Un public conquis par les airs New Age et le talent des musiciens du deuil national décrété suite à la lâche attaque terroriste, perpétrée le mercredi 16 juillet au mont Chaâmbi, le festival de Carthage a repris son cours avec les deux spectacles du compositeur et musicien grec Yanni. Le premier spectacle s'est déroulé lundi, à guichets fermés, devant dix mille spectateurs, composés en majorité de fans de l'artiste et de mélomanes. Ce soir-là, avant le début du concert, le public debout comme un seul homme a entonné l'hymne national en reconnaissance et en hommage à nos valeureux soldats martyrs, victimes du terrorisme. Un moment solennel et marquant où, sur les écrans vidéo installés des deux côtés de la scène, se sont affichés les drapeaux tunisien et palestinien, unis pour la même cause : la lutte contre le terrorisme, qu'il soit le fait de groupes jihadistes ou d'Etats, à l'instar d'Israël. Yanni fit ensuite son entrée sur scène sous un déferlement d'applaudissements de milliers de spectateurs scandant en chœur : «Yanni, Yanni». Ce qui n'était pas pour déplaire au pianiste et claviériste qui entama de manière fulgurante son concert, accompagné de son orchestre composé d'une panoplie d'instruments entre violons, violoncelles, harpe, guitare, piano, clavier électronique, batterie, tam-tam, trombone, etc. Porté par la magie du lieu et l'amour d'un public acquis et conquis, Yanni, de son vrai nom Ioannis Hrysomallis, a exécuté, tantôt au piano tantôt au clavier électronique, avec une énergie débordante, ses succès instrumentaux célèbres de par le monde. Ses mélodies dans le style New Age se déclinent selon un savant dosage entre musique électronique douce et airs virevoltants, où prévalent les rythmes trépidants des instruments de percussion. Les morceaux tirés, entre autres, de son dernier album «Truth of Touch» se succèdent, accrochent, séduisent, emballent par leurs sonorités qui interpellent à la fois l'esprit et les sens et sont, à chaque fois, salués par les ovations et cris d'adhésion du public. Les compositions sont inspirées de la musique classique européenne, mais nourries de diverses musiques aux sonorités orientales, générant une touche d'exotisme visiblement recherchée par le compositeur autodidacte, qui vit depuis sa prime jeunesse en Californie. En témoigne cette composition magnifique, tirée de son album «Tribute», concocté lors de ses concerts à la cité interdite à Beijing en Chine et au Taj Mahal en Inde. Le morceau interprété par une puissante et belle voix féminine est un pur ravissement. Ainsi le multinominé aux Grammy Awards a, outre la musique instrumentale, exploré une autre voie «en élargissant, comme il l'a déclaré, ses horizons et en ouvrant les portes aux talents incroyables que représentent certaines voix». On décèle également, dans ses créations, de la nostalgie pour la musique grecque, façon «Zorba le Grec». Quoi de plus normal quand on a baigné, durant toute son enfance, dans cet univers culturel oriental avant de tenter l'aventure artistique sous d'autres cieux. Mais sa musique est aussi fruit de l'instant : ce qu'il a affirmé lui-même lors de la conférence de presse qu'il a tenue auparavant, le jour même, dans l'après-midi : «Ma musique change d'un lieu à un autre, mon programme aussi. Aucune soirée ne ressemble à une autre : ma prestation se nourrit de l'énergie du pays et du public que je rencontre». Et, ce soir-là, ce n'était pas l'énergie et les ondes positives qui manquaient, tant l'artiste a échangé et communié avec le public. Car, avant d'entamer chacune de ses compositions, où le réalisme le dispute à la spiritualité, Yanni communique avec les spectateurs en affichant sa satisfaction de se trouver en Tunisie : «Je suis heureux d'être ici dans votre beau pays, où j'ai joui depuis que je suis là de bons moments. Jouer sur la scène du théâtre romain de Carthage est un rêve que j'ai réalisé ce soir... Je regrette de ne pas être venu plus tôt, mais, c'est sûr, je reviendrai». Pour lui, «la musique est un message d'amour et de paix et un appel à l'acceptation de l'autre pour une vie plus paisible et calme pour tous». Il croit, par ailleurs, concernant le terrorisme, que «les valeurs humaines finiront par l'emporter sur les forces du mal». D'où les pièces instrumentales : «Love is all» et autres, tirées de son album «Love Songs». Toutes ses performances sont agrémentées de solos et d'improvisations de plusieurs instruments : guitare, saxophone, violon, violoncelle, batterie, exécutés avec une telle maîtrise et technicité qu'on ne peut qu'apprécier. Au plan de la forme, on ne peut vraiment parler d'un véritable show car, à l'exception de quelques jeux de lumières, les spectateurs n'ont rien vu de surprenant ni d'extraordinaire. Toutefois, ils n'ont pas été déçus par celui qui a fait le tour du monde, donnant des centaines de concerts. Et celui qui a accumulé plus de 35 disques d'or et de platine, vendant 20 millions de disques au fil de son parcours. La performance s'est close sur des rythmes d'une musique au tempo africain endiablé, qui a enchanté les fans, regroupés dans une association de l'artiste, ravi de recevoir un accueil si chaleureux de la part de ses inconditionnels, mais aussi de ceux et celles qui l'ont découvert ce lundi-là.