Achref Aouididi : «Le gouvernement de Mehdi Jomâa est le plus faible en termes de lutte contre la corruption depuis la révolution» « La Tunisie a perdu deux places, par rapport à 2013, au classement basé sur l'Indice de perception de la transparence, reconnu par l'ONG mondiale Transparency International». C'est ce qu'a indiqué hier l'organisation tunisienne I Watch lors d'un point de presse tenu à Tunis. Sur un total de 175 pays, la Tunisie se classe 79e, en recul de deux places par rapport à 2013 et de quatre places par rapport à 2012. Avec une note de 40 sur 100 (100 points signifie absence de corruption), la Tunisie est en dessous de la moyenne. «Un mauvais élève qui ne fait pas d'effort pour améliorer sa note», dénonce Achref Aouididi, président fondateur de l'organisation. «Le gouvernement de Mehdi Jomâa est le plus faible en termes de lutte contre la corruption depuis la révolution», a-t-il ajouté. Selon lui, si les gouvernements précédents avaient au moins des stratégies claires pour aller de l'avant dans la lutte contre toutes les formes de corruption, celui de Mehdi Jomâa n'est pas allé dans la même direction. Pour preuve, le président de I Watch critique le manque de volonté de la part du gouvernement actuel pour faciliter la tenue, en Tunisie, du 16e congrès mondial de Transparency International dédié à la lutte contre la corruption. Repoussé aux calendes grecques, le congrès devait se tenir au mois d'octobre 2014. Selon I Watch, la Tunisie a dejà mis sur la table 2,3 millions de dinars pour l'organisation du congrès. «Si cette rencontre mondiale, qui réunit plus de 2.000 experts internationaux, ne se tient pas en Tunisie, alors elle se tiendra dans un autre pays, avec l'argent du contribuable tunisien», a déclaré le président de l'organisation I Watch, avant d'ajouter qu'il a l'impression que le slogan du congrès — «Non à l'impunité» — «dérange» le gouvernement provisoire de Mehdi Jomâa. Laxisme et conflit d'intérêts Selon l'organisation I Watch, si la Tunisie a fait un bond en arrière en matière de lutte contre la corruption, c'est d'abord dû à la complicité passive des citoyens qui, selon une étude récente, ont du mal à percevoir les actes de corruption comme tels. Ensuite c'est le laxisme et le manque de volonté du gouvernement tunisien qui expliqueraient la dégringolade. «L'instance nationale de lutte contre la corruption est inopérante, il n'y a pas de cadre juridique protégeant les lanceurs d'alerte ni pour lutter contre les conflits d'intérêts», a estimé Soumaya Belaïd, directrice des programmes chez I Watch, qui rappelle que les lanceurs d'alerte sont les fonctionnaires qui disposent d'information sur la corruption en cours et qui décident, parfois au péril de leur vie, de tout révéler (Samir Feriani, fonctionnaire du ministère de l'Intérieur est l'un d'entre eux). Achref Aouididi, président de l'association, va plus loin, en pointant du doigt un certain nombre de possibles conflits d'intérêts, impliquant des membres du gouvernement et certaines entreprises, notamment dans le domaine de l'énergie. «M. Mehdi Jomâa, qui était ministre de l'Energie, a travaillé dans une filiale d'un groupe pétrolier, il n'aurait jamais dû accéder à ce poste d'ailleurs», explique Achref Aouididi. Il note également qu'en l'absence d'une législation adéquate contre ces conflits d'intérêts, plusieurs cadre d'entreprises publiques continuent à entretenir des liens avec un certain nombre d'entreprises privées. Il rappelle que dans les années 1970, plusieurs «golden boys» ont fait fortune alors qu'au départ, ils étaient employés dans des institutions publiques à l'instar de la Banque centrale.