Toute rencontre entre l'Allemagne et l'Angleterre a le parfum des duels du passé. Celle de dimanche n'a pas failli à la règle avec un air de déjà-vu... A Bloemfontein, les Three Lions ont d'ailleurs dû avoir une légère impression de déjà-vu. Car, depuis la fameuse confrontation entre les deux pays en finale de la Coupe du monde de 1966, remportée par les sujets de sa Majesté, les Allemands n'ont eu de cesse de leur rendre la monnaie de leur pièce. Après Mexique 1970, Italie 1990 et l'Euro 1996, on pourra désormais citer Afrique du Sud 2010 parmi les grands succès allemands. La Grande-Bretagne a même encaissé aujourd'hui sa plus lourde défaite sur la scène mondiale. Face à une Angleterre toujours sans génie, l'Allemagne a fait étalage d'un jeu collectif splendide pour atteindre avec brio les quarts de finale de la Coupe du monde. Le Free State Stadium a sans doute assisté au plus beau match de ce début de compétition. C'est la première fois depuis le 17 août 2005 (1-4 en amical face au Danemark) que l'Angleterre concède plus de trois buts dans un match. Alors que beaucoup s'attendaient à une rencontre fermée, Mesut Ozil se mettait en évidence dès la cinquième minute. Merveilleusement bien lancé en profondeur par Thomas Mueller, le numéro 10 allemand résistait au retour d'un défenseur avant de frapper du droit à ras de terre. David James refermait bien les jambes (5'). Même si l'Angleterre monopolisait le cuir (56% sur l'ensemble de la première mi-temps), le vice-champion d'Europe en titre, lui, éclaboussait la partie par son jeu léché à une touche de balle. Sur un dégagement de Manuel Neuer, Miroslav Klose se trouvait lancé vers le but anglais. Résistant à la charge de Matt Upson, le buteur concluait sa longue course par un tacle juste devant James (1-0, 20'). Une poignée de minutes plus tard, un splendide enchaînement entre Mueller et Sami Khedira envoyait Klose mais James se couchait à merveille (31'). Cette action marquait le début de sept minutes de pure folie. Mueller donnait sur le côté droit à Ozil qui décalait Klose. Sa balle piquée trouvait Mueller lancé en direction du but de James. Et contre toute attente, le meneur de jeu lobait le dernier défenseur, pour donner à Lukas Podolski sur le côté gauche de la surface. La frappe du Meilleur jeune joueur d'Allemagne 2006 passait entre les jambes du portier anglais (2-0, 32'). Les hommes de Fabio Capello avaient de quoi être K.O. Mais l'on sait bien qu'un Anglais n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se trouve au pied du mur. Lampard touche du bois... Jamie Carragher débordait avec rage sur le côté droit et centrait aux six mètres pour Frank Lampard. Le Blues reprenait bien mais Neuer laissait traîner son gant droit avant que Lahm ne sauve presque sur sa ligne (35'). On avait à peine le temps de se remettre du superbe dribble de Klose entre deux défenseurs anglais, action bien sauvée par James (36'), que Steven Gerrard trouvait la tête de Upson dans la surface. Largement au-dessus de la mêlée, le défenseur central ramenait les siens dans la partie (2-1, 37'). Les fans des Three Lions restaient bouche bée dans la minute suivante en voyant le lob de Lampard terminer sa course sur la barre transversale de Neuer, avant de rebondir au sol (38'). Les quinze minutes de pause n'étaient pas de trop pour souffler un peu… D'autant que l'on reprenait sur les chapeaux de roue, avec un coup franc de Lampard, encore lui, sur la barre (52'). Contrainte de se livrer, l'Angleterre s'exposait aux contres adverses en même temps qu'elle prouvait toute son incapacité à créer le jeu. Allemagne: 16 quarts en 18 participations Mueller en profitait donc pour offrir à Bastian Schweinsteiger une chevauchée de près de 90 mètres dans l'arrière-garde britannique. Poli, Schweini remerciait son coéquipier du Bayern en lui rendant le cuir juste à l'entrée de la surface. Le numéro 13 allemand n'avait plus qu'à allumer James pour donner au score une allure définitive (3-1, 67'). Le tableau d'affichage allait finalement prendre des airs de déroute quand Arne Friedrich lançait Ozil pour un contre mené à pleine vitesse et conclu par un Mueller toujours dans les bons coups (4-1, 70'). Tout un symbole, seul Gerrard parvenait en fin de match à mettre Neuer à contribution (81'). Mais si le jeu offensif allemand est une nouveauté, sa solidité défensive est une habitude. Ainsi, les hommes de Joachim Löw envoyaient l'Allemagne