Evacuée à l'aube pour des motifs sécuritaires, la Place u Bardo est aujourd'hui interdite à tout rassemblement. Dans la fraîcheur du grand hall de l'Assemblée constituante au Bardo, personne pratiquement ne manque à l'appel du groupe parlementaire du Mouvement Ennahdha. L'ambiance est bon enfant. Autour du député islamiste Habib Ellouze, très détendu, le sourire aux lèvres, un cercle se forme pour discuter de l'actualité politique... sur un ton badin. Ils sont arrivés plus tôt que d'habitude hier matin comme pour défendre et appuyer une « légitimité » contestée à l'extérieur des murs de l'Assemblée au moment où plus de 70 constituants de l'opposition se sont retirés de l'ANC. Pourtant, rien de particulier, aucune plénière notamment, n'était programmé pour cette journée du lundi, deux jours après les funérailles du député Mohamed Brahmi, assassiné devant son domicile, le 25 juillet. 25.000 sit-inneurs du départ C'est probablement pour permettre aux Constituants de la Troïka d'accéder à l'intérieur de l'Assemblée que, vers 4 h du matin, les sit-inneurs venus soutenir les députés de l'opposition appelant à la dissolution de l'ANC et à la constitution d'un gouvernement de salut national ont été violemment chassés par les forces de l'ordre de la Place du Bardo. Un communiqué du ministère de l'Intérieur, publié hier, annonçait que le motif pour lequel la police a décidé de vider la place était plutôt sécuritaire. Pour empêcher que les deux parties ne s'affrontent : les « sit-inneurs du départ » (Itissam Arrahil), dont le nombre a dépassé hier les 25 000, selon les sources du ministère de l'Intérieur, et les partisans du mouvement Ennahdha. « L'armée s'est déployée par la suite sur le terrain. Nous avons cru un instant qu'elle venait à notre secours. Quelle déception cela a été pour nous de la voir installer les fils barbelés sur la Place et interdire fermement l'accès à notre espace de rassemblement », témoigne Ahlem, du Front populaire, ayant rompu le jeûne ici et passé toute la nuit au Bardo. Hier dès l'aube, l'immense Place du Bardo a été décrétée zone militaire fermée. Jalonnée de barrages et de fils barbelés, plus personne n'y circule à part les forces d'intervention et les soldats. Dans les jardins de l'Assemblée, transformée en QG de l'armée, des tanks ont pris place et les centaines d'hommes en tenue kaki, armés jusqu'aux dents, se protègent des rayons de soleil incendiaires de la mi-journée de ce mois de juillet à l'ombre des grands arbres. Plusieurs manifestants ainsi que deux députés, Noômane Fehri et Mohamed Ali Nasri, ont été tabassés par les forces de l'ordre vers 6h30 du matin parce qu'ils refusaient de quitter les lieux. Le nombre des sit-inneurs du départ hier vers midi ne dépassait pas les 150 personnes. Rejetés sur le trottoir devant la banque UIB, ils se situent très loin aujourd'hui de ceux qui manifestent pour défendre la légitimité électorale du 23 octobre 2011 cantonnés aux alentours de la piscine municipale. Les distances n'ont jamais été aussi grandes entre les deux clans depuis l'assassinat politique de Mohamed Brahmi.