Des personnalités et dirigeants politiques, notamment d'Ennahdha et de Nida Tounès, ont ces derniers temps exprimé à plusieurs reprises leur acceptation de voir le gouvernement Mehdi Jomâa reconduit après les élections «s'il réussit dans sa mission» bien entendu. Après Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, Zied Ladhari, le porte-parole du mouvement, Mohsen Marzouk dirigeant à Nida Tounès, et d'autres, Ajmi Louirimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha, remet l'idée de nouveau sur le tapis en exprimant, hier, «le soutien du mouvement au gouvernement Mehdi Jomâa et la possibilité, s'il réussit dans sa mission, qu'il poursuive ses fonctions après les élections». Cette déclaration a été postée dans la page facebook du parti. La tendance de la reconduction du gouvernement Jomâa après les élections se précise de plus en plus du côté des deux partis qui dominent le paysage politique. Qu'en est-il des autres partis ? S'accordent-ils avec cette position et pourquoi ? Nous avons interrogé des dirigeants et des porte-parole de ces partis. Mais focalisons-nous d'abord sur les raisons de cette tendance consistant à vouloir maintenir le gouvernement Mehdi Jomâa après les élections qui pourraient aboutir sur une majorité somme toute libre de choisir un chef de gouvernement de son propre camp. Cela afin d'appliquer le programme pour lequel il a été élu. Noureddine Ben Ticha, dirigeant au sein de Nida Tounès, estime que «le gouvernement Mehdi Jomâa doit d'abord se concentrer sur son travail afin de réussir à aplanir les difficultés et problèmes que connaît le pays. Toutefois, théoriquement, la continuité est une bonne chose, d'autant que le destin du pays, au cours de cette période transitoire, qui durera quelques années, est d'être gouverné de manière consensuelle. Aussi est-il envisageable qu'après les élections, Mehdi Jomâa, indépendant, soit appelé pour diriger le pays. Et si la majorité élue opte pour cette voie, nous ne voyons aucun inconvénient. Surtout si l'intérêt du pays l'exige. Mais chaque chose en son temps, ne vendons pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué». Pourquoi pas un gouvernement d'indépendants après les élections? Maintenant, quelle est la position des autres partis qui ne se sont pas exprimés sur la question ? Mehdi Ben Gharbia, dirigeant au sein de l'Alliance démocratique, affirme: «Je pense qu'après les échéances électorales, le pays doit être gouverné par le plus large consensus possible ou un gouvernement d'indépendants. La transition politique qui va durer de 5 à 10 ans exige ce schéma, c'est pourquoi nous n'y voyons pas d'inconvénient, surtout si la majorité élue le décide. Mais chaque chose en son temps». De son côté, Tahar Hmila, président du parti «Al Iklaâ Wal Mostakbal», est quasiment du même avis: «Si le gouvernement Jomâa réussit dans sa mission, qu'il continue sur sa lancée. La situation du pays l'exige pour une période de deux ans ou plus. L'important pour nous c'est le résultat et la réussite». Le porte-parole d'Ettakatol, Mohamed Bennour, déclare, lui, «soutenir le gouvernement Jomâa qu'on doit laisser travailler loin des tiraillements politiques. Et si les résultats sont satisfaisants, l'actuel chef du gouvernement et ses ministres les plus satisfaisants pourraient être appelés à assumer des fonctions dans le prochain gouvernement post-électoral. Rien n'empêche la majorité élue de faire encore une fois appel à eux. On ne change pas une équipe qui gagne, surtout si elle réussit à faire sortir le pays de la crise qu'il connaît». Pourquoi des élections, alors ? Toutefois, tous les partis ne sont pas unanimes et certains voient d'un mauvais œil cette tendance envisageant la reconduction du gouvernement Jomâa. Parmi eux, le parti Wafa dont le président Abderraouf Ayadi rejette cette idée, déplorant le fait que «cela est en contradiction avec la Constitution». Et d'expliquer: «Nous avons déjà vécu une expérience où les résultats des élections ont été sacrifiés. On aurait dû, donc, faire un débat sur le sens des élections. Car visiblement, les élections sont un chose et le pouvoir en est une autre. Alors si on nous dit : «La Tunisie ne peut être gouvernée que par le consensus, je me demande pourquoi faire des élections alors, si elles deviennent formelles, à l'instar d'un diplôme de chômeur. Le gouvernement découle des résultats des élections car chaque parti a un programme sur la base duquel il a été élu. Le chef du gouvernement n'est pas un joker et ne peut représenter tous les programmes présentés lors des élections. Il y a des symboles pour chaque programme et chaque choix, il n'existe pas de politique unifiée. Tout ça démontre que la scène politique est malade. Je pense plutôt que cette tendance à vouloir reconduire Mehdi Jomâa est un message destiné à des parties "off-shore". Méthodologiquement, la question est superflue et déplacée car c'est sur la base de programmes que sont formés les gouvernements. Et il n'est pas possible de reconduire un gouvernement, a fortiori de technocrates et apolitique tant que les programmes des partis n'ont pas été clairement présentés et énoncés». Ainsi entre ceux qui approuvent et ceux qui désapprouvent la possibilité de renouveler la confiance à l'actuelle équipe gouvernementale après les élections, la décision de l'électorat sera déterminante. Car, on ne peut faire fi du ou des programmes pour lesquels le ou les partis gagnants ont été élus. Tout gouvernement ayant pour rôle d'appliquer leur programme afin de respecter la volonté du peuple.