En Tunisie post-révolutionnaire, des aberrations impensables, portant atteinte à l'enfance, de façon préméditée ou par ignorance, ont donné lieu à des produits médiatiques proposés au grand public Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef) a organisé, hier à Tunis, avec la participation de la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) l'Institut de presse et des sciences de l'information (IPSI) et le Centre africain de perfectionnement des journalistes et des communicateurs (Capjc) une journée de réflexion sur le thème : «Médias et droits de l'enfant». Cette rencontre célèbre, en outre, le 24e anniversaire de l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il faut dire que ce tournant important dans la lutte pour les droits de l'Homme encore enfant, et en dépit de sa portée éthique et universelle, demeure encore — et dans bien des pays — au stade du théorique, sinon du secondaire. Le choix de ce thème trouve son fondement dans l'importance du rôle des médias dans la lutte pour la cause infantile dans le monde, d'une manière générale, et dans les pays où l'on se heurte le plus au mépris des droits de cette catégorie vulnérable. En Tunisie post-révolutionnaire, des aberrations impensables, portant atteinte à l'enfance, de façon préméditée ou par ignorance, ont donné lieu à des produits médiatiques proposés au grand public. D'où l'impératif de tirer la sonnette d'alarme et de crier halte à l'offense des droits de l'enfant. Dans son allocution de bienvenue, Mme Maria Louisa Fornara, représentante de l'Unicef en Tunisie, a rappelé l'historique de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989 par 193 pays. Elle a insisté sur l'indispensable création d'un climat social, politique, économique et culturel favorable au respect des droits de l'enfant. Le rôle des médias dans ce sens est important. Il est consacré dans ladite Convention dans son 17ème article. La Fédération internationale des journalistes oblige même les journalistes à contribuer à la promotion des droits de l'enfant : «Tous les journalistes et professionnels des médias devraient promouvoir, au sein de leur profession, la diffusion la plus large possible des informations concernant la convention relative aux droits de l'enfant (...) et éviter de recourir à des stéréotypes ou au sensationnalisme pour promouvoir un reportage sur des enfants», cite Mme Fornara. La représentante de l'Unicef n'a pas manqué de saluer l'engagement des institutions-partenaires, notamment la Haica, pour l'introduction de la protection de l'enfant dans les critères fixés par le cahier des charges relatif à l'octroi des autorisations de diffusion propre aux radios et aux chaînes télévisées. L'Ipsi, pour sa part, s'engage à intégrer les droits de l'enfant dans son programme universitaire. Quant au Capjc, et en collaboration avec l'Unicef, il entame déjà un cycle de formation destiné aux professionnels des médias et portant sur le traitement des sujets liés à l'enfance. Protéger l'enfant via les médias Vice-président de l'Unicef en Tunisie, M. Hatem Kotrane indique, de son côté, que, comme tout être humain, les enfants ont droit à l'accès aux médias. D'ailleurs, les articles 17 et 29 de la Convention mais aussi l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques y insistent. L'orateur rappelle, par conséquent, le rôle des médias dans la promotion des droits de l'enfant et leur contribution à sa protection. Il insiste également sur l'impératif de les préserver contre toute forme d'exploitation à des buts lucratifs. Aussi les médias sont-ils appelés à veiller au respect de la dignité et de la vie privée de l'enfant et à sa protection contre toute information s'exerçant au détriment de son intérêt. M. Kotrane souligne aussi la responsabilité des Etats ayant adopté la Convention. Pour lui, les droits de l'enfant constituent une éducation aux droits de l'Homme : une éducation qui ne peut être mise en pratique sans un cadre juridique approprié. Mais elle suppose un engagement des médias dans des campagnes de sensibilisation. Images extrêmes de l'enfant victime ou celui surdoué Prenant la parole à son tour, M. Riadh Ferjani, universitaire et membre du Conseil de la Haica, a traité des représentations de l'enfant, de l'adolescent et des jeunes dans les médias. L'orateur a présenté les résultats d'une étude de l'Unicef. L'étude montre que l'image de l'enfant telle que transmise par les médias revêt un aspect normatif, stéréotypé. L'enfant est considéré ou comme victime ou comme surdoué. Quant à la jeunesse, elle apparaît sous un profil négatif. Elle est présentée comme délinquante, voire criminelle. Il est à noter, de surcroît, que les professionnels des médias donnent rarement la parole aux enfants qui sont pourtant les premiers concernés. «Sur 2.600 unités rédactionnelles, seulement deux articles donnent la parole aux enfants», fait remarquer l'orateur. D'ailleurs, avec l'invasion de Facebook, le paradoxe entre l'image que l'on attribue aux jeunes et leur réalité a été bien dévoilé.