Le Mouled, qui correspond au 12 du Rabii el Awel sera célébré comme d'habitude en grandes pompes dans tout le pays. Malgré la morosité et la baisse de moral des citoyens, beaucoup ont décidé de ne pas faire l'impasse sur la fameuse assida qui commémore la naissance du prophète Mohamed. La célébration du Mouled a traversé les siècles sans prendre une ride. Cet événement religieux est entré dans les us et coutumes des habitants des pays de l'Afrique du nord .Au début, la célébration revêtait une dimension essentiellement religieuse. La naissance du prophète est commémorée, chaque année, dans les lieux de culte musulmans. Les hommes, après la prière, déclament des poèmes qui font l'éloge du prophète et narrent des péripéties et des anecdotes de la vie de Mohamed. Célébré pendant des siècles par les chiites, il est reconnu officiellement en tant que fête religieuse par le roi d'Erbil. Avant cette année, le mouled est loin d'être célébré avec faste. Le quatorzième jour du troisième mois de l'année musulmane, les festivités se cantonnent à la cour du calife où des processions sont organisées et des khutbas déclamés à voix haute. On célèbre non seulement l'anniversaire de la naissance du prophète Mohamed, mais également celui de Fatma et de Ali notamment dans les communautés chiites sous la dynastie des fatimides. Sous la dynastie husseïnite, les beys vont donner un caractère solennel et fastueux à la célébration du Mouled. Ahmed Pacha Bey donne l'ordre, le 12 de Rabii el Awel, de célébrer la naissance du prophète dans les quatre coins du royaume. Mohamed Sadok Bey consacre un budget aux festivités religieuses. Dans toutes les mosquées et les zaouias, les cérémonies religieuses organisées en l'honneur du prophète sont grandioses. Le bey prend lui-même part aux festivités religieuses et se rend dans les mausolées des saints: Sidi Ali Ben Zyad, Sidi Ben Arous, Sidi Brahim Riahi, Sidi Ali Chiha, Sidi Mehrez Ben Khalef. Les beys se montrent prodiges, généreux et font l'aumône aux pauvres. De grands repas sont donnés auxquels assistent le sérail du bey et les invités étrangers de visite en Tunisie sont donnés. Dans les foyers, un entremets délicieux voit le jour et va désormais accompagner la célébration de la naissance du prophète : il s'agit de la fameuse assida. Chaque région va l'apprêter à sa manière dans le respect des traditions locales. A ses débuts, la «âssida» est préparée à base de semoule de blé, d'huile, de miel et de sucre. Au fil du temps, les maîtresses de maison vont faire preuve de beaucoup d'ingéniosité et essayer de nouvelles manières de la préparer. Au Sud, à la place de la farine de blé, on utilise la farine d'orge qu'on mélange avec de l'eau. On fait cuire à feu doux cette préparation jusque ce qu'une crème onctueuse se forme. A la fin de la cuisson, on accompagne cette préparation d'huile, de sucre ou de miel selon les goûts. Dans les régions du Cap-Bon, la «âssida» est préparée à base de farine de sorgho. A la fin du XIXe siècle, la famine qui sévit dans le pays est loin de décourager les ménagères qui décident d'essayer la «âssida» avec des grains d'alep, appelés communément zgougou. La préparation réussit et s'avère être délicieuse. Au fil du temps, afin de se distinguer des familles pauvres qui préparent l'assidet zgougou, à base de grains d'alep, les familles bourgeoises, elles, préfèrent préparer la «âssida» à base de noisettes. La tradition continuera à être perpétuée pendant de nombreuses années. Un siècle après, la veille du mouled, les files d'attente sont toujours aussi longues devant les vendeurs d'épices et de grains d'alep. Mais, mode de vie oblige, les habitudes ont changé. Des jeunes femmes actives préfèrent acheter une préparation toute faite afin d'éviter certaines étapes fastidieuses de la préparation comme le lavage, le nettoyage et le séchage des grains d'alep. Cette préparation présentée dans une boîte permet de préparer «la «âssida»» en un temps record. Sauf que cette préparation des temps modernes est insipide et a perdu toute la saveur caractérisant «la «âssida» » préparée par nos aïeuls.