Aux problèmes de l'insécurité, de la dégradation de la qualité de l'environnement dans les zones touristiques qui inquiètent déjà les professionnels, une goutte vient de faire déborder le vase : le projet de loi portant création de la Société de gestion d'actifs (AMC), contenu dans la loi de finances complémentaire, au titre de l'exercice 2014. Un projet qui, au regard de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), aurait des conséquences néfastes sur le secteur touristique et l'ensemble de l'économie nationale, appelant le ministère de l'Economie et des Finances à l'amender avant adoption par l'Assemblée nationale constituante (ANC). Radhouane Ben Salah, président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), a exprimé clairement les réticences de la corporation quant au projet de loi portant création de la Société de gestion d'actifs (AMC), lors d'un point de presse, tenu hier au siège de la fédération. «Nous avons été surpris par ce projet de loi. Un projet consigné dans la loi de finances complémentaire, sans aucune consultation avec la profession. Et, à la lecture du projet portant création de l'AMC, on relève plusieurs défaillances et nous faisons part à tous de nos craintes, justifiées, du reste », a indiqué Radhouane Ben Salah. En effet, au regard de la FTH, le projet portant création de l'AMC sert plutôt à assainir la situation financière et les intérêts des banques que ceux des hôteliers. C'est un projet, a-t-il précisé, qui ne résout en rien la problématique de l'endettement, mais il complique davantage la situation. Sans compter que le projet de loi accorde à l'AMC de super-pouvoirs qui l'autorisent à traiter directement avec les hôteliers endettés, de reprendre leur propriété, et le cas échéant de les revendre. Sans compter que les concernés par les décisions de l'AMC n'ont aucun recours juridique, ni devant les tribunaux de droit commun, ni encore moins devant le tribunal administratif, ce qui est en soi, souligne Radhouane Ben Salah, anticonstitutionnel. «Il n'est pas normal que cette société soit dotée de prérogatives la plaçant au-dessus de tous, y compris la justice», a indiqué Radhouane Ben Salah. Un projet anticonstitutionnel A ce titre, le juriste de la fédération a fait savoir que le projet de loi comporte plusieurs défaillances juridiques. Il est en contradiction avec les dispositions, non seulement de la Constitution tunisienne mais aussi du Code des sociétés commerciales et du Code des obligations et des contrats (COC). Et d'ajouter que le timing de l'examen du projet de loi portant création de l'AMC n'est pas approprié, du moment que le pays est en phase d'instabilité politique, sécuritaire et juridique. Ce projet de loi est un projet exceptionnel, qui risque de toucher l'ordre public économique, créant une volatilité économique ». Le président de la FTH a, dans le même ordre d'idées, souligné qu'hôteliers et banques doivent trouver des solutions adéquates à la problématique de l'endettement. Ce qui est en cours, a-t-il précisé. «Nous avons créé une commission composée de la Banque centrale de Tunisie, des banques concernées par l'endettement, la FTH..., afin d'identifier des solutions adéquates. On a l'impression que le projet de loi a quelque peu marginalisé les travaux de la commission. En tout état de cause, la FTH indique que l'AMC devrait être «équitable», en ce sens où elle devrait préserver et garantir les intérêts, aussi bien des banques que des hôteliers. L'AMC ne devrait, en aucun cas, être du côté des banques, au détriment des hôteliers tel qu'annoncé dans le projet de LFC 2014. Cela étant dit, le président de la FTH reconnaît que la corporation n'est pas contre le projet de loi et la création de l'AMC. Bien au contraire, souligne Radhouane Ben Salah, nous sommes contre l'ambiguïté et l'imprécision qui entachent le projet. A ce titre, les membres de la FTH ont une seconde réunion avec le ministre de l'Economie et des Finances, afin qu'il leur explique les points de discorde du projet. Une réunion au cours de laquelle, ils tenteront de convaincre le ministre