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Aspirations et craintes des Tunisiens avec le début des travaux du nouveau parlement
Opinions - Plutôt qu'une IIème République, parlons de la IVème Constitution tunisienne et de l'ARP
Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 01 - 2000


Par Khaled Mongi TEBOURBI *
Il est difficile de croire que la nouvelle Constitution tunisienne du 26 janvier 2014 est la IIème Constitution de notre pays, après celle du 1er juin 1959. En réalité, notre nouvelle Constitution en est la IVème. Comment expliquer de tels erreurs historiques, négligences ou oublis ? Pourquoi donc faudrait-il effacer, voire dévaloriser notre riche patrimoine constitutionnel, comme nous le faisons consciemment ou inconsciemment. Nombreux sont les pays, voire des grandes puissances, qui nous envient d'avoir une préhistoire exceptionnelle, une histoire et une des plus brillantes civilisations de la planète Terre. Les historiens sont formels : après la Ière Constitution de Carthage datant du IIIème siècle avant J.-C. environ, il y a eu ensuite la IIème Constitution tunisienne du 26 novembre 1860 considérée comme étant la première Constitution du monde arabo-musulman, puis ce fut la IIIème Constitution du 1er juin 1959 et enfin la IVème Constitution du 26 janvier 2014. Dans ce cadre, il y a lieu de préciser et de rappeler le riche patrimoine constitutionnel de notre pays, digne des plus grandes civilisations, faisant de la Tunisie une des plus anciennes et grandes démocraties du monde, étant à noter que la « Révolution » du 14 janvier 2011 et le « Printemps arabe » qui a suivi ne sont sans doute pas tout à fait le fruit du hasard.
-1/ Aristote n'affirmait-il pas en effet que «Carthage est une des premières Républiques du monde, avec sa Constitution, son Sénat et son écriture héritée des Phéniciens » (sic). «Les Carthaginois sont bien gouvernés et à beaucoup d'égards, leur Constitution étant supérieure aux autres» (resic) ajoute admiratif l'écrivain grec Hérodote (330 avant J-C.) On peut donc dire, sans risque de se tromper, que la Constitution de Carthage est la première Constitution de notre pays, datant de trois siècles environ avant Jésus-Christ.
- 2 / Vient ensuite le Pacte fondamental, qui a été préalablement promulgué le 10 septembre 1857 par M'Hamed Bey, avant la Constitution tunisienne du 26 novembre 1860. C'est une véritable Déclaration des droits de l'Homme, applicable aux sujets du Bey et à tous les habitants de la Régence de Tunis : sécurité pour tous, égalité devant l'impôt et devant la loi, principe de l'organisation du service militaire. Le Pacte fondamental institue des tribunaux commerciaux et criminels mixtes et accorde le droit de propriété aux étrangers. Il confirme la liberté commerciale. Avec la promulgation de la Constitution qui a été instituée de 1860 à 1864, la Tunisie a été à l'avant-garde du monde arabo-musulman, grâce à cette Constitution promulguée par Mohamed Sadok Bey le 26 novembre 1860.
On peut ainsi affirmer, sans équivoque, qu'après la Constitution de Carthage, la Constitution du 26 novembre 1860 est la seconde Constitution tunisienne.
- 3 / Il va sans dire aussi que la Constitution du 1er juin 1959 (élaborée au lendemain de l'Indépendance le 20 mars 1956) est indéniablement la troisième Constitution de notre pays (après celle du 26 novembre 1860). - 4 / La Constitution du 26 Janvier 2014 est incontestablement la quatrième Constitution de la Tunisie, après celle du 1er juin 1959, au lendemain de l'Indépendance le 20 mars 1956. Il est donc faux d'affirmer que notre Constitution du 26 janvier 2014 est la seconde Constitution ou même de parler d'une IIème République. Ce qui est également faux historiquement. Il est tout à fait souhaitable d'éviter un tel raccourci historique et constitutionnel, qui dévalorise grandement notre riche patrimoine et l'Histoire incomparable de notre pays. « Rendons à César (entendez la Tunisie), ce qui appartient à César »(entendez naturellement à notre pays).
