La question est de savoir jusqu'à quand l'Utica pourra encore contenir le dépit et la révolte latente du secteur privé de l'investissement ! Aux dernières nouvelles, Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounès a rencontré hier, Wided Bouchammaoui, présidente de l'Utica. Voilà une bonne chose : on s'intéresse enfin à l'économie ! Les cris de détresse de la centrale patronale n'auraient au moins pas été vains. Sauf à croire, et ce n'est guère exclu, que le principal parti d'opposition cherche à tempérer (réajuster ?) les ardeurs d'une organisation patronale, mue, circonstance oblige, en une organisation politique par excellence. Force de frappe du quartet au même degré que l'Ugtt, sinon davantage, l'Utica garde l'avantage de s'être jusque-là «positionnée» à égale distance entre les différents protagonistes de la crise politique qui secoue le pays. Elle a, surtout, en sa possession le pouvoir de mettre économiquement le pays à genoux. La question est, en effet, de savoir jusqu'à quand l'Utica pourra encore contenir le dépit et la révolte latente du secteur privé de l'investissement ! Fidèle jusqu'au bout, comme elle l'a toujours été dans l'adversité, la sphère de l'investissement privé pourrait cependant, cette fois-ci, bien faire sienne la devise «après moi le déluge » ! Elle aura d'autant plus de raison de le faire que le gouvernement en place est plongé dans un autisme et un aveuglement qui l'empêchent de voir que, désormais, l'économie nationale est réellement au bord du gouffre. Depuis des semaines, c'est le silence radio à Carthage. Ce qui est relativement inquiétant. Depuis quelques jours, c'est le mutisme absolu à La Kasbah. Ce qui est autrement plus préoccupant. Car, c'est de la Kasbah qu'on attend, aujourd'hui, ne serait-ce qu'une réaction, un signal qui rassure les Tunisiens quant au bien fondé et au risque d'une banqueroute de l'économie nationale. Une banqueroute dont l'éventualité est plausible, au vu des récents indicateurs publiés par l'INS. Le déficit budgétaire est bien là, la balance des paiements est déficitaire, et on ne voit guère se profiler à l'horizon un moyen à même de pouvoir boucler le budget de l'Etat pour les trois mois qui restent de l'année en cours. Oui, tout se joue, aujourd'hui, à l'Utica. Voir les forces du capital et du travail réunies pour l'intérêt du pays est, sans doute, un moment historique. Un signe qui ne trompe pas quant à la gravité de la crise politique que connaît la Tunisie et de ses graves répercussions sur l'économie nationale. Mais quand la force du capital, légendairement fort discrète, se réveille et crie son ras-le-bol, il faut avoir la lucidité de se rendre à l'évidence et d'admettre qu'il y a péril en la demeure. Pendant ce temps, on continue à palabrer. On se concerte en oubliant que la Tunisie est un petit pays d'un peu moins de 12 millions d'habitants, grosso modo homogène, que l'économie est à bout de souffle et que la société est plongée dans une attente terriblement destructrice.