En présence des trois présidents, son caractère exceptionnel est lié à la structure l'organisant, à savoir l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, mais aussi au contexte de renouveau dans lequel elle se tient, en dehors du giron du pouvoir exécutif... Après une rupture inhabituelle dictée par le cours du temps qui passe, la nouvelle année judiciaire 2014-2015 s'est ouverte, hier, en séance extraordinaire tenue au Tribunal de première instance de Tunis. En fait, la tradition consacrée au fil des ans semble avoir perdu son protocole d'antan. Cette fois-ci, l'on a assisté à une cérémonie solennelle toute particulière organisée, pour la première fois dans l'histoire de la Tunisie moderne, à l'initiative de la Cour de cassation, sous les auspices de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire (Ipoj). Cette cérémonie, à laquelle ont été conviés les membres de la famille élargie du corps de la magistrature, les robes noires et les auxiliaires de justice, a été aussi rehaussée par la présence des trois présidents, de la République, de l'ANC et du gouvernement, comme invités d'honneur. L'ambiance était telle que l'auditoire vibrait au rythme de l'événement. Ouvrant la séance, autrefois à huis clos, sans la présence des médias, le premier président de la Cour de cassation, lui-même président de l'Ipoj, M. Khaled Ayari, l'a qualifiée d'«historique» et devant demeurer à jamais gravée dans les annales de la justice tunisienne. Son caractère exceptionnel est lié à la structure l'organisant, à savoir ladite instance, mais aussi au contexte de renouveau dans lequel elle se tient, en dehors du giron du pouvoir exécutif. Contrairement aux éditions précédentes, cette année judiciaire a cessé d'être placée sous le patronage du président de la République, en tant que chef suprême de la haute magistrature. Un titre d'honneur qui, en vertu de la nouvelle constitution, n'est plus le sien. Et la présence du Dr Moncef Marzouki n'a été, en fait, que symbolique. Cette nouvelle tradition, d'après M. Ayari, vient illustrer la tendance consacrant la séparation des trois pouvoirs. Ce qui fait de l'indépendance de la justice une profession de foi crédible et non un slogan vide de sens. Une démarche qui, selon lui, a trouvé son compte dans la création, en 2013, de ladite instance, fruit du labeur et du militantisme de toute la corporation judiciaire : magistrats, avocats et auxiliaires de justice. Une instance à laquelle sont confiées les prérogatives du mouvement des juges et leur promotion professionnelle. Il s'agit là, à vrai dire, d'un des acquis de la révolution qu'il faut défendre et préserver davantage. Dans ce sens, le magistrat Ayari a insisté sur la nécessité de renforcer encore plus les capacités et les aptitudes des professionnels du secteur en matière de recherche et de nouvelles technologies. Idem pour la séparation entre l'administratif et le judiciaire, sans pour autant perdre de vue la portée d'une réforme radicale du dispositif national, afin de rétablir la confiance et rendre justice aux justiciables. Loin de toute forme de manipulation ou d'instrumentalisation politique, quelle qu'elle soit. Car, comme tous les secteurs, d'ailleurs, la justice n'a pas été à l'abri des dérives, du temps de la dictature. « Et maintenant qu'une nouvelle année s'ouvre, soit la première après la révolution, on aborde une nouvelle page qui doit rompre avec le passé. Une nouvelle vision qui se tourne vers l'avenir du corps de la magistrature, tout en faisant prévaloir la primauté de la loi», ainsi s'exprimait M. Ridha Ben Amor, procureur général de l'Etat auprès de la Cour de cassation. Compte tenu des nouvelles prestations dont se dote désormais le dispositif dans son ensemble, il est aujourd'hui question, souligne-t-il, de traduire dans les faits les énoncés de la nouvelle Constitution pour l'édification de la IIe République. En plus clair, s'engager à donner corps aux différentes institutions corporatives, notamment les chambres spécialisées et le Conseil supérieur de la magistrature, avec ses trois organes judiciaire, administratif et financier. Cette haute autorité judiciaire, qui va prochainement remplacer l'actuelle instance provisoire, a fait l'objet de la communication donnée par M. Walid Melki, magistrat conseiller. Ce dernier n'a pas manqué de plonger l'auditoire dans le jargon juridique ayant trait aux multiples significations du conseil judiciaire. Il a également passé en revue un arsenal des textes le régissant à travers l'histoire contemporaine de la magistrature tunisienne. Dans ce sens, Mme Wassila Kaâbi, porte-parole de l'Ipoj, a fait valoir que la nouvelle année judiciaire intervient au moment où la profession se penche sur son devenir, s'engageant à élaborer les lois censées mettre en application la nouvelle Constitution, dans le droit fil de l'édification de la démocratie et de l'Etat de droit et des institutions. Idem pour le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle. « Et ce sont là les enjeux de l'étape pour la réussite de la transition démocratique », a-t-elle conclu.