Abou Iyadh serait en train de mobiliser ses troupes pour des frappes ciblées. Tunisiens et Américains le prennent au sérieux Il réapparaît enfin, Abou Iyadh. Jusqu'ici trop prudent, excellant dans l'art de passer incognito, évitant toute tentation d'une médiatisation aux conséquences qu'il sait désastreuses, voilà qu'il refait brusquement surface. C'était la semaine dernière, aux dires de renseignements occidentaux qui font état d'une importante réunion de crise qu'il aurait tenue à Derna (Libye), désormais fief privilégié des différents groupuscules jihadistes à la solde d'Al Qaïda. C'est là qu'il a, selon les mêmes révélations, demandé à ses homologues libyens, algériens, égyptiens et marocains avec lesquels il avait pactisé récemment, de ne plus envoyer ses hommes en Syrie, afin de renforcer ses effectifs qu'il entend mobiliser pour sa...«marche», qu'il dit imminente, sur la Tunisie. Sa demande aurait été acceptée, étant donné qu'elle entre dans le droit fil de la stratégie globale d'Al Qaïda, visant l'islamisation radicale de tous les pays du Maghreb. Panoplie de scénarios Dès lors, il ne fait plus de doute que Abou Iyadh est prêt à passer de la parole aux actes. En effet, en obtenant l'aval d'Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) qui chapeaute, comme on le sait, tous les groupes terroristes en Afrique, il n'a plus besoin d'envoyer ses hommes en Syrie, ni d'attendre leur retour de ce pays. Ces hommes qu'on dit bien entraînés à la guérilla et dont une bonne partie aurait combattu en Irak, en Syrie, en Algérie, au Mali, voire en Afghanistan. Selon d'autres révélations occidentales, Abou Iyadh dispose d'une véritable armée composée d'environ trois mille jeunes combattants tunisiens, mais aussi des différentes autres nationalités arabes et africaines. Cela, sans compter d'éventuels renforts qu'il a sollicités auprès des activistes d'autres groupes amis (Ansar Echaria de Libye et Al Mourabitoun d'Algérie, notamment). Ainsi, bien nantie en hommes et en force de frappe, «l'armée d'Abou Iyadh» n'a plus qu'à attendre le feu vert du numéro un d'Aqmi, Abdemalek Droukdel, pour lancer des opérations en Tunisie.Pour le porte-parole du ministère de la Défense, Taoufik Rahmouni, «ces menaces sont à prendre très au sérieux, parce qu'elles sont exécutables à tout moment, selon différents scénarios interposés». Lui emboîtant le pas, une source policière bien informée et au fait du dossier du terrorisme, soutient que «les terroristes, imprévisibles et jouant à fond l'effet surprise, sont capables de frapper n'importe quand, n'importe où et n'importe comment, étant donné qu'ils sont obsédés par la volonté de nuire, afin de semer l'anarchie et le chaos dans le pays et, par là, de commencer à préparer le terrain à l'implantation d'un émirat islamique qui constitue leur objectif final tant rêvé». Et, à bien y voir, on peut dire sans risque d'exagérer que tous les scénarios tramés par Abou Iyadh restent réalisables. En effet, dans le style d'Al Qaïda en phase offensive, on adopte toujours un modus operandi varié et à la marge d'échec généralement très limitée. Cela va de la ruée (clandestine bien sûr) à partir des frontières, à la mobilisation des cellules dormantes sur place. Et pour passer à l'action, il y a différentes options pour faire mal: prises d'otage, attentats à la voiture piégée ou à la ceinture explosive, détournement d'avions, minage des lieux ciblés, etc. Le tout moyennant des équipes de kamikazes des deux sexes promptes à mourir au nom du sacro-saint jihad. De quelle manière frapperait donc Abou Iyadh s'il venait à le décider ? Personne, absolument personne ne peut le prédire... Nouvelles mises en garde Reste à dire que ces menaces surviennent dans la foulée d'une énième mise en garde à l'allure d'avertissement américain à l'adresse des pays d'Afrique du Nord. Cet avertissement est basé sur deux éléments principaux, à savoir : – Primo : l'interception, par les services secrets US, de messages émanant de responsables haut placés d'Al Qaïda, et faisant état d'éminents attentats qui toucheraient les intérêts occidentaux dans le pays du Grand Maghreb. Pour Michael Mc Faul, président de la commission de la sécurité intérieure à la Chambre des représentants US, «il s'agit-là d'une des menaces les plus crédibles et les plus précises que j'ai vues depuis les attentats du 11 septembre 2001». – Secundo : le général Martin Dempsey, chef d'état-major de l'armée américaine, a lui-même, reconnu l'existence de ces sérieuses menaces, en prévenant qu'elles visent l'ensemble des intérêts occidentaux en Afrique du Nord, et qu'elles sont plus spécifiques que par le passé». Venant de hauts responsables et experts américains en matière de sécurité, ces deux aveux constituent, sans nul doute, un avertissement inquiétant, pour ne pas dire un ultimatum à l'adresse des pays concernés, dont évidemment la Tunisie. A bon entendeur...