II/ Le mauvais exemple de la Constitution de 1959
Contrairement à ce que l'on peut imaginer, la dérive présidentielle tunisienne ne date pas hélas du 7 novembre 1987, mais date plutôt de 1959, date de la première Constitution tunisienne, au lendemain de l'Indépendance de notre pays acquise le 20 mars 1956, qui a été rédigée sur mesure, à l'entière convenance du premier président de la République tunisienne, Habib Bourguiba. Il faut bien reconnaître que la dérive présidentialiste, prémices d'une dictature était déjà présente dans le texte final de la Constitution de 1959, à l'instigation de l'ancien leader, devenu président de la République dès juillet 1957, allant jusqu'à se faire élire «président à vie» quelques décennies plus tard. Ce n'est en effet pas un secret, le projet de texte de la 1ère Constitution tel qu'il existait encore en 1958 a été profondément modifié selon des juristes de l'époque et des hommes politiques qui ont vécu cette époque. Ce texte a subi un toilettage qui l'a en effet amputé d'un certain nombre de paragraphes sur les libertés individuelles et publiques, renforçant fortement le régime présidentiel, ayant beaucoup perdu en termes de démocratie réelle et de justice indépendante...Souvenons-nous en effet que la première version de la Constitution tunisienne de 1959 élaborée dès 1957 était mi-parlementaire, mi-présidentielle, étant de ce fait parfaitement convenable. Il a suffi de modifier en 1957/58 quelques articles du projet de la Constitution de 1959, sur « recommandations » du premier président de la République tunisienne Habib Bourguiba, pour que cette première version constitutionnelle soit complètement transformée dans sa version définitive en 1959 en Constitution à forte domination présidentielle, comme l'a précisément voulu l'ancien président Bourguiba. La version définitive de la Constitution tunisienne de 1959, avec de surcroît les divers amendements constitutionnels inconsidérés et incongrus, n'était pas foncièrement démocratique et ne garantissait plus les libertés individuelles et publiques.
Le premier président du Néo-destour, Mahmoud Materi, était intervenu au moment de l'adoption de la Constitution de 1959 : «Monsieur le président de l'Assemblée constituante Jallouli Fares, je demande que l'article se rapportant à la liberté de pensée, d'expression, de presse, d'édition, de réunion et de constitution d'association soit modifié par la suppression de l'expression tel que stipule par la loi qui vide cet article de sa substance ». En effet, cette formule entrave la liberté pour laquelle nous avons lutté ». Il y a eu quelques prises de position courageuses à l'époque telles qu'elles ressortent des témoignages de Rachid Driss et de M. Chedli Klibi recueillis dans un film documentaire sur la vie de Mahmoud El Materi. Mais elles ne sont pas nombreuses. Ces réticences de quelques leaders politiques de l'époque n'avaient pas pesé lourd face au « rouleau compresseur » centralisateur «bourguibiste », qui a hélas marqué durant très longtemps notre Constitution de 1959. Il est évident que des manœuvres ont marqué l'élaboration de la première Constitution de la Tunisie indépendante, qui a été finalement orientée délibérément vers un régime présidentialiste fort, aux dépens de la démocratie, des droits de l'Homme, des libertés individuelles et publiques...Tout cela doit nous servir de leçon, nous appelant à être constamment vigilants.
III/ Renforcement de la dictature avec Ben Ali
D'apparence libérale à ses débuts, cette Assemblée était en effet vite devenue une simple chambre d'enregistrement des « desiderata » de l'instigateur du coup d'Etat du 7 novembre 87, le général Ben Ali, pour ne pas dire un instrument de sa dictature, au service de ses ambitions personnelles avec ses noirs desseins de mainmise sur les richesses du pays, de malversation, de corruption et de trafic de toutes sortes au profit de sa famille : les Ben Ali, de son épouse Leïla et de sa belle-famille : les Trabelsi et leurs proches. Force est de reconnaître aussi que l'ancien président déchu Z.A Ben Ali n'a pas gouverné tout seul le pays. Des constitutionnalistes, des juristes, ses proches collaborateurs, avec la complaisance, ou la complicité d'une flopée d'intellectuels, dont de nombreux universitaires et autres, des hommes politiques de tous bords et de vils courtisans au service de l'ancien dictateur Z.A Ben Ali, ont vite fait au lendemain du 7 novembre 1987, pour s'inspirer de la Constitution de 1959, introduire des dispositions antidémocratiques, « scélérates », en vue de renforcer encore davantage les pouvoirs du président de la République, aux dépens des membres du Parlement « benaliste » et faire glisser progressivement le pays dans une redoutable et détestable dictature.
