Soufiane BEN FARHAT En Syrie, le rendez-vous avec la mort est une affaire de tous les instants. La guerre y fait rage. Et les victimes tombent. Sans quartier, de part et d'autre. Le conflit s'enlise. Et s'internationalise. Le casse-tête syrien n'en finit pas de diviser le monde. Pas plus tard qu'hier, lesdits «Amis de la Syrie» ont décidé d'apporter «une aide urgente en matériel et en équipements» à la rébellion. Objectif, lui permettre de faire face aux «attaques brutales du régime». On traite le feu par le feu. Un argumentaire macabre en somme. Les onze principaux pays soutenant l'opposition syrienne nourrissent une obsession tenace depuis la prise de la ville d'Al-Qousseir par l'armée régulière, début juin : renverser les rapports de force sur le terrain avant la tenue de la conférence de paix à Genève. Ils ont bien publié un communiqué dans lequel ils font valoir que «toute aide militaire sera canalisée» par le Haut conseil militaire syrien relevant de l'Armée syrienne libre (ASL). De son côté, le ministre qatari des Affaires étrangères, Hamad Ben Jassem Al Thani, a notamment affirmé que les participants à la réunion avaient pris «des décisions secrètes» en vue de renverser l'équilibre sur le terrain. A l'entendre, le règlement politique à Genève «ne peut être réalisé qu'en établissant un équilibre sur le terrain pour que le régime accepte de négocier». Il faut plus de sang pour parler de paix en quelque sorte ! Les Etats du Golfe, les USA, la Turquie et Israël s'y affairent. Un haut responsable américain de la défense a annoncé avant-hier que l'effectif des soldats américains en Jordanie avait augmenté de 250 à 1.000 hommes. Le Los Angeles Times rapporte par ailleurs que la CIA et des forces spéciales américaines entraînent des rebelles syriens en Jordanie et en Turquie depuis des mois. C'est-à-dire bien avant que la Maison-Blanche n'annonce son intention d'accroître son aide militaire à la rébellion. Le monde est en effervescence guerrière. Partout, on prépare le ban et l'arrière-ban en vue de la mêlée pour la Syrie. Comme si les quelque cent mille morts depuis le début du conflit ne suffisaient pas. La saignée est minutieusement concoctée dans bien des chancelleries occidentales. Les aides de camp moyen-orientaux ne sont guère en reste. A l'opposé, les Syriens alignent un front militaire, politique et diplomatique compact. Russes, Chinois, Iraniens et Hezbollah y tiennent le haut du pavé. La riposte promet d'être rageuse, elle aussi. Et surtout dévastatrice. On mesure la portée des enjeux. Pas moins qu'une guerre nucléaire tactique au besoin. Les intérêts impériaux s'entrechoquent. On s'avise de retailler les zones d'influence moyen-orientales à la baïonnette. A la bonne franquette, comme aux temps de la canonnière. Rien que ça. Le plus étonnant dans tout cela, c'est l'engagement actif des Arabes proaméricains dans ce triste manège belliciste. Il en va autant des pétromonarchies du Golfe que des gouvernements issus dudit Printemps arabe. Cela donne à réfléchir. Passe encore pour les pays du Golfe, pré carré américain par excellence, depuis des décennies. Leur naissance même au gré des enjeux des corps expéditionnaires étrangers et des stratagèmes de la haute finance en est témoin. Les gouvernements des pays du Printemps arabe, eux, sont instrumentalisés depuis peu. Qu'il s'agisse de Tunis, Tripoli, Le Caire ou Sanaâ, c'est le même topo. Issus de révolutions fondées sur la liberté, la démocratie, la dignité, ils ont tôt fait de tourner casaque. Ils font face au rouleau compresseur du capitalisme nord-atlantique et de l'enrôlement actif dans les agendas militaires de l'Otan. Dans le conflit syrien, ils ont été alignés à la queue-leu-leu. Parachutés, en crise ou affaiblis, les gouvernements de ces pays sont si fragilisés qu'ils n'osent braver les sommations des maîtres du jeu planétaire. Les parrains, Américains et Européens de l'ouest en prime, mènent le jeu. Le peuple syrien en fait les frais, hélas !