Un parallèle entre des photos d'August Macke et des prises de vue de Gabriele Münter, avec le regard actuel du photographe tunisien Wassim Ghozlani, et du photographe allemand, Florian Schreiber... L'on a dédié différents événements, cette année, et surtout lors de ce mois, à la célébration du centenaire du voyage entamé le 6 avril 1914 à Tunis par les peintres allemands Paul Klee, August Macke et le Suisse Louis Moilliet. C'est le cas de l'exposition photographique «Photos de voyage – Jadis et Maintenant», organisée par le Goethe Institut en Tunisie, en coopération avec les ambassades de Suisse et d'Allemagne en Tunisie et le soutien de Leoni Wiring Systems Tunisia, et qui se tient jusqu'au 25 mai prochain à la galerie Cherif fine art, à Sidi Bou Said. Lors de ce séjour, Paul Klee créa 35 aquarelles et 13 dessins, August Macke 33 aquarelles et 79 dessins exécutés dans trois carnets d'esquisses. Quant à Moilliet, qui ne fut pas aussi productif sur place, il créa ses œuvres les plus marquantes lors de séjours ultérieurs au Maroc et dans le sud de l'Espagne. Rappelons que, pendant longtemps, la Tunisie resta pour Klee une importante source d'inspiration. Sa création fut sans cesse stimulée par le souvenir de ce voyage ou par les travaux qu'il réalisa in situ. Et on compte, jusqu'au début des années trente, plus de 20 œuvres se rapportant à ce périple. Il écrit dans son journal, en ce sens, s'être découvert au travers de la couleur en Tunisie. Photos de voyage Comme le suggère le titre, l'exposition présente une sorte de parallèle en confrontant des photos d'August Macke de 1914 et des prises de vue de Gabriele Münter de 1904/05, avec le regard actuel du photographe tunisien Wassim Ghozlani, et du photographe allemand, Florian Schreiber. «Ghozlani entreprend son voyage à travers le pays en 2010, quelques mois avant la chute du régime autocratique de Ben Ali (1987–2011) et réalise ses «Cartes postales» à partir de 2011. Le photographe allemand Florian Schreiber, voyageur en Tunisie de 2014, porte un regard sur un pays à la fois différent et resté égal à lui-même», note la directrice du Goethe Institut, Mme Christiane Bohrer. Gabriel Münter fut la compagne d'un autre grand peintre, Vassily Kandinsky. Ensemble, ils avaient passé plusieurs mois en Tunisie. Neuf photos prises par cette dernière à Tunis, Sousse et Kairouan sont présentées à l'exposition, ainsi qu'une photo la représentant posant sur un rocher avec son carnet de croquis capturée par Kandinsky. L'on apprend aussi que le peintre Moilliet avait séjourné déjà quelques fois en Tunisie, lorsqu'il y débarqua de Marseille en 1914 en compagnie de Klee et Macke. C'est lui qui leur fait découvrir Tunis et ses environs, Hammamet et Kairouan. Les dix photographies à la sépia authentique qui figurent des Tunisiens de l'époque, les artistes eux-mêmes et autres paysages, documentent ce voyage. Près d'un siècle après Leur parallèle contemporain est représenté par le jeune photographe Wassim Ghozlani qui, à travers les photos de sa série « post cards from Tunisia », tente de faire découvrir au public la « vraie » Tunisie, au-delà des clichés folklorisant. Ce travail, qui est une initiative artistique individuelle, est le fruit de plus de trois ans où l'artiste a parcouru le pays, s'écartant des circuits touristiques pour atteindre des régions peu connues et « révéler la vraie Tunisie et sa valeur, là où les habitants ne perçoivent qu'un quotidien indigne d'intérêt », écrit-il dans le texte accompagnant sa série. Le photographe munichois Florian Schreiber (né en 1963) a été mandaté par le Goethe Institut de Tunis pour aller sur les traces des trois peintres et photographier, avec un regard moderne, leurs lieux de villégiature, nous apprennent les organisateurs. Le point de départ de ce voyage, qu'il a effectué du 17 au 28 mars 2014, est Munich, lieu commun à ces artistes et jadis berceau du Blaue Reiter, le mouvement auquel appartenaient Klee, Macke, Moilliet, Münter et Kandinsky, et actuellement lieu de résidence de Schreiber. Une sorte de reconstitution du voyage du trio d'artistes le mène, d'abord, à Hammamet, ensuite à Ezzahra (ex-Saint-Germain), à Tunis, à Sidi Bou Said, pour se rendre ensuite à Kairouan et finir par se poser au centre de Tunis. Les photographies qu'il prend révèlent des lieux où les trois artistes sont allés autrefois. L'intérêt est de figurer le contraste entre les photos prises il y a près de cent ans et celles prises aujourd'hui par Schreiber, qui procède encore par contraste : des éléments historiques se mêlent à d'autres, du 21e siècle, en confrontant techniquement flou et netteté, statique et dynamique. Deux autres expositions, célèbrant le centenaire de ce passage, sont à découvrir à l'espace Art Sadika à Gammarth. La première est intitulée «Paul Klee et le tapis tunisien» et la deuxième «Paul Klee revisité par les artistes tunisiens».