L'argent du sport fait grand mystère, en partie bien sûr. Y a-t-il moyen de percer ce secret qui risque de tout balayer des belles idées qu'on se fait de cette activité? En outre, il est peut-être temps de réviser certaines réglementations (le professionnalisme) pour moraliser un tant soit peu les dépenses qui ne cadrent pas avec le statut économique du pays. A l'image de la société, en matière de sport, la logique de classes est un fait établi. Il y a des sports à l'attrait indéniable qui autorisent toutes les folies à tous les niveaux, et d'autres miséreux, qui ne font que vivoter, faute de moyens. Un constat — précisons-le bien — qui concerne la Tunisie où notre sport présente deux visages et dont les différentes disciplines ne sont pas traitées sur un pied d'égalité. Il y a le football et après viennent les autres activités collectives, à un certain palier, et individuelles en bas de l'échelle. En dépit des beaux discours et de tant de promesses pour davantage de sollicitude pour les sports individuels, rien n'a été entrepris pour ce faire. Le ministère de tutelle n'a d'ailleurs aucune stratégie dans ce sens — cela ne date pas d'aujourd'hui — et il ne se manifeste qu'à la veille et au moment des compétitions régionales, continentales ou internationales organisées régulièrement et à des dates connues d'avance depuis des lustres. Le problème de ces sports est en premier lieu un problème de moyens financiers. Cela commence au niveau des clubs pour finir à celui des instances qui vivent sur les quelques subsides que la tutelle leur octroie. Et pourtant, à y voir de plus près, l'argent ne manque pas. Et la crise qui frappe le pays est bien méconnue du côté de la plupart des clubs où le football est roi. On parle souvent de grands, de moyens et de petits clubs, partant d'une certaine évaluation des moyens de chacun d'entre eux. Dans la réalité, et en approfondissant la recherche, on constate aisément que, dans leur majorité, les clubs parviennent à trouver de quoi maintenir un certain standing qui permet à leurs techniciens et à leurs sociétaires d'avoir ce statut enviable. Il y a certes des différences, mais celles-ci sont à chercher aussi du côté des engagements qu'on a selon qu'on participe ou pas à une compétition internationale quelle qu'elle soit et en tenant compte aussi du nombre des athlètes actifs dans les multiples catégories. Nos associations des deux premières divisions, ou de la première et de la deuxième ligues — selon la nouvelle terminologie — dépensent environ 110 à 120 milliards de nos millimes au minimum car on se tient là à ce qui est déclaré, ce qui ne l'est pas n'est pas négligeable et on ne peut avancer là-dessus aucune évaluation, tellement c'est le règne de l'opacité. Beaucoup d'argent, mais... Oui l'argent existe. D'où vient-il? C'est l'interrogation qu'on se pose surtout depuis trois ans, mais à laquelle seules les autorités publiques peuvent répondre car elles savent d'où certaines associations puisent leurs ressources. Si on ne le fait pas, c'est pour de petits calculs qui n'ont rien à voir avec le sport. La géographie pourrait guider notre lanterne, mais elle n'est pas suffisante pour savoir exactement d'où vient cet argent: blanchiment ou contrebande? Allez savoir! Dans les deux cas de figure, c'est un réel danger qui risque d'entraîner notre football sur une pente mafieuse qu'on aura du mal à remonter par la suite. Un des pays du nord de la Méditerranée ne s'en est jamais remis, même si on en parle peu. Cela mérite, en tous les cas, réflexion et des décisions qui tranchent avec le laxisme qui prévaut actuellement parmi les décideurs. Cela étant, il y a des clubs qui parlent de déficits parfois chroniques, mais, d'un autre côté, on les voit recruter des joueurs étrangers à coups de millions de dinars et engager des techniciens qu'on rémunère en milliers d'euros! N'est-ce pas à vous donner le tournis? En tous les cas, de nos jours et dans un pays comme le nôtre, où un haut cadre de l'Etat ne peut toucher plus de mille dinars de salaire, nous avons des joueurs qui sont payés jusqu'à 50, voire 60 et 70 mille dinars par mois, sans compter les primes et autres intéressements en cas de titre ou de coupe remportés. D'aucuns pourraient nous rétorquer que sous d'autres cieux les vedettes sont payées à coups de millions d'euros ou de dollars. Un argument qu'on peut balayer d'un revers de main, car nous n'avons pas le PIB de l'Allemagne, de la France ou de l'Angleterre et même du plus minuscule des pays du désert arabique. Aussi, nous ne sommes pas l'Espagne, double vainqueur de la coupe d'Europe et championne du monde, ni aucun de ces pays où le football est seulement un gouffre d'argent pour rien, mais générateur de richesses et de grand renom de par la planète. Nous avons instauré dans ce pays un professionnalisme bâtard où seul le joueur en a tiré tous les bénéfices sans qu'en contrepartie la performance recherchée ne soit au rendez-vous. A l'échelle des clubs comme à celle des équipes nationales (toutes catégorie prises en compte) nous sommes à la traîne. S'il arrive à un de nos clubs engagés en coupes africaines de décrocher un trophée, il faudra attendre une décennie ou plus pour le voir de nouveau monter sur le podium. Pour la sélection, mis à part le titre de champion d'Afrique remporté en 2004 à Tunis, c'est la disette. Pis encore, cette équipe nationale se fait battre par des adversaires aux moyens plus que limités, pour ne pas dire plus. Tout cet argent dilapidé pour en arriver là? Notre football du temps de l'amateurisme était encore plus performant (Izmir et l'Argentine en attestent). Qu'est-ce qui a changé avec ce qu'on appelle professionnalisme ? Absolument rien, sauf ces nouvelles mœurs dans la gestion des clubs, avec cet argent qui coule à flots et cette opacité qui ne permet aucun contrôle ni pour la rentrée ni pour la sortie de cet argent qu'on aurait mieux fait de placer dans des projets créateurs d'emplois et générateurs de richesses, et dans des sports qui nous auraient certainement valu tant de consécrations et de satisfactions, au lieu de le donner à de pseudo-joueurs qui en font le plus mauvais usage pour donner aux jeunes des exemples de conduite on ne peut plus répréhensibles. Pas tous certes, mais un bon nombre d'entre eux sont à blâmer. Vous avez dit révolution, n'est-ce pas ? Eh bien, daignez vous attaquer aux maux ravageurs d'un secteur étroitement lié à la jeunesse et qui se trouve aujourd'hui infesté en partie par une catégorie de véreux dont les objectifs et desseins n'ont aucun rapport avec cet esprit propre à l'activité sportive. Commencez par connaître la provenance de l'argent, et quelle direction prend-il à travers les clubs sportifs, et le reste suivra.