La nouvelle édition de Douz Doc Days est devant le défi d'être plus proche du public local. La troisième édition des rencontres cinématographiques de Douz a été inaugurée samedi dernier au musée des arts populaires de la ville. Elle se poursuivra jusqu'au 6 du mois avec des projections, des master class, des ateliers et des expositions. La veille de l'ouverture, l'aventure a commencé dans un wagon du train à destination de Gabès. La Société nationale des chemins de fer s'est impliquée dans la manifestation en offrant de prendre en charge le déplacement des invités depuis la gare centrale de Tunis, lieu où les festivités avaient déjà commencé. Deux percussionnistes sénégalais invités de Douz Doc Days ont en effet mis le feu avec leurs rythmes et attisé la curiosité des voyageurs. Une fois installés dans le train, les festivaliers ont commencé à faire connaissance, alors que les étudiants du Master en Audiovisuel de l'Institut Supérieur des Arts et Métiers de Gabès se sont organisés en groupes pour imaginer des mini-scénarios de films concernant le voyage en cours. Il s'agit là du ciné-train, nouveauté de cette édition. Les films produits seront montrés au lendemain de l'ouverture, avec les documentaires que ces étudiants ont réalisés au cours de l'année universitaire 2013, encadrés par leur enseignante Ons Kamoun, et ce, lors d'une master class assurée par cette dernière. Accueil chaleureux Arrivés à Gabès, les festivaliers ont été accueillis par la musique, jouée par des étudiants de l'Institut supérieur de musique de la ville. Deux heures plus tard, arrivés à Douz, les corps fatigués ont pu reprendre des forces pour attaquer la journée de l'ouverture. Celle-ci a commencé par une excursion dans la région de Glissia à Douz, où vivent des nomades qui ont choisi d'y poser bagage, tout en gardant le mode de vie de leurs ancêtres. Dans l'après-midi, Douz a accueilli ses invités comme elle le fait chaque fois qu'un grand événement s'y présente, comme le festival international du Sahara ou le passage des grands rallyes, par le spectacle de sa troupe folklorique. Les musiciens et danseurs ont emmené les festivaliers de la place du Souk jusqu'à l'esplanade du musée des arts populaires de Douz où ils ont enchaîné les tableaux de danse des jarres, boussaâdia, etc. C'est dans cet endroit qu'a été placée la tente où se dérouleront les projections des films de la troisième édition. Dans le bâtiment principal du musée était installée l'exposition photographique Eternelle Tunisie de Hamideddine Bouali. Une trentaine de photographies qui témoignent d'une Tunisie avec qui, ses habitants, entretiennent désormais des rapports complexes : un pays qu'on aime et qui nous châtie. Le plus original dans cette exposition est le fait que les visiteurs peuvent laisser des commentaires sous les photographies. Hamideddine Bouali appelle d'ailleurs cela «Eternelle Tunisie vue par moi et commentée par les visiteurs», une exposition qu'il veut évolutive. Les visages de Douz Rassemblés sous la tente, festivaliers et public de Douz ont prêté l'oreille au directeur du festival, Hichem Ben Ammar, qui expliquait les choix de cette édition, dont celui de consacrer plus de la moitié des films de la compétition à la production du Sud. Les 8 longs métrages et 8 courts métrages en lice sont aussi, pour la plupart, réalisés par des jeunes, et que Douz Doc Days désire leur offrir un tremplin. Hichem Ben Ammar a rappelé que le fait d'organiser les projections sous une tente est un retour aux sources des premières projections organisées en Tunisie et une résultante de la disparition des salles de cinéma dans le pays. C'est sans doute aussi une manière de se rapprocher de l'environnement de la ville et de ses habitants. Le premier film présenté lors de la soirée d'ouverture est Bribes de mémoire, un documentaire réalisé par des élèves de Douz, encadrés par l'universitaire et cinéaste italienne Sonia Giardina, et le cinéaste tunisien Rafik Omrani. Les jeunes ont filmé leurs grands-parents, oncles et tantes qui ont témoigné du périple des Fellagas de la ville de Douz, qui ont pris les armes contre le colonialisme en Tunisie, en Algérie, en Libye et même en Palestine. La mémoire de ces martyrs, dont les noms sont gravés dans un monument central de Douz, défie le temps grâce à l'œuvre de leurs petits-enfants. Bribes de mémoire est une œuvre simple et chargée de sensibilité, où les paysages de la ville se croisent avec les images des témoins, qui portent leurs histoires sur leurs visages. Quant au deuxième film, Pourvu qu'elle soit Douz de Vicent Martorana, cinéaste franco-italien né à Gabès, il a suscité des réactions très mitigées. Le cinéaste a affirmé qu'il considère la Tunisie comme le pays de ses parents et que son film est destiné à un public français. Dans le synopsis, il parle de Douz comme «une région au cœur de la Tunisie où des bédouins aujourd'hui sédentarisés rencontrent des Européens fascinés par le désert, en quête de lumière, de chaleur et d'authenticité...». Dans le film, il est question de récolte de dattes, des deux années suivant le 14 janvier 2011 et des rapports avec la France. Certains ont vu dans ce film une œuvre égale à elle-même et aux intentions du réalisateur, d'autres y ont vu des faiblesses d'écriture, d'image et de montage, un regard pervers sur la ville ou encore une traduction du malaise de ses habitants, dépendants du tourisme mais dont ils n'apprécient pas forcément le côté voyeur. Une perplexité générale régnait quant au choix de ce film pour faire l'ouverture du festival. Son seul intérêt serait-il de parler de Douz ? En tout cas, cette projection laisse place à celle des films de la compétition, une occasion de voir comment les Tunisiens se filment et filment leur pays. Qu'est-ce que cela donne quand le Sud fabrique sa propre image...