Ce soir, en clôture du Festival international de Hammamet, le spectacle musical belgo-palestinien Al Manara (le phare) sera présenté en avant-première, précédé par le vernissage de l'exposition «125 portraits de créateurs au cœur de la réalité palestinienne» et de la pièce du théâtre belge «Hêtre ». La naissance d'Al Manara est le fruit d'une heureuse rencontre entre la musique occidentale traditionnelle, plus particulièrement la fanfare du Belge Eloi Baudimont, et la musique orientale du palestinien Ramzi Aburedwan, fondateur de l'association Al Kamandjati (le violoniste) qui permet aux enfants des camps palestiniens d'apprendre la musique et de jouer d'un instrument. Un phare, un fil et Mahmoud Darwish... M.Zo, le metteur en scène d'Al Manara, est aussi le metteur en scène du festival des Rencontres inattendues, un festival de musiques et philosophies qui existe depuis 2011 en Wallonie picarde. Le thème de son œuvre scénique pour l'édition 2013 est «le fil». Et c'est dans le même esprit qu'il a conçu Al Manara, «un fil qui lie le ciel et la terre — de par son nom littéral qui veut dire phare en arabe — entre les humains, les lieux, les pensées et même les désaccords», nous explique-t-il lors d'une rencontre avec la presse tenue mardi dernier. Entre l'édition 2012 et celle de 2013 des Inattendues, beaucoup de choses se sont passées. En effet, c'est là que se sont rencontrés, il y un an, Eloi Baudimont et Ramzi Aburedwan et que le projet d'Al Manara a commencé à prendre forme. Pensé, au départ, comme une collaboration entre la troupe de fanfare du premier et l'orchestre du deuxième, Al Manara sera en fin de compte interprété par une formation réduite pour faciliter les répétitions et les représentations. La dernière résidence pour ce travail a eu lieu à Hammamet (du 17 au 23). Entre les mélodies traditionnelles palestiniennes apportées par Ramzi Aburedwan et les arrangements musicaux belges d'Eloi Baudimont, un dialogue musical s'est établi, habillé par les mots du poète palestinien Mahmoud Darwish. Des poèmes choisis, tels « Et nous, nous aimons la vie », seront chantés en arabe et lus en français pendant le spectacle. Eloi affirme avoir considéré les morceaux de Ramzi comme des questions auxquelles il a proposé des réponses. Au fil de la collaboration, c'est devenue une discussion musicale où chacun a apporté du sien et l'harmonie s'est installée lentement mais sûrement. L'un des enjeux était d'équilibrer la rencontre entre les instruments où il fallait trouver des astuces techniques pour que la fanfare, par exemple, ne prenne pas le dessus sur le luth. C'est en fait l'enjeu de ne pas faire de concessions sur les deux cultures, explique le duo, malgré toutes les difficultés que l'on peut rencontrer en collaborant avec un artiste palestinien. Le luthiste tunisien installé en France, Zied Ben Youssef, qui fait partie de la bande, rejoint la discussion pour ajouter qu'un projet comme Al Manara permet d'abolir les frontières artistiquement, avec un humanisme loin des nationalités. Al Manara est, par ailleurs, le nom de la place centrale de Ramallah, l'une des villes palestiniennes les plus riches artistiquement. Après Tournai en Belgique, la deuxième résidence des musiciens a eu lieu dans cette ville. Et la Tunisie dans tout ça? Ce n'est pas par hasard que Hammamet accueille le fruit d'une collaboration belgo-palestinienne. Un accord de jumelage entre le gouvernorat de Nabeul et la province de Hainaut est établi depuis 1985 et redynamisé à l'occasion de la dernière édition du Festival international du film d'amour (février 2013) et concrétisé par Al Manara et l'exposition photographique de Véronique Vercheval. Fethi Haddaoui, le directeur du Festival international de Hammamet, a eu l'idée d'inviter Al Manara qui sera en avant-première au festival, en plus de « Hêtre », une collaboration théâtrale tuniso-belge. «25 portraits de créateurs au cœur de la réalité palestinienne» C'est le nom de l'exposition photographique de Véronique Vercheval, dont le vernissage aura lieu juste avant le concert d'Al Manara au Centre culturel d'Hammamet. La photojournaliste a une carrière de plus de 25 ans, qui lui a permis de découvrir la Palestine en 2002. Pays dont le quotidien difficile la touche énormément. Elle y revient plusieurs fois pour traverser ce pays «lacéré par les implantations israéliennes, mais où persistent, à côté des nombreux checkpoints, les universités, les théâtres, les cafés et les marchés », raconte-t-elle. Ses photographies racontent quant à elle sa rencontre avec 25 artistes palestiniens qu'elle a connus et dont elle a capté le quotidien, fait d'art et de résistance. Après le vernissage et avant Al Manara, le public découvrira le texte de Cécile Delbecq « Hêtre », interprété par les deux comédiennes tunisiennes Souhir Ben Amara et Aïcha Ben Ahmed. Un texte qui porte une résonance universelle avec le thème de la perte de l'enfance, à travers lequel l'auteure cherche une réponse à « est-ce qu'un texte "belge" peut trouver écho dans une autre partie du monde? ». Une réponse qu'elle aura ce soir, en compagnie du public et des artistes. Un rendez-vous à ne pas manquer.