Il est difficile de savoir quel serait le régime qui conviendrait le mieux à un pays qui vient à peine de sortir d'un demi-siècle de despotisme de Bourguiba et surtout de Ben Ali déguisé sournoisement en démocrate au lendemain du 7 novembre 1987 ? « Chat échaudé craint l'eau froide » : ce qui est certain, c'est qu'après le 14 janvier 2014, les Tunisiens ont rejeté formellement toute personnalisation excessive du pouvoir, le culte de la personnalité et les abus de pouvoir d'un seul homme ou de partis politiques. L'ancien leader Habib Bourguiba, pourtant bien aimé par ses compatriotes, qui a été le premier président de la République, s'était complètement métamorphosé en dictateur sénile après plus de deux décennies au pouvoir, s'y accrochant désespérément. Il faut donc éviter les dérives commises par Bourguiba et surtout Ben Ali, qui instaura purement et simplement une horrible et détestable dictature mafieuse, plus répressive encore que la précédente, voire sanguinaire, grâce au système du parti/Etat dominant, le RCD, avec la complicité de formations politiques inféodées. Plus tragique encore fut en effet le tout aussi long règne de 23 ans de l'ancien président déchu sanguinaire et mafieux, le général Zine El Abidine Ben Ali. Plus désolant encore a été la complaisance d'un grand nombre de hauts responsables, d'hommes politiques, de politiciens, ainsi qu'une horde de vils courtisans de tous bords complices, d'intellectuels, d'universitaires, d'hommes d'affaires, ou plutôt d'affairistes et autres durant plus d'un demi-siècle après l'Indépendance, pourtant chèrement acquise en 1956.
IV/ Des événements tragiques, de graves dérapages et de grossières erreurs de gouvernance, avec une sinistre propagation du terrorisme à travers la République
Nous ne nous attarderons pas sur les multiples difficultés rencontrées après le 14 janvier 2011, qui ont retardé et entravé l'élaboration de la nouvelle Constitution de janvier 2014, qui devrait en fait être rédigée initialement au cours d'une année. Nous passerons sous silence les obstacles faits au Dialogue national et de sa feuille de route et ce, suite aux refus persistants de participation et d'adhésion d'Ennahdha de M. Rached Ghannouchi et du Congrès pour la République de M. Moncef Marzouki au consensus national durant de nombreux mois, auquel ont adhéré tous les partis politiques, à deux ou trois exceptions près. On ne parlera pas non plus des graves événements survenus en Egypte avec le coup d'Etat du général Abdelfattah Sissi, qui ont eu indéniablement des répercussions dans le changement et le virage à 180 degrés de la politique et la stratégie de M. Rached Ghannouchi et de son parti, dominant alors la vie politique du pays. Après les démissions du premier gouvernement nahdhaoui de M. Hamadi Jebali au lendemain du sinistre assassinat de M. Chokri Belaïd, le consensus national instauré par le Quartet (composé de l'Ugtt, l'Utica, la Ltdh, l'Ordre national des avocats), a fini par porter ses fruits, avec également la démission sous contrainte du 2e gouvernement nahdhaoui de M. Ali Laârayedh, au lendemain de l'assassinat de M. Mohamed Brahmi, M. Laârayedh s'étant obstiné à s'accrocher coûte que coûte à son poste durant longtemps, en dépit des recommandations et des décisions du consensus national et de la Feuille de route. En dépit des couacs, des dérapages, des dépassements et des graves erreurs de gouvernance, M. Rached Ghannouchi est passé maître dans l'art et la « science » de « tirer les marrons du feu » et de bien se sortir des situations les plus difficiles.