vers le 16e quart de finale de son histoire en 18 participations. Le collectif au service de la tactique Les chants et les cris de victoire ont résonné longtemps dans le vestiaire de l'Allemagne. Quelques minutes après le net succès contre l'Angleterre, les triples champions du monde avaient bien du mal à cacher leur satisfaction dans les couloirs du stade Free State stadium. Le buteur Miroslav Klose et le défenseur Arne Friedrich étaient au anges: «Plusieurs facteurs ont joué en notre faveur», estime le capitaine du Hertha Berlin: «Nous avons fait parler notre collectif, nous ne nous sommes pas désunis tout au long des 90 minutes et, surtout, nous étions beaucoup affûtés physiquement». L'homme aux 76 sélections n'est en tout cas pas peu fier de l'exploit accompli par son équipe. Il faut dire que Friedrich fait aujourd'hui partie des cadres au sein d'une sélection allemande largement rajeunie et emmenée par les jeunes prodiges comme Mesut Ozil ou Thomas Mueller, auteur d'un doublé cet après-midi: «Sur le papier, les Anglais étaient les plus forts. Il n'y a que de grands joueurs dans cette équipe. Mais je crois que nous avons su compenser notre manque d'expérience par un esprit d'équipe à toute épreuve», poursuit le défenseur international allemand. Visiblement, Miroslav Klose est du même avis. Comme en 2006, le buteur attitré de la Mannschaft sème la panique dans les défenses adverses en jouant de son physique, de sa combativité et de son agressivité. En quatre ans, la recette n'a rien perdu de sa fraîcheur, puisque l'attaquant du Bayern Munich a inscrit face aux Three Lions son 50e but en 99 sélections. Les attaquants sont souvent réputés pour leur égoïsme mais, en la circonstance, Klose préfère jouer collectivement : «C'est notre cohésion qui nous a permis de l'emporter. Tout le monde s'est mis au service de l'équipe aujourd'hui. Chacun a fait sa part du travail et c'est ce qui a fait la différence» ! Les spectateurs venus assister à ce huitième de finale ont sans doute été impressionnés par la qualité du jeu offensif allemand, savant mélange de combinaisons, de redoublement de passes et d'exploits individuels. De son côté, Joachim Löw a été littéralement enthousiasmé : «J'ai déjà vu mon équipe réussir de bons matches mais c'est la première fois que j'assiste à une prestation aussi grandiose. Nous avons été excellents sur le plan tactique. Nous ne voulions surtout pas laisser l'initiative à cette équipe d'Angleterre très expérimentée». Un prodige nommé Mueller Au milieu de ce concert de louanges, un joueur en particulier se détache. Thomas Mueller, 20 ans, est en train de démontrer qu'il appartient au cercle très fermé des plus grands attaquants du monde. Le jeune prodige du Bayern Munich compte déjà trois buts et trois passes décisives à son actif, ce qui fait de lui le joueur le plus efficace du tournoi: «Il a des qualités incroyables. Il ne se déconcentre jamais. Malgré son manque d'expérience, il n'est jamais nerveux. Quand il se présente face au but, il est toujours sûr de son fait. Le sang-froid et la précision avec lesquels il exploite chacune de ses occasions sont tout simplement extraordinaires», explique le sélectionneur allemand, manifestement conquis par le talent de l'Homme du Match. Après avoir connu la défaite au premier tour, l'Allemagne a frappé un grand coup en se débarrassant d'un rival potentiel dans la course au titre suprême. Sur le terrain, l'équipe allie un collectif savamment huilé à des moments de pure inspiration, le plus souvent sous l'impulsion de ses plus jeunes éléments. Tout le monde s'accorde à penser que la Mannschaft version 2010 possède toutes les qualités d'un futur champion du monde. Mais Löw tient à ce que ses joueurs gardent les pieds sur terre. «Les prochains adversaires seront encore plus forts», prévient-il. «Que ce soit l'Argentine ou le Mexique, la tâche sera rude. Alors, pas question d'endosser le rôle de favoris!». Le grand duel entre la jeunesse allemande et l'expérience anglaise a donc tourné à l'avantage de la première citée. Les protégés de Fabio Capello n'ont jamais trouvé de réponse au jeu rapide de la Mannschaft, comme en témoignent les deux contre-attaques conclues par Thomas Mueller en seconde mi-temps. L'Angleterre reste donc incapable de battre une grande puissance du football dans la phase à élimination directe d'une Coupe du monde, ce qu'elle n'a jamais fait loin de ses terres...