L'article 48 place désormais l'Etat face à ses responsabilités envers les personnes à besoins spécifiques L'Organisation tunisienne pour la défense des droits des personnes porteuses de handicap a organisé, hier à Tunis, un séminaire ayant pour thème : «La constitutionnalisation des droits des personnes porteuses de handicap, et après ? ». Cette principale interrogation qui interpelle cette catégorie à besoins spécifiques renvoie, d'abord, au parcours du combattant mené jusque-là aussi bien par les défenseurs des droits de l'Homme, les militants de la société civile que par la catégorie sociale en question afin d'exiger le droit des handicapés à l'insertion dans la vie civile. Une interrogation qui anticipe, simultanément, sur les défis à relever dans l'optique d'appliquer les lois pro-handicapés. Ces lois fraîchement introduites dans la Constitution de la deuxième République promettent une mutation qualitative dans la perception du mérite des handicapés dans une Tunisie que l'on veut moderne et égalitaire. Mme Bouraouia Aguerbi, secrétaire général de ladite Organisation, a rafraîchi la mémoire de l'assistance quant à la genèse des articles protégeant les droits des personnes porteuses de handicap dans la nouvelle Constitution. Une genèse trébuchante à ses débuts, qui a tout de même fini par rendre à César ce qui est à César. «L'article 30 du projet de Constitution était idéal pour défendre la cause des personnes porteuses de handicap et asseoir les bases d'une justice sociale tant attendue. Il a été, par la suite, annulé et substitué par d'autres qui n'allaient pas de pair avec nos espérances. Je parle des articles 39, 44 et 47 dont la formulation était mauvaise », indique Mme Aguerbi. Pour sauver la situation avant qu'il ne soit trop tard, la société civile avait bataillé pour rectifier le tir, recommandant des articles de loi clairs. Suite à quoi, l'article 48 a été adopté, béni par un consentement unanime. Il confie à l'Etat et la protection des handicapés contre toute discrimination et la garantie de leurs droits en tant que citoyens. « Cette loi réhabilite notre image en tant que citoyens à part entière et non plus en tant que catégorie sociale marginalisée comme c'était le cas», renchérit le secrétaire général de l'Organisation. Prenant la parole, M. Azem Mahjoub, chercheur, a salué l'effort fourni pour la mise en place de la nouvelle Constitution, une Constitution qui s'aligne déjà parmi les standards internationaux de référence. L'article 48 introduit, en effet, une perception autre des handicapés. Contrairement à l'appellation « les handicapés», «les personnes porteuses de handicap » atténue le sens du handicap qui devient ainsi une spécificité et non une qualification. «Cette appellation a été introduite en 1976 dans la Constitution portugaise. Aussi, la Constitution tunisienne rejoint le registre international, tout en préservant sa spécificité, ce qui est doublement positif», souligne l'orateur. Pour M. Mahjoub, insister sur les droits des personnes porteuses de handicap se traduit, outre dans l'article 48, par d'autres lois imposant les principes de l'équité entre les citoyens sans exception. L'orateur n'a pas manqué d'inciter la société civile ainsi que la catégorie sociale concernée à l'application de ces principes vitaux à travers une insertion effective dans la vie citoyenne. L'application de ces lois serait, de surcroît, un moyen efficace pour la lutte contre le chômage, la pauvreté et la discrimination à l'égard du genre. Cours constitutionnelle : le garant des droits et des lois La nouvelle Constitution puise son importance de son aspect novateur et conforme aux normes internationales en la matière. Toutefois, seuls sa mise en application et le respect de ses principes à la lettre feront d'elle le code citoyen par excellence. Le projet de la Cour constitutionnelle, prévu pour la période postélectorale, apparaît comme la garantie d'une législation infaillible. M. Abdelsalam Fatnassi, professeur spécialisé dans la loi constitutionnelle, a expliqué, lors de son intervention, le rapport étroit entre l'application de la Constitution et le rôle de la Cour constitutionnelle. Cette dernière a pour finalité de rationaliser le pouvoir politique et faire respecter les règles de la spécificité de chaque institution politique. Aussi, et selon l'article 120, la Cour veillera-t-elle à la conformité des projets de loi aux principes constitutionnels, et ce, sur demande du président de la République, du chef du gouvernement ou encore de quelque trente membres de la Constituante. Ainsi, tout projet de loi sera soumis à l'examen de la Cour constitutionnelle. L'orateur rappelle l'adoption par la Tunisie de multiples conventions internationales ; un engagement législatif et moral à respecter sur un pied d'égalité avec les lois constitutionnelles.