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«Des opportunités à saisir» Tawfik Jelassi, Professeur DE IT & e-business et Doyen de l'Ecole INTERNATIONALE DE MANAGEMENT des Ponts et chaussées de Paris
En marge de la 8e édition de la Conférence nationale sur les logiciels libres, le Pr Tawfik Jelassi parle des perspectives de l'e-business en Tunisie, du commerce électronique, ainsi que d'autres thèmes relevant des nouvelles technologies de la communication. En tant qu'expert en e-business, comment peut-on envisager le développement de ce filon en Tunisie ? Dans les domaines de l'économie numérique, l'e-commerce et l'e-business, la Tunisie est considérée comme un Etat embryonnaire. Je crois qu'elle a besoin d'établir une stratégie nationale sur le sujet qui impliquerait aussi bien le secteur public que privé. Peut-être aussi la société civile. Je pense qu'il y a énormément d'opportunités à saisir, surtout lorsqu'on commence à zéro. Ainsi il est impératif de mettre en place un écosystème qui permettrait de soutenir l'e-business et le cadre réglementaire, notamment pour la transaction en ligne. Il serait aussi opportun de consacrer certaines technopoles, — sinon au moins une — particulièrement à ce sujet. Pour amorcer ce plan stratégique, il faudrait bien commencer par quelques exemples phares pour servir de modèle notamment auprès des entreprises étatiques et des offices de l'Etat. Par exemple, l'Office de l'Artisanat ou autres. Ces exemples phares de commerce électronique, ainsi que les quelques réalisations modèles sur l'e-business, pourraient déjà créer un certain niveau de conscience parmi les décideurs, susceptible, du reste, de montrer le chemin. Quel impact peut avoir le e-commerce ou bien le e-business sur l'économie tunisienne ? L'impact serait majeur. Je vois cela dans d'autres pays que je connais assez bien tels que la Corée du Sud qui occupe la 8e place mondiale en matière de commerce extérieur. Le commerce électronique joue un rôle primordial dans le commerce extérieur de ce pays. Donc, il est clair que la contribution de l'e-commerce à l'échelle nationale serait indiscutable car le client d'aujourd'hui appartient de plus en plus à la génération digitale. Il est plus à l'aise avec l'informatique, Facebook, Twitter, les sites web et les blogs, plutôt que dans un magasin physique où il doit interagir face à face avec un vendeur. Aujourd'hui, nous sommes dans une économie et un marché de plus en plus dominés par cette génération digitale qui ne demande qu'à pouvoir « transactionner » et agir sur Internet. Son rôle est important pour l'économie nationale et encore plus pour l'exportation. Comment l'innovation en open source peut-elle booster notre économie ? L'innovation en open source met le client et l'utilisateur au centre d'un cycle de R&D (recherche et développement). Avec l'open source, on est en train de passer du concept de l'innovation fermée (Closed Innovation) à l'innovation ouverte (Open Innovation). « L'Open Innovation » fonctionne par un lien digital qui permet de contribuer avec une idée ou un concept ou une innovation. Ainsi, c'est la communauté qui amplifie ce qu'on appelait avant un département R&D au sein d'une entreprise. Et on voit des exemples qui ont fait leurs preuves. Par exemple, les centaines d'applications sur l'iPhone. Qui les a développées ? A 98%, ce sont les clients et les utilisateurs de l'iPhone et non pas la société Apple. Donc on voit très bien dans cet exemple que le client et l'utilisateur de ce Smartphone (téléphone intelligent) deviennent eux-mêmes les développeurs d'applications qui apportent une valeur ajoutée au profit d'autres utilisateurs dans d'autres pays ou régions du monde. Ainsi l'innovation s'obtient désormais de la masse (l'utilisateur/le client) à travers un lien digital. Les Tunisiens utilisent beaucoup les Smartphones et les tablettes tactiles. Comment peuvent-ils contribuer à l'essor de l'open source