Les 15 membres de l'Instance vérité et dignité choisiront demain leur président. Mais les associations spécialisées dans le domaine de la justice transitionnelle ne désarment pas et attendent que le Tribunal administratif décide de tout reprendre à zéro Les Tunisiens seront édifiés, demain, mardi 17 juin, sur le nom de la personnalité qui aura la grande charge de présider de l'Instance vérité et dignité chargée de consacrer durant les prochaines quatre années (avec l'éventuel rajout d'une année si besoin est) la justice transitionnelle. Demain, à l'issue de la réunion des 15 membres de l'Instance qui aura lieu au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle à partir de 9 heures, l'on saura si «les faiseurs de la justice transitionnelle» parviendront à choisir un président sur la base du consensus ou s'ils seront obligés de recourir au principe de l'élection puisque dans tous les cas leur rencontre doit aboutir impérativement à l'annonce du nom du président de l'Instance, de deux vice-présidents et à la répartition des responsabilités parmi les autres membres. Pour le moment, la guerre à la présidence de l'Instance se joue via les médias et les réseaux sociaux entre trois candidats considérés comme les plus influents parmi les 15 cooptés par l'Assemblée nationale constituante. Il s'agit de Sihem Ben Sédrine, Khemaïes Chamari et Khaled Krichi. Un point commun réunit ces candidats présidentiables : tous les trois ont fait l'objet d'objection de la part des associations de la société civile spécialisées dont en premier lieu le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt) estimant que leur candidature devrait être rejetée pour infraction à la loi organique portant création de l'Instance vérité et dignité, notamment dans son article 22. Cet article stipule, en effet, qu'«il est interdit à tout candidat au statut de membre de l'Instance : – d'être député de l'Assemblée nationale constituante – d'occuper une responsabilité au sein d'un parti politique. Finalement, ceux qui ont rappelé que Khemaïs Chamari a été député en 1994, Khaled Krichi a occupé la fonction de porte-parole du Mouvement du peuple et que Sihem Ben Sédrine a été parmi les fondateurs du Rassemblement socialiste progressiste au début des années 80 du siècle dernier (devenu PDP puis El Joumhouri) ont vu leurs oppositions récusées par la commission de tri de l'ANC. Le Tribunal administratif tranchera Aujourd'hui et bien que la liste des 15 ait été avalisée par l'ANC (4 autres membres ont fait aussi l'objet d'oppositions qui ont été rejetées), les associations de la société civile ne désarment pas et poursuivent leur combat pour rectifier le tir. Aussi, le Réseau tunisien pour la justice transitionnelle (Rtjt), présidé par le Dr Kamel Gharbi, a-t-il déposé une plainte auprès du Tribunal administratif. «Nous avons demandé, souligne le Dr Gharbi, la suspension de l'exécution des résultats auxquels ont abouti les travaux de la commission de tri relevant de l'ANC. Nous estimons que la commission parlementaire a violé les dispositions de la loi sur l'Instance vérité et dignité. Nous exigeons, dans notre requête, que l'opération de sélection des candidats reprenne avec la participation des 400 candidats initiaux. Le Tribunal administratif dispose d'un délai de 50 jours pour répondre positivement ou négativement à notre demande». En attendant que le Tribunal administratif se prononce sur cette requête, le Rtjt appelle «les candidats contestés mais avalisés par la commission de tri à ne pas se présenter pour le poste de président de l'Instance». «Il y va de leur crédibilité et de celle de l'Instance et de leur réputation personnelle», ajoute le Dr Kamel Gharbi. Y a-t-il une personnalité parmi les 15 candidats qui pourrait susciter le consensus ? «Oui, il s'agit du juge administratif Mohamed Ayadi ayant déjà été membre de la commission d'investigation sur la corruption et la malversation présidée par feu Abdelfattah Amor. Il est connu pour son intégrité et sa crédibilité», relève-t-il. 6 mois pour que l'instance devienne opérationnelle Du côté de l'Instance vérité et dignité, on développe un autre discours diamétralement opposé. Selon un membre de l'Instance ayant désiré s'exprimer en gardant l'anonymat, «du moment que les objections ont été rejetées définitivement, il n'existe plus d'empêchement moral ou juridique pour que les candidats récusés à tort s'abstiennent de briguer la présidence de l'Instance». La même source précise : «Pour le moment, personne parmi les 15 membres de l'Instance n'a exprimé le désir de s'y porter candidat». «En tout état de cause, ajoute-t-elle, la rencontre de demain doit être clôturée par l'élection du président de l'Instance, que ce soit par consensus ou via un scrutin secret. L'Instance devrait être opérationnelle dans six mois, et ce, après le choix d'un directeur exécutif et l'installation des bureaux régionaux. En principe, l'Instance commencera à réceptionner, d'ici fin décembre prochain, les dossiers des victimes».