«Peu importe l'œil avec lequel on considère les légendes. Peu importe le jugement que l'on émet sur elles. Moi, je ne les mettrai pas en discussion» Tacite, historien latin (55-120 après J.C.). Kairouan, une ville célèbre par son passé glorieux et son présent, au cachet illustre et typique, ne dévoilera jamais ses secrets à la même personne. C'est pourquoi elle continue de susciter l'intérêt des historiens et des chercheurs qui constatent que, dans cette ville, le moderne et le traditionnel cohabitent en une merveilleuse harmonie. La capitale des Aghlabides n'est ni légende ni réalité. Elle est les deux ou plutôt entre les deux. Ainsi, plusieurs mythes se sont greffés sur l'histoire de Kairouan et demeurent ancrés dans les esprits. A cet effet, la tradition dit que sept visites à Kairouan équivalent à un pèlerinage à La Mecque. La légende nous apprend d'autre part que Abdallah El Balaoui (alias Abou Zamaâ), originaire de la péninsule arabique et compagnon du Prophète, a prélevé, lors du sermon d'adieu de ce dernier, trois poils de la barbe du Prophète qu'il a plantés dans son avant-bras. On raconte qu'il a demandé, de son vivant, qu'on les inhume avec lui, un sur la langue et les deux autres sur les yeux, ce qui fut fait. Sidi Amor Abada Sidi Amor Abada, marabout qui a vécu entre le XVIIIe et le XIXe siècle, était originaire de Makthar où il était berger. Sidi Amor raconte, à en croire les gens âgés de Kairouan, que, cherchant un jour une brebis pour son maître, il se trouva soudain à Tunis, envoyé par son patron faire une course; il se rendit compte, juste après qu'il était en réalité à Kairouan. Il n'a ainsi ni voyagé ni peiné pour aller de Makthar à Tunis puis à Kairouan. C'est par miracle que tout cela s'est passé. Autre fait, autre légende. Sur ordre de son médecin, en 876, le monarque aghlabide Ibrahim II a fait une marche à pied afin d'être guéri de l'insomnie. En arrivant à un certain endroit appelé depuis lors Raqqada «la dormeuse», il eut envie de dormir. Depuis ce moment-là, ce site est devenu la demeure préférée des monarques en quête de repos. On raconte également, que lors du décés de sa grand-mère, en l'an 411 de l'Hégire, l'Emir Moez Ibn Badis Essanhaji a fait fabriquer pour elle un cercueil en bois importé d'Inde, incrusté de perles et décoré de plaques en or et de 21 colliers en pierres précieuses. La grand-mère a été ensuite inhumée dans un cimetière à Mahdia en portant 120 robes. Enfin, il paraît que 400 femmes constituaient le harem de Youssef Belkin, le prince Sanhaji, et qu'en une seule journée, on lui a annoncé la naissance de 17 bébés. Kairouan, est-elle donc un mythe réel ou une réalité mythique? N'est-elle pas hors du commun ? De toute façon, si le mythe de Kairouan nous dépasse, sa réalité historique et actuelle est toujours révélatrice de son éminence.