Par Abou YASSINE Depuis déjà des mois, Messieurs les politiciens, vous ne cessez de nous assurer que le dialogue est la seule voie possible et en mesure de débloquer la situation politique et par là sortir des crises étouffantes socioéconomique et sécuritaire dans le pays. Aussi, vous nous affichez continuellement votre optimisme quant à l'issue de ce dialogue par la mise en œuvre de la feuille de route proposée par le Quartet et acceptée presque par tous après de longues tractations. Après déjà quatre semaines, vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord sur le tout premier point, la désignation d'une personnalité au poste de chef du prochain gouvernement qui devrait conduire le pays pendant ce qui reste de la phase de transition pour finaliser le projet de constitution et l'adopter, mettre en place l'Isie, faire promulguer la loi électorale et surtout assurer les conditions optimales à l'organisation d'élections libres, transparentes...dignes de ce nom. On nous a surtout promis l'accélération du rythme des travaux à réaliser pendant cette période et avec une précision impressionnante telle qu'elle n'engage que ceux qui y croient, on parle de quelques semaines, trois pour former le gouvernement et quatre pour que l'ANC achève tous ses travaux ! Jusqu'à ce jour, on est encore très loin du respect de ces échéances et du rythme de concrétisation prévus par la feuille de route qui escompte la conclusion d'un accord sur un nouveau chef de gouvernement dans un délai d'une semaine(!), mais déjà après 26 jours vous n'y parvenez toujours pas! Objectivement, rien ne permet le moindre espoir de réaliser même pas le premier point de cette feuille de route, au contraire les choses à l'Assemblée nationale constituante se compliquent par l'adoption de nouveaux amendements de son règlement intérieur avant d'y renoncer, retrait puis retour d'une soixantaine de dissidents... Messieurs les politiciens, y compris les honorables membres de l'ANC, les choses se sont tellement compliquées, votre inefficacité et votre entêtement sont tels qu'on est en droit d'envisager sérieusement, loin de toute dramatisation, les pires scenarii une fois l'échec du dialogue officiellement reconnu. Malheureusement, il est aisé de constater que tout évolue vers le pire et en voici les signes précurseurs les plus évidents : - Blocage politique : absence d'une quelconque volonté chez les politiciens de céder quelque part pour arriver à un compromis, c'est la guerre de position. - Situation socioéconomique au bout du gouffre. - Terrorisme bien consolidé dans le pays, pire encore on s'achemine vers la banalisation du phénomène, les nouvelles relatives aux activités terroristes ne font plus forcément la une des journaux télévisés et de la presse. - Désagrégation, en douceur, mais d'une façon continue, de l'appareil de l'Etat, regardez ce qui se passe au sein des forces de sécurité Intérieure et au ministère de la Justice, pour ne citer que ces deux piliers de l'Etat, sans parler du reste des administrations ... - Annonce déjà d'un nombre impressionnant de préavis de grève dans des secteurs stratégiques en mesure de paralyser tout le pays: transport, justice, santé, éducation, enseignement supérieur et la liste n'est pas définitive. - Et le comble, l'internationalisation de la crise nationale, par la recherche de certains de nos « sages» ( !) de solutions, de conseils et certainement aussi de soutien, auprès de chefs d'Etat étrangers et aussi auprès d'ambassadeurs accrédités à Tunis ! et Dieu seul sait ce qui se trame réellement lors de ces rencontres annoncées et peut-être à l'occasion d'autres restées secrètes. L'annonce de l'échec du Dialogue national dans la situation décrite plus haut ne peut que plonger le pays dans le chaos total et dont personne ne peut prévoir les conséquences. Ce qui est certain, c'est que le pays sera tout simplement livré à la violence et hors contrôle, laissant le champ libre à l'ingérence extérieure et aux divers acteurs agissants hors la loi, antirévolutionnaires, terroristes, contrebandiers, criminels de tout genre, etc. , ce qui ne peut que mener à la faillite de l'Etat. Oui messieurs les acteurs politiques de tout bord, vos agissements nous conduisent à pas lents mais certains vers la catastrophe. Dans ce cas, qu'importera de savoir qui est le plus ou le moins responsable parmi vous de cette situation ? Le peuple et l'histoire vous condamneront tous sans distinction, vous assumerez pour toujours la lourde responsabilité d'avoir conduit le pays à la faillite. Vous êtes-vous demandés un seul instant les scenarii possibles en cas d'échec du dialogue ? Livrer le pays à l'anarchie et la violence de la rue? Laisser libre cours aux terroristes au nom de je ne sais quel jihad ? Faire appel à des forces extérieures pour gouverner le pays ? à l'ONU ? ou aux armes (l'armée, les forces de sécurité intérieure ...) ? C'est à cela que le peuple tunisien aspirait quand il s'est révolté et vous a élus, messieurs les députés de la Constituante ? Et puis, tout cela pour un bout de pouvoir éphémère, pour quelques avantages personnels. Où sont vos principes, ou s'agit-il de simples slogans de campagne électorale ? Principes de primauté de l'intérêt général sur l'intérêt personnel, de désintéressement ? du respect de la volonté et des aspirations du peuple, des résultats des urnes, du sens du compromis... ? Où sont votre sagesse et votre capacité à négocier et dont vous vous targuez, Messieurs les politiciens de la révolution, que pensez-vous de vos réalisations au vu des aspirations du peuple après presque trois ans de révolution ? Messieurs les politiciens et honorables députés de la Constituante, on veut bien croire qu'il y a encore de l'espoir à faire réussir ce dialogue et amener le pays jusqu'aux élections, mais en cas d'échec, je vous prie et je vous conseille de quitter la scène, tous ensemble, et surtout en silence. Déjà, nous n'avons plus ni l'envie ni le besoin de nous expliquer les raisons de l'échec et la partie qui en est plus ou moins responsable. Effacez-vous et laissez la place aux jeunes à qui reviennent et la révolution et l'avenir. Et dans ce cas, on aura confirmé pratiquement, si besoin en est, deux règles déjà bien connues : d'abord, chaque temps et chaque pays a ses hommes (et évidemment aussi ses femmes), ensuite, on ne peut pas faire du neuf avec du vieux et a fortiori avec du très vieux. Partez avant que vous ne soyez balayés par les événements et le peuple.