d'amender certaines dispositions, appelant, par ailleurs, à la définition claire des attributions et prérogatives de la Société de gestion d'actifs. Radhouane Ben Salah a fait remarquer, en outre, que la création de ladite société aurait dû être discutée avant son inclusion dans la LFC avec les professionnels de l'hôtellerie et des banques, estimant, toutefois, que cette société n'a rien à avoir avec ce projet de LFC 2014, puisque la décision de créer une telle société peut être prise indépendamment de cette loi et à tout moment. Djerba : risque d'une crise sanitaire Autre volet inquiétant les professionnels du tourisme, la dégradation de la qualité de l'environnement dans le pays, et particulièrement dans les zones touristiques. A ce titre, Wajdi Skhiri, secrétaire général de la FTH a clairement souligné que les conditions de travail sont devenues extrêmement difficiles, notamment face au mutisme et au silence des autorités centrales. Mais, le plus inquiétant, c'est la dégradation de la qualité de l'environnement sur l'île de Djerba. Un problème pris d'assaut par certains partis politiques empêchant l'exécution de solutions urgentes et rapides. Jalel Henchiri, président de la Fédération régionale de l'hôtellerie du sud a tiré la sonnette d'alarme et surtout un cri de détresse, appelant les politiciens à ne pas prendre la santé des Tunisiens en otage. Car, à en croire ses déclaration, «le risque d'une crise sanitaire à Djerba est imminent». C'est une véritable catastrophe environnementale. A Djerba, nous vivons une situation de terrorisme environnemental sachant que certains partis politiques incitent les citoyens à manifester en faveur de la fermeture de la décharge contrôlée des déchets ménagers à Guellala. Le président de la FRH a déclaré par ailleurs que sur les 15 décharges de toute la République, trois seulement sont en état d'exploitation. Il a, dans ce contexte, appelé à une meilleure coordination entre les autorités centrales et locales, afin de trouver des solutions urgentes. Car, la crise sanitaire à Djerba est sur le seuil de l'île. En tous les cas, les habitants de Djerba n'arrivent plus à supporter l'état de dégradation de leur île. Une île, première source de devises pour le pays, et qui, l'année dernière, a été élue meilleure destination touristique par le New York Times, et qui aujourd'hui, est menacée par une crise sanitaire. Les habitants de l'île, la FTH, Ugtt, Utica et autres organismes ne comptent pas rester les bras croisés face à ce silence mortel des autorités. Ils menacent de recourir à d'autres moyens de lutte, dont une grève générale, (y compris l'aéroport de Djerba). Saison touristique : résultats en deçà des attentes Evoquant la saison touristique, le Président de la FTH a fait savoir que les derniers attentats terroristes, perpétrés dans le mont Chaâmbi, n'auraient pas d'impact sur l'état du booking, pour le mois d'août. Par contre, l'impact risquerait de compromettre l'arrière-saison. En effet, Radhouen Ben Salah a indiqué qu'il y a un grand risque pour les réservations d'arrière-saison. Une arrière-saison, sur laquelle on misait pour améliorer les statistiques du secteur. Or, les ambitions et objectifs d'atteindre sept millions de touristes, sont partis en fumée. L'idéal, c'est de réussir à réaliser les mêmes chiffres qu'en 2013, si tout va bien. Rappelant, à ce titre que les entrées touristiques, au cours du mois de juillet, ont accusé une baisse de -1,4%. En effet, entre le 1er janvier et le 10 juillet 2014, les entrées de touristes ont atteint les 2,83 millions, ce qui constitue une baisse concrète par rapport à la même période de 2013 (-1,4%) et de -11,6% par rapport à 2010, année de référence du secteur. Au regard des chiffres communiqués, 1,532 million de touristes maghrébins ont visité la Tunisie durant cette période, accusant une régression 1,9%, par rapport à la même période de l'année écoulée. Par ailleurs, les entrées des touristes européens ont légèrement fléchi de 0,8%, en juillet 2014, en comparaison, avec juillet 2013. Pis encore, la baisse est de -26,9% par rapport à 2010.