Les tractations en vue de sortir le pays de la crise politique dans laquelle l'ont plongé l'assassinat de Mohamed Brahmi et le drame du Chaâmbi commencent à prendre forme. Après les petites phrases et les déclarations à demi-mots faites par les uns et les autres sur la nécessité de retourner à la table du dialogue pour négocier, ce que l'opposition soutient et ce que la Troïka laisse entendre pouvoir concéder, voici le président de la République provisoire Moncef Mazouki qui reprend sa casquette de président fédérateur. Pour inviter les partis de l'opposition et ceux de la Troïka à lui faire part de leurs approches pour sortir de la crise, «sans toutefois avoir sa propre initiative à nous suggérer», comme le précisent Mohamed Hamedi, SG de l'Alliance démocratique, et Issam Chebbi, porte-parole d'Al Joumhouri. Marzouki joue le médiateur neutre Et le défilé des chefs des partis politiques de commencer au palais de Carthage. Mohamed Hamedi précise à La Presse à l'issue de sa rencontre, hier, avec le président Marzouki : «Ce fut une rencontre au cours de laquelle le président s'est informé sur les détails de l'initiative annoncée il y a quelques jours par notre parti. Et notre initiative se résume en la constitution d'un gouvernement de compétences indépendantes soutenu par un comité de suivi composé des chefs des partis de l'opposition, de la Troïka et des organisations nationales, dont en premier lieu l'Ugtt. Ce comité aura à superviser l'exécution par le gouvernement du programme fixé à l'avance, à savoir la lutte contre la violence et le terrorisme et la préparation des prochaines élections». De par son statut de président qui aime, semble-t-il, jouer le rôle de président fédérateur en cette période de crise, Marzouki dispose-t-il de sa propre initiative ? «Non, Marzouki s'est contenté de nous écouter et de nous informer que la Troïka penche vers la formation d'un gouvernement de coalition nationale avec la participation de ceux qui adhéreront à cette formule. Quant au chef du gouvernement qui a entamé lui aussi ses propres consultations, il ne nous a pas encore contactés pour une éventuelle rencontre à La Kasbah». En attendant l'issue des négociations en cours, Hamedi pense qu'«il est prématuré d'avancer tel ou tel nom pour diriger le prochain gouvernement dans la mesure où nous ne savons pas qui y participera ou s'il sera un gouvernement d'union nationale, de salut national ou de compétences indépendantes». Nous n'avons plus de temps à perdre Du côté d'Al Joumhouri, les choses sont désormais claires : «Nous n'avons plus de temps à perdre et il est impératif que la Troïka comprenne la nécessité de la formation d'un gouvernement de salut national. Un gouvernement qui sera présidé par une personnalité indépendante et comportera des compétences nationales qui s'engageront à ne pas se présenter aux prochaines élections», relève Issam Chebbi, porte-parole du parti. La délégation d'Al-Joumhouri, composée de Maya Jeribi et Néjib Chebbi, a bien signifié au président de la République qu'elle refuse toutes les solutions de replâtrage comme l'élargissement de l'assise du gouvernement ou la participation de personnalités opposantes au gouvernement actuel, souligne encore le porte-parole d'Al-Joumhouri. «Le gouvernement actuel, ajoute-t-il, est en décomposition quotidienne. Sa division devient de jour en jour criante. Voici le ministre de l'Education qui claque la porte, celui de la Culture qui appelle à une démission collective de ses collègues alors que le ministre de l'Intérieur a pratiquement sa lettre de démission dans la poche. Je me demande qu'est-ce que Laârayedh attend pour se rendre à l'évidence et annoncer son départ qui est devenu aujourd'hui une revendication nationale allant au-delà des luttes partisanes ou des tiraillements politiques entre les forces politiques présentes sur la scène nationale. Aujourd'hui, la décision idoine est à prendre dans les heures à venir et non dans les jours ou semaines prochains». La barre est-elle placée trop haut ? Ali Laârayedh, chef du gouvernement, conduit, lui aussi, ses consultations. Hier, il a rencontré Hassine Abbassi, secrétaire général de l'Ugtt. Malheureusement, rien n'a filtré de cette rencontre puisque le patron des travailleurs a quitté le palais du gouvernement sans s'adresser aux journalistes. Il y a même — pensons-nous — un mot d'ordre général pour garder le silence sur les résultats de cette entrevue, puisque tous les membres du bureau exécutif de l'Ugtt répondaient absent à nos sollicitations. Tout de même une petite indication sur la teneur de la rencontre. Khalil Zaouia, ministre des Affaires sociales, a laissé entendre que «Le dialogue Abbassi-Laârayedh a été empreint d'une vision optimiste quant à l'avenir», pour ajouter comme pour se rétracter : «Le dialogue devient impossible quand la barre est placée trop haut» (voir article ci-contre). Reste maintenant à savoir si les jours à venir permettront à ceux qui exigent tout ou rien se rendront à la raison pour revoir leurs revendications à la baisse et tempérer leurs exigences. A. DERMECH