Les scènes de saccage qui ont récemment embrasé plusieurs villes du pays et la présence suspecte de terroristes ayant fui le mont Chaâmbi seraient-elles le prélude à l'exécution des menaces proférées par Ansar Echaria, à la veille du réveillon dernier ? Censées être la traduction spontanée d'un ras-le-bol populaire, consécutif aux augmentations annoncées par la loi de finances 2014, les manifestations de colère qui ont embrasé, ces jours-ci, plusieurs villes du pays se sont vite transformées en actes de sabotage en règle, qui sentent la préméditation pure et simple. En réalité, toute manifestation populaire, quelles que soient ses motivations, s'exprime pacifiquement, par banderoles et slogans interposés. Mais de là à mettre le pays à feu et à sang, voilà un pas que seuls les esprits malintentionnés, c'est-à-dire les esprits du mal, peuvent franchir. Il suffit, pour en avoir le cœur net, de se remémorer le film des événements douloureux qui ont secoué, la semaine dernière, les villes de Kasserine, Thala, Feriana, Tataouine, Meknassi, La Marsa, Cité Ettadhamen, Hidra... Ici et là, la «rage de nuire» était telle que des postes de police et de la Garde nationale ont été incendiés, des édifices publics saccagés, des rues coupées à la circulation et des véhicules calcinés. Bref, un paysage apocalyptique qui dépasse le cadre des simples revendications et donnent lieu à des soupçons de préméditation. Cela est d'autant plus vrai que les manifestations de casse qui nous rappellent drôlement ce qui s'est passé la veille de la révolution du 14 janvier 2011, ont bizarrement perduré, en dépit du renoncement de l'Etat à l'application de la hausse des taxes de transport et... de la démission officielle de Ali Laârayedh ! Des signes qui ne trompent pas Pour le porte-parole du ministère de l'Intérieur, «il ne fait pas de doute que les terroristes et les contrebandiers qui ne comptent plus les échecs, sont passés par là». Venus d'un haut cadre de ce département, ces propos constituent assurément un signe qui ne trompe pas sur le réveil des acolytes d'Al Qaïda. Autres signes non moins édifiants : – La persistance de nouvelles circulant dans le gouvernorat de Kasserine et faisant état de l'apparition, parmi la population, de terroristes ayant réussi à fuir Jebel Chaâmbi. – La précieuse information venant récemment des services de renseignements algériens et qui affirme que des jihadistes algériens, conduits par l'émir Khaled Ech-chaïb, alias Abou Lokmane, se sont infiltrés, ces jours-ci, en Tunisie, après avoir perdu leur dernière base en Algérie. Selon le même «scoop», Abou Lokmane, un des lieutenants du patron d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), Abdelmelek Droukdel, s'apprêterait à passer à l'acte en Tunisie, avec la complicité de ses alliés Abou Iyadh (Ansar Echaria) et Mokhtar Belmokhtar, dit le Borgne (groupe de Okba Ibn Nefâa). – Selon des sources sécuritaires concordantes, «ceux qui ont récemment fait des ravages dans les édifices publics, particulièrement dans les postes de police et de la garde nationale, seraient liés aux groupuscules terroristes cités. Leur objectif est on ne peut plus clair : semer la pagaille dans les rangs des forces de sécurité intérieure qui, ainsi affaiblies, marqueront un relâchement en matière de vigilance, voire un vide, devant être mis à profit pour desserrer l'étau autour des terroristes de Jebel Chaâmbi». – Etant communément admis dans les traditions d'Al Qaïda que les cellules dormantes ne peuvent rester éternellement inactives, il n'est pas exclu que celles se trouvant dans la clandestinité en Tunisie aient reçu l'ordre de se réveiller. Cet ordre aurait émané des proches collaborateurs, encore en cavale, d'Abou Iyadh. – Circonscrites, au départ, à Kasserine, les dernières manifestations de saccage ont curieusement tôt fait de se décentraliser, en gagnant toutes les régions du pays, ou presque. Faut-il s'attendre au... pire ? On peut dire, en fin de compte, sans risque d'exagérer, qu'Ansar Echaria, jusque-là sur la défensive et dans le but de démontrer qu'il n'a pas pâti de l'arrestation de son homme fort, a décidé de repartir à l'attaque, en réactivant ses cellules dormantes. Serait-ce là le prélude à l'exécution des menaces proférées à la veille du dernier réveillon ? Si oui, faudra-t-il s'attendre au pire dans les jours à venir ? Ah, si cette hypothèse venait à relever de l'utopie !