Par Azza FILALI Deux nouveaux martyrs tombés pour la patrie, au troisième jour de l'Aïd El Kébir : Mahmoud Ferchichi, 49 ans (deux enfants), Karim Mhamdi, 30 ans (soutien d'une famille de sept personnes). Le drame a eu lieu dans la région de Dour Ismaïl alors que les agents de la Garde nationale visant une maison suspecte ont été pris de court par un tir d'armes aussi imprévu que terrible. Que Dieu accueille les martyrs dans Sa miséricorde et accorde courage et patience à leurs familles. Mais il est des conditions qui n'aident pas à apaiser le chagrin des proches ni celui des collègues et amis. L'hommage aux disparus, prévu à El Aouina, a été « détourné ». Les dépouilles des martyrs arrivées à 10h00, ont dû attendre jusqu'à 11h20 les trois présidents qui étaient installés au salon d'honneur, sans doute engagés dans quelque discussion concernant des problèmes de vivants. Dehors, les morts, eux, attendaient. De toute façon, les morts ont l'éternité pour attendre, alors une heure de plus ou de moins... Mais cette heure-là sous un soleil de plomb a suffi pour déclencher la colère des agents, tout comme des officiers de la garde nationale. Une colère des plus légitimes devant la légèreté des autorités à l'égard de deux dépouilles qui attendaient leur bon vouloir. Le mot «dégage» est venu si fort, si spontané qu'il englobait une attitude indécente à l'égard des martyrs tombés pour la patrie, mais également une prise de position officielle de la Garde nationale à l'égard du pouvoir. Seule exception : le ministre de l'Intérieur qui a prononcé l'oraison funèbre en lieu et place des présidents renvoyés. Il est des courtoisies de l'âme, il est une élégance de l'être qui fait que tout doit s'arrêter devant la mort. Sans doute aurait-il fallu que les trois présidents se déplacent jeudi à Goubellat à l'annonce du décès des deux officiers, au moins auraient-ils dû être là, debout, à attendre l'arrivée des dépouilles. Rien à voir avec les querelles intestines, ni avec les destinées politiques d'un parti, ou d'un gouvernement. La mort annule tout cela d'une chiquenaude, une balle partie au moment où l'on ne s'y attendait pas, deux morts de trop ! Que dire dans ce cas du responsable de la garde nationale, «récemment» nommé et qui a promis de sévir vis-à-vis de ceux qui ont crié le fameux «dégage», menace reprise quelques heures après par le chef du gouvernement lui-même ! Sévir, mais contre qui ? Les images montraient une foule de quelques centaines d'hommes qui, bras tendus, clamaient d'une seule voix! Dans ce cas, il faudrait une arrestation en masse, visant, pourquoi pas, toute la garde républicaine ! La mort de Mahmoud Ferchichi et Karim Mhamdi laisse deux familles dans le besoin. On attend encore la loi censée compenser les pertes ou accidents de travail de la Garde nationale, pour que le chagrin lié à la perte de l'être cher ne se double pas d'une perte du seul revenu susceptible de faire vivre une famille. Jusqu'à quand des anomalies aussi flagrantes ? Par-delà l'injustice et l'incident (regrettables mais révélateurs), le devoir élémentaire de chaque Tunisien est de rendre hommage à notre garde républicaine, ces hommes et ces femmes de bonne volonté, mus par l'amour de la patrie, et qui ont prouvé qu'ils étaient capables d'offrir ce qu'ils avaient de plus cher, leur vie, pour que toujours flotte sur le pays notre indéfectible drapeau rouge et blanc.