L'association M'nemty lance un appel pour inscrire le 23 janvier dans le calendrier des fêtes nationales et invite la société civile et les autorités à agir contre le racisme Il y a 168 ans, la Tunisie abolissait l'esclavage. Ahmed Bacha Bey avait procédé par étapes pour proscrire la traite d'êtres humains, blancs ou noirs. «En 1841, le bey a interdit l'exportation des esclaves en Tunisie. Il a ensuite fermé les marchés des esclaves. En 1842, il a proclamé que tous les enfants nés sur le sol tunisien étaient des personnes libres», rappelle Hager Ajroudi, secrétaire général de l'association M'nemty. L'esclavage en Tunisie a été été aboli quatre ans plus tard, le 23 janvier 1846, par décret beylical. «Nous demandons à ce que cette journée de commémoration soit inscrite sur le calendrier des fêtes en Tunisie, et proclamée journée tunisienne contre le racisme et toutes les formes de discrimination», a déclaré Saadia Mosbah, présidente de l'association M'nemty, lors de la conférence de presse, tenue jeudi dernier à Tunis. «Le racisme existe encore en Tunisie. On doit se battre contre ce problème et faire en sorte que tout le monde vive ensemble dans le respect», affirme Baya Ghrissi, membre de l'association. Pour lutter contre le racisme, l'association préconise une action axée sur l'éducation et la sensibilisation auprès des familles et le public en général, les médias et les enfants. «Le plus choquant, c'est que le problème se situe aussi au niveau du système éducatif. (...) L'échec scolaire est assez élevé chez le Noir tunisien, notamment dans le sud, où on rencontre des enfants qui quittent l'école à l'âge de 9 ans», informe la présidente. «Il n'y a pas d'égalité des chances parce que le système scolaire est défaillant», estime Mounira Chapoutot. Pour l'historienne, il est nécessaire de développer l'ouverture d'esprit à l'école et de donner à chacun toutes les chances de réussite. Un problème persistant La discrimination raciale a la peau dure en Tunisie. La mention atig (esclave affranchi) existe toujours sur des extraits de naissance de Tunisiens noirs. «Il y a des personnes qui sont toujours affranchies de quelqu'un et ne peuvent pas porter le nom de leur père ou de leur grand-père», indique Saadia Mosbah. C'est le cas par exemple de Ali Ourimi, habitant de Zarzis, dans le sud tunisien. Ali, 44 ans, a effectué plusieurs démarches auprès des autorités pour ne plus porter le nom de la famille chez qui ses aïeuls travaillaient et vivaient, mais celui de ses ancêtres. Il n'a pas réussi à obtenir gain de cause, parce que les documents qui retracent ses origines sont introuvables. «Le racisme on le vit tous les jours. Il y a encore du chemin à parcourir pour en venir à bout», estime Ali. «Le racisme, en Tunisie peut aller jusqu'à refuser d'enterrer un Noir parce qu'on est Blanc», déplore Saadia Mosbah. «Le racisme en Tunisie peut aller jusqu'à s'entretuer parce qu'il y a une histoire d'amour entre un Noir et une Blanche, renchérit Hager Ajroudi. «Le plus grave, c'est quand le racisme vient de l'Etat, qui ne pense pas par exemple à enlever une pancarte d'un cimetière, sur laquelle est inscrit : cimetière des esclaves», poursuit-elle. Pour éveiller les consciences et lancer le débat sur le racisme, l'association compte publier un livre sur les Noirs en Tunisie, à partir des témoignages qu'elle est en train de recueillir dans la capitale et les régions.