Le ministère de l'éducation estime que le nombre des élèves ayant abandonné les bancs de l'école l'année écoulée se situe entre 100 mille et 108 mille Tentant de défier le cloisonnement voulu qu'elle endure depuis des mois, suite notamment à l'abstention des parties officielles à collaborer avec un bureau exécutif qu'elles considèrent comme illégal, l'Union nationale de la femme tunisienne ( Unft ) passe à la vitesse supérieure à travers la mise en application de son programme d'activité. Avant-hier, l'espace « 13-Août », situé à Bab Bnet, a abrité les travaux d'une table ronde concoctée par l'Unft en collaboration avec la société civile. Le thème traité tourne autour de l'abandon scolaire de par son évolution et les moyens d'y remédier. Une rencontre élaborée, semble-t-il, dans la précipitation car en contre-réaction à l'annonce, par le ministère de l'Education, des chiffres estimatifs sur ce point. En effet, on estime que le nombre des élèves de l'enseignement de base et du secondaire sujets à l'abandon scolaire s'élève, pour l'année scolaire 2012/ 2013 à 100 mille. Ce chiffre, aussi alarmant qu'il le paraisse, ne semble point choquer les représentants de la société civile. Dans son allocution, M. Ahmed Mensi, représentant le Réseau national de la société civile, précise, d'emblée, que l'échec scolaire comprend deux facettes à ne pas confondre: le redoublement et l'abandon scolaire. Il ajoute que pour les éducateurs et les pédagogues, il est judicieux de faire la différence entre l'abandon dit « légal », car résultant d'une décision prise par le conseil de discipline, et celui « spontané » émanant de la volonté de l'enfant et/ou de son entourage familial. Pour avoir une idée plus claire sur le phénomène, M. Mensi revient sur les indicateurs ayant marqué son évolution depuis les années 80 et jusqu'à nos jours. Contre toute attente, les indicateurs traduisent une certaine régression de l'abandon scolaire. « L'abandon scolaire est en baisse contrairement à ce que l'on croit. Il l'est également en comparaison avec le taux de redoublement. Mieux encore, sa régression est due en outre à l'augmentation des chances de refaire l'année pour bon nombre d'élèves », affirme l'orateur , chiffres à l'appui. Plus de redoublants, moins d'exclus En effet, en 1980/ 1981, les élèves concernés par l'abandon scolaire ne comptaient que 90,9 mille, dont 67 mille dans l'enseignement primaire. Le pic a été, par ailleurs, enregistré en 1990/ 1991 avec 154 mille cas. « C'était le plus grand taux qu'a connu le système éducatif », souligne M. Mensi. Là encore, l'enseignement primaire prenait le dessus avec près de 100 mille abandons scolaires. Les collégiens étaient de l'ordre de 26 mille; les lycéens , 30,8 mille. Puis, la courbe a progressivement chuté pour se situer à 111,9 mille abandons scolaires en 2011/ 2012. « Pour ce qui est des chiffres officiels, relatifs à l'année 2012/ 2013, ils n'ont pas encore été communiqués. Toutefois, on estime qu'ils varient entre 100 mille et 108 mille, et sont donc sensiblement inférieurs à l'année 2011/ 2012 », ajoute l'orateur. Cette régression du taux de l'abandon scolaire revient en grande partie à l'augmentation, après la révolution, du taux de redoublement. En 2011/ 2012, les élèves ayant bénéficié d'une seconde chance étaient de 236 mille. Au-delà des indicateurs globaux, certains chiffres montrent une évolution qualitative du phénomène et dévoilent des spécificités d'ordre démographique. Force est de constater que les garçons demeurent les plus touchés par l'abandon scolaire que les filles tant à l'enseignement de base qu'à celui secondaire. Pourtant, dans les années 80, l'écart entre les genres était quasi insignifiant. « Plus de 90% des élèves qui comparaissent devant les conseils de discipline sont des garçons, ce qui dénote la vulnérabilité de ces derniers », note l'orateur. Par ailleurs, la cartographie de l'abandon scolaire place certaines régions en haut de la liste. Ce problème s'avère être, en effet, plus notable à Kasserine, à Kairouan, à Sidi Bouzid et au Kef qu'ailleurs. Unft/ Société civile: projet d'une étude sur l'abandon scolaire Il est évident que l'abandon ou l'échec scolaire fait partie des défaillances qu'il est impératif de corriger. La volonté ne manque pas. Toujours est-il que les parties concernées ainsi que la société civile doivent se pencher sur ce phénomène. Pour M. Mensi, l'échec ou l'abandon scolaire est le résultat de la concomitance de plusieurs composantes, notamment le système éducatif, le noyau familial, l'environnement social ainsi que la disposition de l'enfant lui-même à embrasser et à continuer — ou non — son parcours scolaire. Et c'est en examinant ce processus à la base que des solutions salvatrices et efficientes pourraient voir le jour. Partant de ce principe, l'Unft projette d'élaborer, en partenariat avec la société civile, une étude axée sur les 100 mille élèves concernés par l'abandon scolaire. « Nous commencerons par la phase documentaire afin de mieux cerner les pistes de travail. Nous impliquerons et les parents et les élèves dans ce travail d'investigation et d'analyse », souligne le représentant du Réseau national de la société civile. Et d'ajouter que le rôle des ONG est à confirmer afin que ces dernières puissent apporter le plus en matière d'encadrement et d'accompagnement des élèves d'une façon générale et ceux en difficulté plus particulièrement.