Ce qui est surprenant c'est que les meilleures équipes ne sont plus celles qui marquent le plus grand nombre de buts. Avant, le champion, c'était souvent la meilleure attaque. Aujourd'hui c'est la meilleure défense !... Avec tout le respect et tout le sérieux que l'on doit à la caution savante des hommes de statistiques, le football n'est pas toujours un sport de chiffres. Ils ne l'ont jamais rendu plus intelligent que ce qu'il a été hier et certainement ce qu'il sera demain. Fallait-il vraiment s'attarder sur le nombre de matches sans victoire de l'Espérance ? Sur les occasions de but obtenues par le CA dans chacune de ses victoires ? Ou encore sur l'incapacité de l'Etoile à gagner et à marquer ? La régularité est la contrainte la plus difficile à laquelle peut justement faire face une équipe de football. S'imposer n'a plus aujourd'hui le même sens et la même signification qu'autrefois.La défaite est tellement stigmatisée que le risque d'être perçu comme un perdant peut devenir insupportable. L'EST, le CA, l'ESS, mais aussi le CSS doivent à chaque fois inventer, diversifier leur jeu et leur manière et même changer de stratégie pour pouvoir gagner. Equipes à battre là où elles passent, leurs rencontres ressemblent de plus en plus à des matches de coupe où il est impératif de s'imposer, souvent n'importe comment et à n'importe quel prix. Ce qui compte le plus c'est de gagner. La manière vient après. C'est évidemment frustrant pour un entraîneur de se laisser entraîner dans des considérations qui ne répondent pas toujours à la nature de son vrai travail, et encore moins aux exigences stratégiques, parfois même de formation à long terme pour n'accorder d'importance que pour le résultat et pour l'immédiat. Il est aujourd'hui indispensable de tirer les enseignements de cette "injustice sportive" confirmée par la tendance à ne plus accepter la règle du jeu faite de victoire et de défaite. Qu'on le veille ou non, on doit admettre que le sport numéro un et ses compétitions, certes à enjeux grandissimes, ne peuvent plus être laissés au pouvoir des hommes qui ne voient dans un match que les points gagnés ou perdus. Il faut trouver les solutions adaptées pour renforcer la crédibilité des entraîneurs qui respectent leur travail et l'honneur du football. Nous pensons justement à ce qu'ils sont censés donner, mais aussi à ce qui ne leur sera pas rendu. Dans ce monde qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire compte. A coups de phrases bien senties qui alimentent les discussions, les matches se jouent avant l'heure et ailleurs que sur le terrain, on montre ses muscles et son moral de vainqueur et on laisse croire que rien ne peut remplacer une victoire. A croire les sociologues qui font du sport un sujet d'étude, les victoires et les défaites reflètent l'état d'esprit de ceux qui en sont à l'origine. Qu'ils nous autorisent toutefois de penser à des pages célèbres du football tunisien où l'on constate que les jours d'extrême satisfaction ne furent pas seulement ceux des victoires. Mais ne dit-on pas qu'en football, on a souvent la mémoire sélective et l'oubli préférentiel. Ce qui est encore plus surprenant c'est que les meilleures équipes ne sont plus celles qui marquent le plus grand nombre de buts. Avant, le champion, c'était souvent la meilleure attaque. Aujourd'hui c'est la meilleure défense. Le cas du Club Africain, deuxième au classement, et qui marque autant de buts que de matches joués contrairement à ses habitudes et à son histoire. Il faut faire le pari de jouer pas seulement pour gagner, mais aussi pour vivre sur son statut, revendiquer une vraie identité de jeu, ne pas être trop marqué par les résultats immédiats. On doit comprendre qu'il ne faut pas simplement produire des résultats, mais aussi un spectacle. Gagner ne veut pas dire seulement glaner des points, mais aussi former, créer. Alors ne vaudrait-il pas mieux ne pas trop se gargariser de mots. Celui de victoire peut être trompeur. Il faut faire attention à ce que le souci légitime de s'imposer n'entraîne pas confusion et maladresses dans les méthodes de travail et dans les stratégies. Il n'en demeure pas moins qu'un peu partout, des équipes cherchent quand même à déployer un mode de fonctionnement qui ne donne pas seulement la priorité à l'immédiat et qui se portent candidats à l'audace réhabilitée. Mais reste constamment sous-jacente, chez la plupart, la tentation de négliger la vraie respiration du football, que ce soit sur le plan tactique, sur le plan individuel ou sur le plan mental. Dans les moments décisifs, les footballeurs tunisiens oublient trop souvent qu'ils sont capables de monter haut. L'effort pour s'y maintenir leur coûte trop, probablement. Et ils craquent trop facilement. On ne se débarrassera pas certes aussi facilement de l'accumulation de tant de défaillances. Mais même si cela ne représente pas grand-chose pour certains, on finit par prendre du recul. Comme on sait bien que l'on retrouvera un jour l'image que la passion que l'on porte pour le football, le vrai, mérite réellement