Cette semaine, au congrès des Arbres Remarquables, on proposera de faire inscrire notre olivier dans cette nomenclature. Et l'intégrer dans un circuit historique et environnemental. Alya Mabrouk est fille de la campagne. Personne n'a mieux chanté « les Blés de Dougga », les plaines de sa région natale du Kef, et personne n'est aussi convaincu que Zaafran où elle est née, quelque part près de Tajerouine, est bien le centre du monde. Aussi n'était-il pas étonnant de la voir, entre la rédaction de deux romans — le prochain paraîtra en France et au Canada simultanément à la fin de ce mois —, engager un nouveau combat : faire connaître et inscrire dans un circuit international l'olivier millénaire d'Echraf, du côté d'El Haouaria. Non que cet arbre ne soit pas célèbre : des écrivains l'ont présenté, des scientifiques ont étudié son appartenance et son âge supposé, le marabout qui lui a donné son nom et qui l'a protégé est largement visité, une école a été érigée dans son immédiate proximité. Freddy Tondeur, écrivain fondateur de l'Institut Mondial de l'Olivier, témoignait il y a quelques années : « Il y a plus de trente ans, lorsque je sillonnais les pistes de la campagne tunisienne pour réaliser un film et un livre sur ce beau pays qu'est la Tunisie, je suis passé par El Haouaria et Echraf. D'abord de loin, j'ai aperçu un arbre rempli d'enfants qui jouaient comme des oiseaux au milieu des branches. Ma surprise fut grande lorsque je découvris que l'arbre était un olivier d'une taille impressionnante. Compte tenu du passé historique de la région, j'ai tout de suite fait le rapprochement avec la civilisation carthaginoise ». L'arbre, il est vrai, a des dimensions étonnantes : les racines apparentes couvrent une circonférence de quelque seize mètres, le tronc, à un mètre du sol, est de neuf mètres, et sa circonférence de six mètres. Quant à celle des frondaisons, elle atteint quarante mètres. D'après les études de la Banque nationale des gènes, c'est un Olea Europa, de la famille des Olacae, une des espèces fruitières les plus anciennement cultivées puisqu'on signale sa présence depuis le 4e millénaire avant notre ère en Afrique du Nord, en Phénicie et en Syrie, avant de la voir se diffuser en Palestine, en Egypte et à Chypre grâce aux échanges commerciaux de ces inlassables coureurs des mers que furent les Phéniciens. On évalue son âge à quelque deux mille cinq cents ans. Grâce à la vigilance des habitants des lieux, à la compétence des techniciens du groupement agricole d'Echraf, et à la protection du marabout Sidi Cherif, l'arbre est protégé, entretenu, et continue à produire des fruits. On en fait chaque année de l'huile que l'on distribue en petites fioles, élixir sacré venu de la nuit des temps, dont les vertus sont certainement magiques. On vient de loin lui rendre hommage, et honorer l'arbre millénaire assimilé au marabout protecteur. Alya Mabrouk veut élargir cette reconnaissance, lui donner une dimension internationale, et inscrire l'hommage à l'arbre sacré dans un circuit plus vaste. A Paris, cette semaine, se tient le congrès des Arbres Remarquables. Des amis de la nature ont, en effet, recensé, tout autour de la Méditerranée, des arbres exceptionnels par leur longévité, leur spécificité, leur histoire. Ils seront présentés au cours de ce congrès, et Alya Mabrouk se propose de faire inscrire notre olivier dans cette nomenclature. Ce qui intégrera l'arbre d'Echraf dans un circuit historique et environnemental. Ce qui, rêve encore notre amie écrivain, permettra de créer un pôle d'intérêt et de visite pour une région qui a tous les atouts pour cela : sites phéniciens exceptionnels, petites fermes environnantes susceptibles d'accueillir auberges, gîtes ruraux et marchés bio, communauté d'agriculteurs active et concernée... Sous la protection de Sidi Cherif, le patron de la région, qui, tout le monde en est persuadé, a protégé l'arbre millénaire, ses rêves deviendront réalité.