Ce gouvernement n'a pas le droit de réussir là où la Troïka a échoué. Les canons sont déjà braqués sur lui Les escarmouches qui vont en s'amplifiant partout dans le pays ne sont qu'un début. Ce serait pour cette raison, entre autres, que Mehdi Jomâa a annoncé un discours au début de la semaine prochaine. Le rendez-vous que donne le chef du gouvernement avec le peuple tombe à point nommé. Il doit se faire connaître et surtout expliquer les mesures impopulaires qu'il a été obligé de faire appliquer. Tout semble indiquer que l'état de grâce dont avait bénéficié le nouveau cabinet touche à sa fin. La récurrence des contestations sociales et des grèves, la guerre corporatiste enclenchée par les avocats et les magistrats, les mouvements violents provoqués par l'arrestation du héros préfabriqué Imed Dghij sonnent le glas de l'accalmie offerte par les forces du pays à la nouvelle équipe. La ligne d'attaque semble être mise en place. Chaque partie est en position de tir. Quel ton et quel positionnement Mehdi Jomâa devra-t-il, donc, favoriser, lorsque, fatalement, il se trouve sur un champ de tirs croisés ? Un discours politique ? C'est dangereux pour tout le monde, car la parole, le verbe, s'ils sont correctement employés, suscitent l'adhésion et donnent une légitimité. Imaginez un seul instant que Jomâa, cet intrus, ce roturier de la politique, puisqu'il ne fait partie d'aucun clan ni d'aucun parti, séduise le bon peuple ? Sacrilège ! Un héritage lourd Les partis politiques et associés sont d'ores et déjà sur la défensive et affûtent leurs armes pour critiquer ces mesures impopulaires, caresser le bon électeur dans le sens du poil et promettre ce qu'ils savent impossible, soutenus en cela par une partie des médias. Il est de notoriété publique que les dossiers brûlants ont été légués par les prédécesseurs à la nouvelle équipe à titre d'héritage. Les augmentations de prix, la réduction des subventions sur les produits alimentaires, le gel des salaires et des recrutements publics sont des mesures imposées par les bailleurs de fonds internationaux à l'équipe Ali Laâreyedh, alors aux affaires. Mais c'est maintenant que se ressentent les effets des accords en stand-by signés avec le FMI, notamment. Ces accords en stand-by ou encore accords conditionnés signifient que sans avoir satisfait telle ou telle exigence, l'argent promis ne sera pas reçu, ni de caution morale pour emprunter ailleurs. Cette batterie d'accords notifie, également, que le gouvernement se doit de réduire les dépenses de l'Etat et lutter contre le déficit budgétaire. C'est l'ex-gouvernement qui s'est engagé à le faire et non l'actuel. Ces vérités sont connues de tous, de la classe politique et des médias, et pourtant ! Assaut généralisé Du coup, les attaques contre Amel Karboul, la ministre du Tourisme, ne sont que le début d'un assaut généralisé qui va s'en prendre au gouvernement tout entier. Ce gouvernement n'a pas le droit de réussir là où la Troïka a échoué. Les canons sont déjà braqués sur lui. Visiblement, ils ont reçu l'ordre de tirer. Les partis hors Troïka, eux aussi, semblent partis en guerre. C'est une occasion inespérée pour se refaire une virginité et gagner des parcelles de légitimité en ces temps durs. Pour se présenter aux élections, qui n'aura pas la tentation d'endosser l'habit du charitable opposant ? Une recette à ne pas rater. Que faire alors ? Maintenir le contact avec la population ? User du verbe et de la communication ? Etablir une relation de confiance par des mesures concrètes, alors que la marge de manœuvre est bien réduite ? Rien n'est à omettre pour un cabinet de plus en plus isolé. La question est de savoir qui aura le courage de soutenir Mehdi Jomâa dans ces choix impopulaires et de l'afficher ? Qui dira que ces mesures sont nécessaires ? Très peu oseront annoncer un franc soutien à une équipe en stand-by dépourvue d'assise populaire, et ce, rien que pour l'intérêt du pays. Une raison bien futile pour compromettre son capital sympathie auprès d'un électorat versatile ! Ce qui laisse donc à dire que pour ce gouvernement, le plus dur est à venir.