Appelant à poursuivre tous ceux qui prônent la violence politique, les leaders du Front du salut se mobilisent aujourd'hui à travers une marche de protestation Alors que le leader de Nida Tounès, Béji Caïd Essebsi, a fait une visite éclair à la conférence du Front du salut, organisée hier, c'est le porte-parole de Nida qui a mené le débat autour du crime politique. «C'est une occasion, un an après l'assassinat de notre coordinateur régional, Lotfi Nagdh, de traiter ce sujet (le crime politique) d'autant qu'il est un handicap dans le processus transitoire en Tunisie», a indiqué Ridha Belhadj, porte-parole de Nida Tounès. D'après lui, il faut poursuivre tous ceux qui sont derrière les crimes politiques et ceux qui prônent des discours violents. «C'est un fléau appuyé par le gouvernement et les partis au pouvoir, notamment à travers leur manquement à leurs devoirs envers la lutte contre le crime et spécialement celui politique. Nous considérons que ce sont des crimes contre l'humanité, ce qui nous permet de les internationaliser», a-t-il expliqué. Pour ce qui est de la mobilisation aujourd'hui, c'est à travers une marche de protestation qui partira tout à l'heure (vers midi) du ministère de l'Intérieur pour rallier la place de La Kasbah. Belhadj a affirmé que c'est pour mettre la pression sur le gouvernement et sur le mouvement Ennahdha afin de renforcer les chances de réussite du dialogue national. Confiance perdue ! Plus virulent, le secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu), Zied Lakhdar, s'est attaqué au gouvernement qui, d'après lui, ne révèle pas toutes les vérités concernant les assassinats politiques des martyrs Nagdh, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. «Les Tunisiens ont voté il y a deux ans, pour élire une Assemblée afin d'écrire une nouvelle constitution et installer de nouvelles institutions. Mais voilà que rien ne s'est passé ! Il y a un manque de confiance qui s'est installé entre le peuple et le gouvernement. Et les assassinats politiques qui ont eu lieu ont été l'œuvre de Tunisiens contre des Tunisiens, pas comme celui de Farhat Hached, assassiné par les forces colonialistes. Là on doit rappeler que le phénomène a une multitude de facettes: politique, sécuritaire et culturelle. Nous avons, désormais, des gens qui prônent une certaine culture de l'exclusion de l'autre qui ne partage pas les mêmes avis, et ce, à travers la violence et la liquidation physique», a-t-il enchaîné. Rebondissant sur la lutte contre le terrorisme, Lakhdar a mis en cause le défaut de la volonté politique, alors que, selon lui, l'institution sécuritaire est capable de faire face au terrorisme en dépit du défaut flagrant des moyens logistiques. Il a évoqué l'existence d'un système sécuritaire parallèle, tout en s'étalant sur la violence des ligues de protection de la révolution. «Le gouvernement est impliqué avec les groupes terroristes et leur a fourni une couverture politique et culturelle. Le parti au pouvoir comprend des éléments extrémistes du genre Abou Iyadh et ses disciples...», a ajouté Lakhdar sur un ton aigu et froid. Pour sa part, Basma Khalfaoui, militante de gauche et veuve du martyr Chokri Belaïd, n'a pas mâché ses mots et a accusé directement Ali Laârayedh de n'avoir pas bougé le doigt face aux assassinats. Concessions et pression Le secrétaire général du Ppdu a souligné le retour d'Ennahdha sur sa position quant à l'acceptation de la feuille de route du Quartet. Il a évoqué le retour de certains constituants dissidents à la sphère de l'Assemblée nationale constituante en guise de concession pour que le dialogue avance. Pour sa part, le leader du Front populaire Hamma Hammami a insisté sur le devoir de faire pression face à ce qu'il a appelé «dictature» et «double langage d'Ennahdha». «Nous avons accepté de faire des concessions en nous alignant à la feuille de route du Quartet sans pour autant être convaincus de la totalité de ce qu'elle compte comme points. Cependant, nous ne sommes pas sûrs que le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, annoncera son engagement à démissionner, lui et son gouvernement. D'où nous appelons à faire pression de la part du peuple afin de mener à terme le dialogue et le processus transitoire», a-t-il ajouté. Emue, essoufflée, en larmes...la veuve de Lotfi Nagdh, Houda (la quarantaine), est venue hier se demander pour quelles raisons l'affaire de son mari, assassiné il y a un an, a été transférée depuis Tataouine à Sousse. Elle a indiqué que le juge d'instruction à Tataouine l'avait qualifiée de meurtre alors qu'à Sousse c'est devenu une simple bagarre ! D'après son avocat, Me Kefi Abada, ce qui est nouveau est que le juge d'instruction a qualifié le crime de meurtre passible de prison à perpétuité pour celui qui l'a commis. Et d'ajouter : «La chambre de mise en accusation a, par la suite, requalifié le fait d'une rixe suivie de mort d'homme!», s'est étonné l'avocat.