Contacté par La Presse, Kaïs Saïed, juriste, nous éclaire sur les prérogatives du président de la République quant à l'éventuelle nomination d'un nouveau gouvernement de gestion des affaires courantes, et sur la poursuite des travaux de l'ANC Un mois après le début de la crise politique, Rached Ghannouchi a déclaré hier que le mouvement Ennahdha était prêt à négocier un plan de sortie de crise sur la base des propositions de l'Ugtt. Or la centrale syndicale prévoit, notamment, la mise en place d'un gouvernement de gestion des affaires courantes, formé par des indépendants. Cette proposition, vivement défendue par l'opposition, est selon Kaïs Saïed tout à fait applicable au regard de la « petite constitution ». « Il faudrait pour cela que l'actuel gouvernement présente sa démission au chef de gouvernement, et continue par la suite à gérer les affaires de l'Etat jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement prenne ses fonctions », ajoute le professeur. « Le président de la République, précise le juriste, ne peut pas appliquer directement l'article 19 pour choisir celui qu'il considère comme le plus apte à constituer un nouveau gouvernement. Ceci n'est possible que dans le cas où celui qui a été choisi conformément à l'article 15 n'arrive pas dans un délai de 15 jours à constituer un gouvernement ». L'article 15, rappelle-t-on, stipule que le candidat chargé de former le gouvernement doit appartenir au parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges à l'ANC. Reprise des travaux de l'ANC Le 6 août dernier, Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, annonçait la suspension des activités de l'Assemblée; une « décision politique qui ne trouve aucun fondement dans le texte juridique », affirme Kaïs Saïed. Rien, dans la loi constitutionnelle relative à l'organisation provisoire des pouvoirs publics, n'astreint les constituants à reprendre leur mission, selon le juriste. Ce qui pourrait les obliger à reprendre les travaux ? « Certains pensent qu'il est possible d'appeler à une réunion plénière de l'ANC par le biais du premier vice-président de l'ANC. Ceci n'est pas envisageable selon moi, parce qu'il ne s'agit pas d'un cas de vacance de l'ANC mais d'une suspension provisoire, non prévue par le texte. De plus, cette décision pourrait davantage compliquer la situation politique », estime notre interlocuteur. La solution, selon lui, serait que le président de l'ANC appelle lui-même les constituants à se remettre au travail. « Ben Jaâfar a bien dit que la suspension vaut jusqu'à la reprise du dialogue national », rappelle-t-il. Maintenant que le dialogue national a été entamé, à quels résultats pourrait-on s'attendre ? « Je ne suis pas optimiste quant à l'issue du dialogue. Pour moi, toute cette deuxième période transitoire doit être terminée pour instaurer une nouvelle organisation des pouvoirs publics. Je pense que dans la troisième période transitoire, il faut élire une nouvelle assemblée mais cette fois-ci à partir d'élections qui partiront du local vers le national. Cela veut dire que des conseils locaux doivent d'abord être élus dans chaque délégation, desquels émaneront des conseils régionaux dans chaque gouvernorat, et de ces conseils régionaux émanera une Assemblée composée de 264 membres, soit un membre ou député pour chaque délégation. Le mode de scrutin le plus approprié, selon moi, est le scrutin uninominal, soutient le juriste. L'avenir de la démocratie, en Tunisie et partout dans le monde, c'est la démocratie locale ».