et de l'économie électronique ? Aujourd'hui, il y a plusieurs écrans qui permettent aux utilisateurs d'interagir soit entre eux en communauté, soit avec des prestataires de produits et de services. Les Smartphones, ce qu'on appelle le small screen (petit écran) et l'ordinateur, the big screen ou the large screen (le grand écran ou le large écran). Donc, une pénétration élevée de Smartphones va s'accentuer au fil du temps dans un pays qui a aujourd'hui 122% de pénétration de téléphones mobiles. Evidemment, le Smartphone devient l'ordinateur d'aujourd'hui et le Desktop (le bureau) d'hier. Cela veut dire que le client ou l'utilisateur est connecté 24h/24 et 7 j/7. Il peut à tout moment interagir via un Smartphone avec, notamment, des entreprises ou des développeurs ou des start-up ou autres. Avec une bande passante d'Internet qui reste très limitée sous nos cieux et le monopole qu'exerce l'ATI sur le marché tunisien, peut-on vraiment rêver d'un e-commerce ou d'un e-business florissant dans notre pays? Le ICT4ALL 2013 a organisé une session sur ce sujet « the broadband » (Large bande: réalité et perspective). Je pense que la question du débit va s'améliorer et les freins technologiques qui se posent aujourd'hui vont petit à petit tomber. C'est inéluctable. La technologie avance et avec ces avancées, il y aura de nouvelles capacités technologiques : comme le Broadband. D'ici un ou deux ans, ces limitations d'ordre technologique vont être réduites et levées. Maintenant, il faut qu'on se prépare à l'écosystème pour tirer profit de ces nouvelles copies technologiques. Pour favoriser l'économie numérique, et à l'image de l'Estonie, la nouvelle constitution tunisienne doit-elle garantir le droit digital pour tout citoyen tunisien ? L'Estonie est un bon exemple car lorsqu'on parle de constitution, il y a une bonne douzaine d'années, ce pays avait ajouté un article dans sa constitution qui donne le droit à l'accès digital à tout citoyen. On parle de droit pour tout citoyen estonien qui a même la possibilité de voter via Internet. C'est un modèle à étudier. Il ne s'agit pas de le copier, mais de l'adopter au contexte tunisien et à sa réalité socioéconomique et politique. Des pays, comme la Corée du Sud, l'Estonie, la Finlande et Singapour font partie des pays leaders, qui sont devenus des géants sur le plan de l'économie numérique et la connectivité digitale. Quelle est votre lecture des lois tunisiennes concernant le e-commerce et l'e-business ? D'après vous, faut-il réviser tout le cadre juridique ? Sur le plan législatif, la Tunisie possède un cadre réglementaire qui doit être révisé et amélioré. On peut faire mieux. On peut faire plus. S'il y a de la volonté, il y aura les moyens pour le faire. Comment encourager les jeunes à ouvrir leurs propres start-up et faire bon usage des logiciels libres ? Après la révolution, plusieurs initiatives ont vu le jour. Aujourd'hui, il suffit à un jeune d'avoir une idée et de savoir faire vendre son concept pour que son rêve soit réalisé. L'open source peut-il être un vecteur de croissance pour les petites et moyennes entreprises tunisiennes (PME)? Oui, bien sûr ! Ce qui est open source réduit la barrière d'entrée. Avant, il fallait investir dès le départ. Il fallait en avoir les moyens notamment en ressources humaines. Donc, il y a des obstacles pour une PME ou les TPE (très petite entreprise) pour pouvoir se lancer. Avec les open sources, vous n'avez pas à acheter un logiciel qui coûte des dizaines de milliers de dinars ou de payer en devises. Par exemple, aux Etats-Unis, plusieurs entreprises ont été créées grâce aux logiciels open source. Aujourd'hui, avec les logiciels libres, une PME peut avoir la plateforme logicielle nécessaire qui lui permettra de faire du développement et de la recherche et de se lancer dans le marché. C'est une opportunité, quelque chose de nouveau qui n'existait pas auparavant. Il faut savoir en tirer profit.