Outre les recours formulés en référé concernant les dépassements procéduriers, d'autres formulés sur le fond pourront renvoyer le dossier à la case départ... Le blocage du Dialogue national, initié par le Quartet, dès son entame vendredi au niveau du premier point de sa feuille de route, en l'occurrence le problème juridique de l'Isie, vient enfoncer le clou après la décision du Tribunal administratif de suspendre les travaux de la commission constituante de sélection des candidatures à l'Isie. Une situation qui a poussé les composantes de la société civile actives dans l'observation des élections à rappeler certains principes de transparence. De même, ces organisations ont étudié la question à la lumière du cadre juridique de l'Isie, qu'elles jugent incomplet et contradictoire sur certains points. Et alors que les participants au Dialogue national cherchent un compromis politique à cette crise, des organisations comme Atide et la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle, ainsi que des experts en droit ont appelé, samedi, à maintenir une position conforme à la loi. Garantir une certaine transparence et minimiser les interférences politiques dans le processus électoral sont les règles qu'elles préconisent. Refusant l'opacité des travaux de la commission constituante de présélection des candidatures à l'Isie, Moëz Bouraoui, président de l'association Atide, a évoqué les recours formulés auprès du Tribunal administratif concernant, entre autres, la méthodologie de travail de ladite commission. Il a indiqué que cette commission a occulté la classification d'évaluation des candidats établie à travers une grille définie par la loi organique n°12-23 du 20 décembre 2012 portant création de l'Isie. M. Bouraoui a insisté sur le devoir d'impliquer les médias et les organisations de la société civile actives dans les élections en tant qu'observateurs. «Il faudra nous donner le droit à l'accès à l'information et à l'observation de la commission constituante de présélection des candidatures dans un texte clair et précis. Si le travail de cette commission reste à ce niveau d'opacité, rien ne changera et personne ne pourra constituer un dossier de recours pour rectifier les défaillances. Dans ce cas, même l'amendement de la loi n°23, selon la proposition du Quartet, en rajoutant un article fixant les conditions et les délais de recours ne pourra combler le vide juridique. Dans tous les cas, nous allons user de toutes les formes de protestations pour appeler à ce que les dépassements soient dénoncés», a ajouté Bouraoui. Minimiser l'influence des tiraillements politiques Ce séminaire d'étude, organisé par la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle et Atide, a porté sur les conséquences des décisions du Tribunal administratif sur la légitimité de l'Isie, les difficultés et les solutions possibles. Entre autres difficultés évoquées, celles juridiques. Dans ce sens, les experts prenant part à cette journée ont insisté sur la composition de la commission constituante de présélection des candidatures à l'Isie. On a recommandé dans ce sens de choisir un représentant de chaque groupe parlementaire, et ce, pour minimiser les tiraillements politiques et leur influence sur la sélection des candidats. C'est l'idée de Amor Safraoui, avocat et président de la Coordination nationale indépendante pour la justice transitionnelle. D'après lui, il faudra lancer de nouveau un avis d'ouverture des candidatures. Avec d'autres experts, il a appelé à ce que le premier comité de l'Isie reprenne son travail. L'objectif est de ne pas perdre les acquis de cette première expérience et d'assurer une passation avec le moins de perte de temps possible. «Le retour de l'Isie à son travail sera un indicateur de l'indépendance de la deuxième équipe qui sera en place. Nous appelons les politiciens à lever la main sur tout ce qui touche aux élections et laisser les experts en la matière faire leur travail en ce qui concerne l'élaboration de la Constitution, la loi de la justice transitionnelle, ainsi que l'Isie et la loi électorale», a ajouté Safraoui. Continuité et garanties Le doyen Mohamed Salah Ben Aïssa a insisté sur la grille d'évaluation des candidats à l'Isie, en l'absence de laquelle on perd les garanties de la neutralité lors de la sélection des membres de ladite instance. Il s'est étonné du fait que l'ANC opte pour le vote sur la base des deux tiers sans prendre en considération l'évaluation. «Le droit est saisi par la politique!», s'est-il indigné. Selon lui, il faudra réviser la grille d'évaluation qui comporte des anomalies récurrentes. Le doyen a appelé à éliminer le vote lors de la sélection des candidats à l'Isie tout en optant pour deux tours. Par ailleurs, Mondher Bousnina, membre de l'Isie, s'est étalé sur les mauvaises conditions de travail de l'instance actuellement, alors que l'exécutif est en train de lui réduire les moyens de travail, notamment les locaux, outre le non-paiement des salaires des agents à la disposition de l'Isie. La marginalisation de certaines régions dans le processus d'inscription des listes électorales et les coûts élevés du recensement et de la préparation des bureaux locaux de l'Isie ont été aussi évoqués comme points sensibles et qui auront des répercussions directes sur le déroulement des élections et sur le timing nécessaires pour leur déroulement. La loi organique n°12-23 est à réviser dans sa totalité, telle est la recommandation retenue de la majorité des experts participant à ce séminaire d'étude. Entre l'optimal sur le plan juridique et le contexte politique, avec les différents agendas, la question est porteuse de plus d'un enjeu.