Par Khaled TEBOURBI Mourad Sakli a donc rencontré les journalistes, mardi dernier, pour leur présenter le programme de son ministère au titre de l'année 2014. L'idée de rencontrer les médias et de leur exposer les grandes lignes d'une politique culturelle n'est pas aussi courante qu'on serait tenté de croire. D'habitude, ce sont les chefs de gouvernement qui s'en chargent dans le cadre d'un discours de politique générale. Là, le nouveau ministre de la Culture en est allé seul, document détaillé à l'appui, point après point, en identifiant clairement les objectifs, les actions et les délais d'exécution. Tout un chantier et que d'engagements pris! Plus l'exposé s'étalait en contenu et plus la crainte se faisait sentir dans la salle. Le gouvernement de M.Mehdi Jomaâ n'a au plus qu'une année à sa disposition, est-il possible en une si courte période de venir à bout d'un tel agenda? Neuf axes tout entiers, c'est ce que propose le programme. On énumère. Pas un point urgent pour les arts et la culture n'est omis : l'investissement «extérieur», l'application des lois sur la propriété littéraire et artistique, la valorisation du patrimoine, les subventions de l'Etat, les festivals, les maisons de la culture, la Cité de la culture, etc. Le travail de diagnostic entrepris a dû mobiliser beaucoup d'efforts... et force attention. «L'état des lieux» est tellement bien circonscrit, qu'on ne peut s'éviter une question, une simple question : si tous ces points, à la fois, appellent solutions, n'est-ce pas que la gestion de la culture n'aura fait qu'accumuler les erreurs et les dysfonctionnements durant des décennies? On en reste secoué, en tout cas. Mais passons à ce qui a vraiment titillé les journalistes présents : le réalisme (ou pas) du projet de Mourad Sakli, plus précisément, c'est ce que beaucoup ont dit, «ses réelles chances de mise en route, à défaut de succès entier». Le ministre de la Culture y a évidemment répondu. Il a dit deux choses en substance. La première est que «les actions ponctuelles doivent être engagées de toute façon, alors que le terrain doit être préparé à tout ce qui touche aux structures et qui nécessite un moyen ou long terme». Des «projets pilotes» seront engagés, a observé Mourad Sakli. Ils constituent des sortes de paramètres pour les futurs gestionnaires. La seconde (assez pertinente) est que «les nouveaux arrivés, quand ils ont un degré suffisant de conscience, ne s'amusent jamais à brader des acquis». Autrement dit, il ne faut pas exagérer les arguments de «manque de temps» ou de «succession». Des acquis ont été réalisés dans le domaine des arts et de la culture depuis l'Indépendance. On n'a pas souvenir qu'ils aient été remis en cause de «ministre en ministre». Les réformes proposées par Mourad Sakli en entraîneront d'autres par la force des choses. La protection des droits d'auteur par exemple, appliquée rigoureusement, consentie par les différents partenaires, il est impensable qu'elle puisse un jour être de nouveau négligée, voire abandonnée. Ou encore la révision de la philosophie des subventions. Si l'on parvenait à dépasser la vieille idée de l'assistanat, ce serait une époque définitivement révolue. Le financement public des arts aurait acquis une tout autre vocation. On imagine mal qu'il vienne à y renoncer. On pourra citer d'autres exemples, la restructuration des festivals, le statut de l'artiste, la numérisation, ce sont des avancées structurelles, elles relèvent de l'intérêt commun. Non pas des «choix des subjectivités». Vaste chantier donc, et que d'engagements pris, mais la volonté politique semble y être cette fois-ci, et les compétences existent et se déclarent disponibles. Il en résultera toujours quelque chose de bon.