Décidément, on ne fait pas de cadeaux à l'école tunisienne. Si on en parle, c'est pour lui jeter, immédiatement, toutes sortes d'anathèmes et d'accusations. Avec la rentrée, l'occasion est tout indiquée pour cet exercice Les attaques incessantes durant ces trois ou quatre années ont démoralisé tous les acteurs de l'éducation et déstabilisé l'un des secteurs les plus solides de notre pays. Et la cabale continue. Les critiques fusent de partout et portent sur tout. Aucun aspect n'est épargné. On n'y voit que le côté sombre et, alors, on se complaît à décortiquer le sujet en dénigrant tout le système et en reniant l'apport de plusieurs décennies de travail et de dévouement de plusieurs générations. Il n'y a pas que les échecs Cette attitude est destructive à plus d'un titre. Personne ne dira que tout est parfait et que le système éducatif se porte bien. Certes, il existe des contreperformances qu'il faut pallier au plus vite et de la façon la plus saine qui soit. Il existe, heureusement, des atouts à valoriser et à mettre en relief. L'école tunisienne ce n'est pas uniquement les 100.000 jeunes exclus. En France ils sont autour de 800.000 dont 620.000 de 18 à 24 ans sans qualification (selon des sources du ministère français de l'Education nationale). Ce faisant, on passe sous silence les réussites et le nombre de lauréats et d'élèves méritants dans les examens et concours nationaux. On oublie ces étudiants qui vont étudier dans les prestigieuses écoles et facultés internationales. Il est vrai que 51.043 collégiens et que 34.684 lycéens ont redoublé (selon des statistiques établies en 2013). Mais en même temps ce sont 152.908 autres collégiens et 126.553 lycéens qui ont passé d'un niveau à l'autre. Cela va de soi, ces résultats ne sont pas bénéfiques et nuisent à l'image de notre système. En effet, des taux d'abandon scolaire de 17.4 % pour les collèges et de 16.8 % pour les lycées sont loin des taux de 10 % prônés par l'Ocde (l'Organisation de coopération et de développement économiques) pour la zone européenne d'ici 2020. Aujourd'hui, notre institution éducative est l'objet de menaces lourdes de conséquences. Elle est grippée de l'intérieur. Des actions qui visent à freiner son développement sont menées sporadiquement. Les grèves de plus en plus nombreuses, les blocages de mesures administratives, les méthodes de désignation des responsables, la gestion des établissements, l'absentéisme rampant, l'indiscipline, la formation et le recyclage des cadres enseignants et administratifs, etc. ne sont pas faits pour faciliter la tâche. L'école est devenue ingérable Le manque de personnel pèse cruellement sur le rendement. A peine 3000 recrutements d'enseignants pour cette année. Objectivement, il en faudrait le double ou le triple pour faire face aux effectifs des élèves, d'un côté, et à l'amélioration des ratios classes-élèves. Ces besoins restent difficiles à satisfaire en raison des nombreuses sollicitations salariales. Cette lourde charge continuellement renouvelée sous forme de revendications, aussi légitimes soient-elles, ne permet plus au ministère d'envisager des recrutements de personnel pour remplacer les départs à la retraite et la demande supplémentaire réelle. Sur un autre plan, la formation des enseignants mérite d'être repensée et revue pour une plus grande efficience. Telle qu'elle est conçue et menée, actuellement, elle a un apport très limité. En ce qui concerne la direction des établissements scolaires, on assiste, ces derniers temps, à une nouvelle option de désignation des responsables. C'est ce qui a entraîné l'arrivée de beaucoup de directeurs sans aucune expérience administrative ou de gestion. C'est ainsi que le travail normal au sein des établissements s'en est ressenti. D'ailleurs, les écoles, les collèges et les lycées sont devenus quasiment ingérables. Plusieurs parties interfèrent dans la gestion des affaires et le directeur n'a plus la possibilité de s'imposer ou d'imposer la discipline qui sied. Il n'a plus ce statut de responsable. Des crises surviennent fréquemment entre les différents intervenants (représentants syndicaux, enseignants, autres agents...). Pour une raison ou une autre, n'importe qui peut, désormais, bloquer les cours ou interdire l'accès à une école. Du coup, c'est l'institution éducative qui est prise en otage. Le directeur est sous la menace continue du «dégage» que certains ont appris à manier pour imposer à la majorité des règles de conduite particulières. Au lieu de veiller à la bonne marche de l'institution, les responsables se trouvent à leur corps défendant embarqués dans des conflits et des combines superflues ou qui n'auraient pas lieu d'être. Ces agissements vont dans le sens de l'affaiblissement de ces structures éducatives tout en cherchant à les vider de leur force et à les priver de tous les atouts engrangés depuis des décennies. C'est pour ces raisons qu'il est temps de lancer un vrai débat sur l'école, son rôle et ses prérogatives. Il est temps aussi de réaffirmer la primauté des lois et des règlements en vue de pérenniser la fonction éducative et formative de l'institution scolaire et lui épargner toutes les autres considérations.