Il faut avouer que l'enthousiasme de Susanne Prahl est contagieux. Rien ne semble pouvoir l'arrêter dès qu'il s'agit de fêter l'enfant. Et les montagnes qu'elle a dû abattre pour créer, dans sa Bosnie d'adoption — elle est en effet allemande —, le plus grand festival d'enfants des Balkans la rendent irrésistible. C'était en 2004, dans Sarajevo divisé, au lendemain de la guerre. Susanne Prahl se demandait ce qui pourrait unir, et faire oublier les dissensions. C'est ainsi qu'est née l'idée de ce Kids Festival, fête fédératrice autour de l'enfance et de ceux qui l'aiment. Un festival qui devint un véritable évènement national, pour lequel on assista à une formidable adhésion de toutes les structures nationales, civiles, associatives, culturelles, éducatives. Très vite, tout le monde voulut en être : les artistes et les créateurs qui rivalisèrent d'imagination dans leurs interventions, les policiers qui s'y trouvèrent une superbe image d'engagement citoyen, les ambassades étrangères qui, toutes, voulurent y présenter l'image de leur pays, les médias qui s'en faisaient les relais enthousiastes, l'Unicef qui soutient cette formidable vague. En dix ans — puisque cette année, au mois de juin prochain, le Kids Festival célèbre sa onzième session —, plus de 40.000 enfants y assistaient. Aujourd'hui, quand elle traverse la Bosnie de part en part, Susanne Prahl s'émeut toujours de voir, partout, les tee-shirts orange que le festival distribue aux enfants, alors que ce festival avait été lancé sans budget, et que tout le monde la traitait d'utopiste et de rêveuse quand elle en parlait. Et puis, il y eut la révolution tunisienne. Susanne Prahl la vécut comme un supporter, scotchée devant sa télévision, fascinée de voir que la révolution qui, partout ailleurs, se faisait dans le sang et les larmes, avait réussi presque pacifiquement en Tunisie. Cette relative modération, ce sens de la stabilité en dépit de drames regrettables, lui donnèrent envie de faire quelque chose pour les enfants de ce pays pas comme les autres. Un ancien ministre de la Culture tunisien l'encouragea, un ambassadeur d'Italie, muté de Bosnie en Tunisie, lui proposa son soutien. Elle décida de venir voir, car fonctionnant au feeling : elle voulait « sentir » le pays. Susanne Prahl est donc venue une première fois rencontrer les gens, recueillir des idées, des souhaits, adapter le concept initial aux désirs et attentes, trouver les bons partenaires. Son enthousiasme convaincant lui permit de fédérer un ensemble d'intervenants autour de ce projet innovant : des associations, dont l'association Qamar, porteuse du projet, les écoles, les mairies, les maisons de jeunesse.... Le Kids Fest de Tunis prend donc forme. Il se déroulera au courant du mois d'octobre prochain, et se déclinera en trois moments forts : La parade des enfants Cette parade, qui adoptera un esprit de carnaval, aura également un impact pédagogique important. On demandera en effet aux enfants des écoles de visualiser leur avenir, et de concevoir eux-mêmes, avec les moyens du bord, et l'aide de leurs enseignants, les costumes de celui qu'ils souhaitent être plus tard. Or, un enfant qui projette son avenir ne se voit jamais comme un looser, mais comme quelqu'un qui réussit dans la vie, et se donne donc un idéal. Cette parade, outre le fait qu'elle fait la joie des enfants, sera également un message pour le public : voilà comment les enfants voient la Tunisie de demain. L'éducation étant primordiale pour que l'enfant réussisse le futur dont il rêve. Le parc Thameur Ce parc sera livré aux associations, qui proposeront des activités parallèles, mais aussi aux ambassades qui représenteront leurs pays, aux artistes qui offriront des spectacles, des formations, des activités. En Bosnie, le Kids Festival draine plus de cent activités parallèles, et implique de façon magnifique la société civile. Car le monde des enfants attire irrésistiblement les créateurs, les engagements citoyens, les générosités de partage. En ce qui concerne le Kids Festival de Tunis, de nombreuses associations ont déjà proposé leur participation. Le festival de Nabeul travaillera sur le théâtre et la pantomime, le Centre de Sidi Qacim Jellizi animera des ateliers de céramique, les ambassades organiseront des stands, des concerts, des jeux, des quizz, des distributions de posters... Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, et toutes les initiatives accueillies, à condition, selon le concept initial, que cela requière un budget zéro. Et que cela vienne conforter la conviction de Susanne Prahl selon laquelle l'argent, ou plutôt son absence, n'est jamais une entrave à la volonté de faire. Une bonne idée, de bonnes volontés, et de l'énergie suffisent. Et l'argent ne doit être ni le point de départ ni le frein, encore moins le but. Cinéma pour terminer La clôture du Kids Festival se fera au cours d'une projection de films en plein air. On choisira un film grand public, un long métrage pour tous les âges, bien sûr. Mais la conclusion de cet évènement va bien au-delà de cette fête, si grandiose soit-elle. Nous allons la laisser à son initiatrice : «Ce festival est un festival de synergie d'énergies positives. Il attirera tous les gens biens, ceux qui pensent au futur, ceux qui veulent aider, ceux qui veulent qu'il en sorte du bien. Quand je vois tous ces enfants souriants sur les routes de Tunisie, je souhaite que ce festival fasse boule de neige, qu'il s'étende à tout le pays, et qu'il draine tout le monde... Pas de stars, mais des créateurs, des formateurs, des médiateurs, des gens de partage et d'amitié. Et si moi, je réussis, sans connaître personne, sans parler la langue du pays, sans argent, alors n'importe qui peut faire mieux que moi, et ce festival vivra et se développera».