Notre sport (et notre football en particulier) continue à marcher sur la tête. Qui arrêtera cette tendance? Une récente déclaration (entre autres) du président de la Fédération tunisienne de football a attiré notre attention. Elle portait sur les dettes que traînent la majorité des clubs professionnels tunisiens : « 70% de nos clubs ont des dettes qui atteignent le milliard six cent cinquante millions de dinars !» Une véritable lapalissade quand on sait que cette « constatation » n'a rien d'un scoop. Tout le monde sait que notre football professionnel (et notre sport en général) vit à crédit. Il est en attente des subventions de fonctionnement que lui fournissent le département des sports, les municipalités, la fédération, etc. Curieuse façon de voir la gestion d'un club « professionnel ». En effet, si nous considérons que le sport amateur a bel et bien besoin de ces subventions, nous nous interrogeons sur les raisons qui poussent toutes ces institutions à réserver le plus gros des enveloppes accordées aux activités sportives aux associations sportives professionnelles. Que le football amateur en profite, oui, ce ne serait que justice. Cela représenterait une contribution à la promotion des activités sportives dont les bienfaits se répercutent sur la santé de tous les citoyens. Mais que des équipes « professionnelles » s'ingénient à en engloutir la plus grosse partie et que leurs présidents menacent de démissionner chaque fois qu'ils sont à court de liquidités, cela tient de l'invraisemblable. Nous comprenons qu'une municipalité ou un gouvernorat contribuent au fonctionnement des associations qui les représentent ou qui ont des résultats. Mais que cette contribution devienne une subvention de fonctionnement vitale, sous peine de voir des clubs « professionnels » mettre la clé sous le paillasson et qu'ils s'enfoncent dans ces dettes auxquelles le président de la FTF fait allusion, cela ne peut être considéré que de la mauvaise gestion. Interrogations Comment ces clubs ont-ils accumulé ces dettes ? Qui a décidé de dépenser l'argent qu'ils ne possédaient pas ? Comment peut-on enfoncer la trésorerie d'un club dans pareils gouffres dont il aura beaucoup de peine pour s'en tirer ? Qui paiera en fin de compte ces dettes ? Ceux qui s'en vont et qui laisseront l'ardoise en l'état (certains sont, semble-t-il, menacés de prison pour avoir délivré des chèques sans provision !) sont-ils dans l'obligation de rendre des comptes ? Que dit la législation en vigueur ? Y a-t-il une réglementation régissant toutes ces situations et qui mettrait ces pauvres associations sportives à l'abri de la banqueroute ? Tous ces clubs déficitaires avaient-ils un programme d'action reposant sur des budgets réalistes, tenant compte aussi bien des aléas éventuels que des réelles possibilités de leur association ? Certes, cette année, ce fut une saison exceptionnelle, mais toutes ces dettes ne datent pas d'hier. Un grand nombre de clubs les traînent depuis des années et plus d'un comité directeur partira en laissant l'ardoise à ses malheureux successeurs. A notre connaissance, ce genre d'agissements et de comportements est incompatible avec une gestion digne de ce nom. A titre d'exemple à méditer, un grand nombre de clubs professionnels français ont été interdits d'accession en Ligue 1 pour la seule raison que leurs budgets ne leur permettaient pas de faire face aux dépenses à prévoir. Et en fin de compte, pourquoi le contribuable devrait-il participer aux paiements de joueurs « professionnels» dont le niveau est tout ce qu'il y a de plus moyen ? Ces « aides » que l'on dispense ne serviraient-ils pas mieux en les allouant à la formation, au recrutement de jeunes cadres, aujourd'hui sans emploi, et dont l'apport sera enrichissant pour tout le sport national ? Ceux qui prennent en main un club professionnel doivent savoir à quoi s'en tenir. Ils doivent aussi bien gérer les dépenses que les recettes. Les lois sont pourtant là... Le département des Sports, à notre connaissance, dispose d'une circulaire qui a disparu de la circulation et qui porte sur les « critères de la viabilité des clubs ». Le sport tunisien, qui s'en est doté, était à cette époque à l'avant-garde. Il faudrait la retrouver, la mettre à jour et s'y tenir, pour l'intérêt de nos clubs. Ceux qui sont dans l'impossibilité matérielle et financière de gérer un club professionnel peuvent agir dans le domaine amateur. Il n'y a aucune honte à cela, et dans les deux cas ils serviront cette jeunesse à laquelle ils semblent attachés. Les régions qui ne sont pas capables de maintenir à flot deux ou trois clubs professionnels devraient unir les capacités des uns et des autres pour être plus forts et mieux gérer les moyens que l'on pourrait leur offrir. Ceux qui se sont spécialisés (nous y reviendrons) dans des disciplines sportives ont intérêt à éviter de se fourvoyer dans un professionnalisme qui porte mal son nom et qui les détruit. La tutelle a son mot à dire car elle est en droit de protéger le sport et la jeunesse de ces opérations aventureuses, ruineuses et destructrices.