Les Anglo-Saxons ont donné un nom au genre : le «Mokumentary»... «Tout a commencé en 2003. J'avais entendu, comme tout le monde, parler du Challat. Un homme dangereux sur une mobylette qui tailladait avec une lame les fesses des femmes. Un Jack l'éventreur made in Tunisia. Il ne tuait pas, mais balafrait. Autour de moi, tout le monde en parlait. On lui avait inventé mille et une histoires et on lui avait trouvé des défauts et des qualités, mais personne ne savait exactement ni qui il était, ni à quoi il ressemblait. Le Challat de Tunis est une légende qui a sévi sous la dictature.» Voilà ce qu'écrit la réalisatrice de Challat de Tunis, Kaouthar Ben Hania, dans sa note d'intention .Une légende ! Vrai ou faux? Ce Challat a-t-il vraiment existé ? Etait-ce simplement un épouvantail politico-religieux ou l'œuvre d'un criminel sadique? À ce jour, on ne connaît pas la réponse exacte. Dans son film non plus, Kaouthar Ben Hania n'essaie pas de trouver réponse à la question, mais elle essaie de mettre le doigt sur la «névrose d'une société en prise avec la peur, à la recherche, aussi, d'une difficile synthèse entre tradition et modernité». L'originalité de ce film tient d'abord à sa forme, qui utilise les codes du film documentaire pour en faire une fiction. Les Anglo-Saxons ont donné un nom au genre : le « Mokumentary». Cela s'appelle aussi un «documenteur», dans certains milieux. Le film emprunte les codes du documentaire d'investigation, où un réalisateur cherche des preuves pour son dossier d'enquête. Mais l'enquête du Challat est minée par des mensonges qui, à leur tour, dévoilent d'autres vérités. Voici, pour la forme. Maintenant, que nous dit le synopsis ? «Eté 2003, un homme sur une moto, une lame de rasoir à la main, rôde dans les rues de Tunis. Il s'est donné pour mission de balafrer les plus belles paires de fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de la ville. On l'appelle le Challat. D'un café à l'autre, d'un quartier à l'autre, les histoires les plus folles circulent à son égard. Le Challat est devenu une sorte de figure mystérieuse entouré d'un halo de fascination, de fantasme et de terreur. Tout le monde en parle, mais personne ne l'a jamais vu. Dix ans plus tard, alors qu'avec la Révolution la vérité semble accessible, une jeune réalisatrice obstinée mène l'enquête. Elle se fait un point d'honneur d'élucider ce mystère.» Un film à voir, ne serait-ce que pour découvrir un nouveau genre dans les salles obscures. À découvrir aussi un acteur de talent, Jalel Dridi, qui risque d'avoir de l'avenir dans ce métier.