Sahbi Atig : «L'article 6, dans son texte actuel, crée une «fitna» (discorde) et provoque les sentiments des musulmans, en criminalisant les accusations de mécréance». «Nous offrirons à notre peuple sa nouvelle Constitution le jour de l'anniversaire de la révolution», annonçait, il n'y a pas si longtemps le président de l'Assemblée nationale constituante, qui travaillait alors sans relâche. Peu avant la date cruciale du 14 janvier, des voix se sont élevées pour dire qu'«il n'était pas question d'adopter à la hâte la Constitution», ou encore que les élus «sont fatigués des séances nocturnes». Depuis, les élus, comme d'ailleurs les médias, se sont habitués aux retards et ne croient plus aux dates de délivrance du type : «Si tout va bien, on pourra voter la Constitution dès demain» (dixit Habib Khedhr, rapporteur général de la Constitution). Le double «je» d'Ennahdha Tard, hier après-midi, toujours pas de grandes annonces en provenance de la commission des consensus. Toujours en gestation, l'article 6 cristallise les désaccords entre islamistes et démocrates, d'une part, et entre les élus nahdhaouis eux-mêmes, d'autre part. «Il y a des choix à faire. Moi je défends la voie qui tente d'arrêter l'hémorragie des concessions, à coups de menaces qui dépassent le cadre du consensus. Il y a maintenant à l'intérieur d'Ennahdha toute une sensibilité qui refuse cela, soutenue par la base partisane. Donc non, je ne suivrai pas les consignes de vote, si celles-ci ne me conviennent pas», explique Jamel Bouajaja, jeune élu nahdhaoui qui avait entraîné, mardi dernier, la suspension de la séance. Pour lui, «garder la liberté de conscience, tout en interdisant l'accusation de mécréance, va frustrer les oulémas, qui verront le mal partout sans pour autant apporter un jugement». Après avoir cédé, lors de précédentes réunions, le président du groupe Ennahdha à l'ANC, Sahbi Atig, s'est aligné hier sur la position de son aile dure et a déclaré que «l'article 6, dans son texte actuel, crée une fitna et provoque les sentiments des musulmans en criminalisant les accusations de mécréance». Victime lui-même d'une telle accusation, Mongi Rahoui, député du Front populaire, ne l'entend pas de cette oreille. Sur les ondes d'une radio privée, il considère que si «Ennahdha refuse la criminalisation du takfir (accusation de mécréance), elle devra être classée comme organisation terroriste». Les consensus piétinent Signe que la «machine consensuelle » est en panne, Azed Badi, président du groupe Wafa a annoncé hier son retrait de la commission. « Nous nous retirons de la commission des consensus en raison de la tentative de certains de faire un putsch sur les consensus déjà signés. Et je désigne par là la volonté de porter le vote sur une motion de censure contre le gouvernement aux deux tiers, au lieu de la majorité absolue, initialement convenue. Nous n'accepterons pas cela et nous nous y opposerons avec force lors de la séance plénière», a-t-il déclaré. Avec le parti Ennahdha, les partis et députés islamistes préfèrent garder le gouvernement Mehdi Jomâa sur un siège éjectable. Ils défendent l'idée d'une motion de censure qui puisse être votée à la majorité absolue. De toutes les manières, deux choix se posent, la question des deux tiers pour voter la motion de censure trouvera sa place, soit dans des dispositions transitoires, soit dans la révision de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics. Certains se méfient. En effet, «si les islamistes concèdent une révision de la loi sur l'organisation provisoire des pouvoirs publics, c'est qu'ils savent qu'au final, c'est le texte constitutionnel qui aura la suprématie», se disent-ils. Seule consolation, un consensus définitif a été trouvé autour de l'article 35 relatif au droit de grève. Les démocrates ont eu gain de cause. Selon Sahbi Atig, «seules les forces autorisées au port d'armes seront exemptes du droit de grève. Pour les autre corps de métiers, c'est la loi qui déterminera les modalités de grève».