreprise. La rentabilité économique croît avec le taux de marge (ou le taux de profit) ainsi qu'avec l'efficacité productive du capital. Toute politique visant à l'amélioration des marges des entreprises (baisse des impôts indirects, baisse des charges sociales) ou visant à la préservation des profits (baisse des impôts directs) est donc de nature à améliorer la rentabilité du capital et favorise l'investissement des entreprises. La modération salariale constitue également un enjeu important du maintien de la rentabilité des entreprises. Elle est favorable à l'emploi et à l'investissement. Cependant, et en plus des difficultés structurelles, des éléments conjoncturels sont également en cause dans la faiblesse actuelle de l'investissement. En effet, investir, c'est parier sur une rentabilité future et cette dernière reste d'abord liée à l'anticipation que l'entreprise fait de ses ventes. Si la faiblesse de l'investissement pèse sur la croissance, l'inverse est tout autant vrai : les entreprises ont d'abord besoin de visibilité, d'être tirées par une demande, qui plus est durable, pour se lancer. Il est logique qu'elles attendent aujourd'hui de la visibilité et que la croissance soit considérée comme suffisamment solide. S'il faut admettre que l'investissement est toujours en panne, il n'existe pourtant pas de fatalité car plus que le taux de rentabilité, ce sont les mauvaises perspectives d'évolution de la demande qui pèsent actuellement sur l'investissement. La levée des incertitudes politiques et économiques pourrait contribuer à un redémarrage salutaire parce que la croissance molle engendre un cercle vicieux: moins d'investissement, moins de croissance et moins d'investissement.