Le nouveau film de Moslah Kraïem est noir et sans merci pour ceux qui ont fait de cette société un gouffre violent Le nouveau film de Moslah Kraïem est comme un coup de poing. Un film noir, violent et qui vous prend à la gorge ... Et le réalisateur l'assume ! « C'est la violence d'une société dans laquelle on vit, une violence dans laquelle on nous a poussé à vivre «dit-il». Un film sur l'Eros et le Thanatos ! La mort en est introduite ici à travers « un serial Killer» très particulier qui sévit à Bab El Fellah et qui donne à ce film son aspect de thriller psychologique très prisé par le public, ces derniers temps, et qui ne risque pas de déplaire. Mais il n'y a pas que l'amour et la mort. Ce couple, à mesure que le film évolue (à un rythme volontairement lent mais suffisamment parcouru de soubresauts et de secousses pour tenir le spectateur en haleine), n'est qu'une sorte de toile de fond pour un tableau social des plus effrayants. Parce que Bab El Fellah dresse le portrait d'une société gangrenée par la corruption, frustrée dans sa libido et où la culture vit sous perfusion. Gianni (campé par Mohamed Ben Nour ) est un ancien propriétaire italien d'une salle de cinéma dans le quartier populaire de la Médina de Tunis «Bab El Fella». Il a disparu en laissant un manuscrit qui retrace les événements qui se sont déroulés il y a vingt ans et que la police n'est pas arrivée à élucider. Mais un jour, un journaliste retrouve le manuscrit et part à la recherche de Gianni qu'il retrouve dans un asile de vieillards tenu par des religieuses. Un manuscrit semblable à la boîte de Pandore parce qu'il contient tous les malheurs de ce quartier de la Médina. Il n'y a qu'un seul élément qui ne sort pas de cette boîte c'est l'espoir, dit Moslah Kraïem, C'est aussi une critique acerbe des deux dernières décennies vécues sous le régime Ben Ali . C'est cette situation qu'on a vécue qui m'a poussé à m'interroger sur la position de l'homme de culture dans notre pays .Dans le film, ce personnage principal est isolé et jeté dans un asile. «Et, en effet, Gianni peine à faire fonctionner sa salle de cinéma entre les indics, la police de la censure, l'homme de religion, le responsable de la cellule du RCD. Faut-il être de mèche avec les bandits pour faire fonctionner une salle de cinéma ? Un film qui donne à sentir plutôt des choses dans la chair car même si le scénario est classique il y a un réel travail sur le corps et on convient que les acteurs ont été bien orientés dans ce sens .Et le réalisateur se défend de parler uniquement de la société tunisienne précisant que ce sont des problèmes spécifiques à tout le monde arabe. Bab El Fellah est aussi un film habité et dominé par des personnages illettrés et où la presse (par une comparaison des plus cruelles) est considérée comme défunte, «j'ai essayé d'opérer une remise en question parce que pendant plus de 20 ans on parle du Tunisien comme étant un être des plus intelligents et des plus disciplinés....», dit Moslah Kraïem . Bab El Fellah, produit par Khadija Lemkhecher, est entièrement tourné à la médina de Tunis et on s'attendait au pire. C'est-à-dire que le cinéma nous ramène de nouveau vers la carte postale usitée, mais voilà que par un parti pris, le réalisateur a évité le piège : «Je suis un enfant de la médina ! C'est pour cela que j'ai su éviter les clichés !», confie-t-il .Même avec des faux rythmes choisis par le réalisateur pour surfer entre l'action et la lenteur, le film trouve son tempo et ne lâche plus. Car en fin de compte l'atmosphère accroche et reste juste assez tendue pour ne pas tomber dans le polar consommé. La bande son de Youssef Gazzoum n'y est pas pour rien non plus. La sortie du film est prévue pour le mois de janvier 2014.