«Dialogue et consensus... deux maîtres-mots grâce auxquels on est arrivé à finaliser la Constitution et former un gouvernement de technocrates»... A peine avalisé par le Conseil de la choura, le programme électoral d'Ennahdha vient d'être présenté, dans ses moindres détails, sous le signe : «Vers une économie ascendante et un pays sécurisé». Cela se passait hier, lors d'une conférence de presse tenue au Palais des congrès à Tunis, dans une ambiance de joie et de fierté. A l'ouverture, marquée comme à l'accoutumée par des versets coraniques et l'hymne national, M. Zied Laâdhari, porte-parole du parti islamiste, a, d'emblée, annoncé la couleur. Il a souligné l'attachement du mouvement à ce que le 26 octobre prochain soit un tournant historique décisif dans l'histoire du pays. Un rendez-vous électoral qui, poursuit-il, devrait se dérouler dans un climat de transparence et de saine émulation, où la concurrence partisane aurait essentiellement à puiser dans les programmes d'avenir des partis en lice. Le tout pour le bonheur de la Tunisie et des Tunisiens. En prélude au jour «J», le mouvement d'Ennahdha a donc dévoilé les grandes lignes de son programme électoral, bien avant le démarrage officiel de la campagne électorale, prévu le 4 octobre prochain. Après un aperçu du passé, illustrant les étapes phares de la Tunisie post-révolution, le dernier chef du gouvernement de la Troïka, M. Ali Laârayedh, a évoqué le volet politique dudit programme, lequel a été concocté par d'éminents experts dans le domaine. Au départ, il est revenu sur les « acquis » réalisés au fil des trois années précédentes, faisant valoir l'apport de son parti dans la coalition politique et le rôle qu'il a joué pour sortir de la crise dans laquelle se débattait, jusque-là, le pays. Sans pour autant manquer de mettre en exergue les pas franchis, contre vents et marées, sur la voie de la liberté et de la démocratie naissante, ce qui a fait de la Tunisie, d'après lui, un exemple démocratique réussi dans la région du « Printemps arabe ». Et de rappeler, à titre indicatif, que notre pays est le seul dans la région à avoir atteint un taux de développement positif de 3,6% en 2012, puis régressé d'un point l'année suivante. De même pour le chômage, les allocations familiales, l'endettement et les diverses ressources financières mobilisées pour le financement des projets nationaux : les impressions sont aussi bonnes et les résultats sont jugés satisfaisants. D'ailleurs, témoigne-t-il, l'actuel programme électoral élaboré pour un mandat de cinq ans tire sa juste valeur des réponses apportées aux attentes et préoccupations des citoyens sondés. Selon lui, la prochaine étape s'annonce de bon augure. En politique, le regard du parti sera ainsi fixé sur une trilogie de base : «Etat fort, société libre et citoyen digne». Cette vision futuriste mérite d'être traduite dans l'accomplissement du processus démocratique, et faire en sorte que le prestige de l'Etat soit rétabli et que la primauté de la loi demeure respectée. Au concret, le mouvement s'est montré engagé à relancer les mécanismes de la diplomatie étrangère, à renforcer davantage les capacités des forces armées et sécuritaires et à réactiver les moyens de lutte contre le terrorisme et la contrebande. Cette démarche réformiste s'inscrit dans le cadre du dialogue consensuel et du partenariat effectif. Chapitre socioéconomique, l'idéal est de redistribuer les fruits de la croissance. Autant dire, gagner l'enjeu d'un développement équilibré et répartir les richesses dans toutes les régions du pays. Ce qui signifie : repenser des alternatives à l'ancien mode de développement, désormais usé, sans avenir. Mais les crises d'ordre économique et social qu'a connues le pays, ces derniers temps, sont aussi à l'origine de l'amplification de la corruption et de l'absence de bonne gouvernance. Pour cela, le programme électoral a tracé une vision qualifiée de globale et prospective sur laquelle reposent des réformes radicales en plusieurs grands axes. Il s'agit, selon Houssem Taâbouri, membre du parti, d'une nouvelle stratégie de développement basée sur des politiques économiques à haute valeur ajoutée et des réformes structurelles en vue d'un climat d'investissement favorable. Il y va également du rôle de l'Etat régulateur, qui compose avec la rentabilité économique et la responsabilité sociétale. S'ajoute à cela la réforme institutionnelle, bancaire et fiscale, comme autant de choix stratégiques en vue de relancer l'économie de marché, tabler sur l'initiative privée et la création de richesses. Autres axes moteurs : l'appui à l'emploi, le renforcement de l'exportation, la promotion du secteur touristique et la relance de la diplomatie économique. A tous ces mécanismes s'ajoutent les prestations sociales fournies au citoyen, à savoir la santé, la propreté, le logement décent et un dispositif d‘éducation et de formation en harmonie avec le marché du travail. Avec ce nouveau programme quinquennal, les prévisions du parti d'Ennahdha tablent sur un taux de développement national situé aux alentours de 6%, à l'horizon 2019. Chiffres à l'appui, le programme vise la maîtrise de l'inflation dans les limites de 4%, tout en préservant le pouvoir d'achat des ménages. De même, la réduction de l'endettement extérieur à 40% de la dette publique. De son côté, Cheikh Abdelfattah Mourou a pris la parole pour mettre en valeur l'ancrage de l'identité arabo-musulmane dans la Tunisie depuis des siècles. Il a voulu passer un message clé, celui de la modération du parti et ses penchants pour les discours de la tolérance et de la paix. D'après lui, il n'y a aucune raison de semer la discorde ou de créer la division de la société entre croyants et mécréants. Car, selon lui, le pays ne supporte plus les surenchères idéologiques qui ne servent à rien. A la clôture, le président et père fondateur du mouvement, cheikh Rached Ghannouchi, a indiqué que son parti est celui du dialogue et du consensus par excellence : «Deux maîtres-mots grâce auxquels on est arrivé à finaliser la Constitution et former un gouvernement de technocrates». Il n'est plus question, à ses dires, de croire dans les vaines tentatives de division et de discrimination entre modernistes et antimodernistes, croyants et non croyants. Et de rappeler qu'Ennahdha a gouverné en coalition, sans ordres ni tutelle sur la société tunisienne. Celle-ci, a-t-il affirmé, a été libérée du joug de la dictature grâce à la révolution. Et d'ajouter : « Nous avons fait face aux tentatives de l'exclusion et au projet de l'immunisation de la révolution. D'où il ressort que nous sommes attachés à la politique de consensus, comme une des expressions de la démocratie». Donc, selon lui, il vaut mieux se soucier des vrais problèmes qui embarrasent le pays, aujourd'hui, tels que le chômage, les disparités régionales, la pollution et bien d'autres questions de l'heure.