Nous ne reviendrons pas non plus sur les graves et tragiques événements qu'a connu notre pays sur les odieux assassinats politiques des leaders de la gauche et martyrs : Chokri Belaid, Mohamed Brahmi et Lotfi Naguedh..., sur l'horrible tuerie des huit soldats de l'Armée nationale au Djebel Chaâmbi et les autres, ainsi que sur bien d'autres tristes et regrettables événements terroristes...Outre la sinistre et regrettable propagation de la violence et du terrorisme à travers le pays, on cite d'autres événements, comme les grandes manifestations qui ont eu lieu à travers toutes les villes de la République, notamment devant le siège de l'ancienne ANC à la Place du Bardo, la suspension des travaux de l'ANC par son président Dr Mustapha Ben Jaâfar. Il a fallu affronter et venir à bout de problèmes incommensurables, avant de parvenir au stade de la transition démocratique, qui a finalement abouti à l'adoption de la nouvelle Constitution, à la démission du IIème ministère nahdhaoui, celui de M. Ali Laârayedh, et à la formation d'un gouvernement de technocrates dirigé par une personnalité indépendante, M. Mehdi Jomaâ. Faudrait-il rappeler, que les dirigeants nahdhaouis et du CPR ne voulaient en aucune façon entendre parler d'un gouvernement de technocrates. M. Rached Ghannouchi et son parti sont allés jusqu'à désavouer l'ancien Premier nahdhaoui M. Hamadi Jebali, qui était pourtant secrétaire général d'Ennahdha, qui avait pris l'initiative de former un gouvernement de technocrates. Faute d'avoir obtenu l'accord de son parti, il fut contraint à la démission. Ennahdha avait également résisté durant très longtemps, s'étant obstiné à ne pas céder les ministères de souveraineté de l'Intérieur, de la Défense nationale et des Affaires étrangères et ce, en dépit des dérapages, des dépassements et des graves erreurs de gouvernance, qui avaient abouti à la propagation du terrorisme dans notre pays. Il était également indéniable que la légitimité de l'ANC et de la Troïka au pouvoir était devenue tout à fait contestable un an après son élection, soit au lendemain du 23 octobre 2012.
Les principaux partis de cette période, dont Ennahdha parti alors dominant la scène politique, Ettakatol et les autres grands partis tunisiens au nombre de douze s'étaient formellement engagés par écrit à rédiger le texte constitutionnel en une année. L'ancienne Troika avec ses alliés minoritaires le CPR et Ettakatol, présidée « haut la main » par M. Rached Ghannouchi, devenu « l'homme fort du régime » au lendemain des élections du 23 octobre 2011 s'était évertuée à se maintenir indéfiniment au pouvoir. Au lieu de s'attacher principalement, voire exclusivement durant toute une année à la rédaction de la Constitution, pour laquelle ils ont été pourtant élus, la Troïka s'est arrangée, pour s'incruster au pouvoir, à la tête à la fois du gouvernement, de la présidence de la République, ayant de surcroît la majorité à l'ancienne ANC, «Ennahdha et ses deux alliés ont ainsi traîné les pieds» indéfiniment, s'étant arrangés pour demeurer au pouvoir le plus longtemps possible, soit durant une période de près de trois années.
V/ La finalisation de la nouvelle Constitution du 26 juin 2014 fort tardive, mais salutaire, avec les efforts louables du Quartet et de la société civile, a permis à la Tunisie de ne pas chuter «in extremis» au fond du fatal «trou noir»
Sans doute aussi que le premier projet de la Constitution de l'après-14 janvier 2011 était ainsi loin d'être satisfaisant, notamment au niveau du respect de la liberté de conscience, des libertés individuelles et publiques et de l'instauration d'une démocratie véritable. Il n'en demeure pas moins vrai aussi que l'Assemblée des représentants du peuple a succédé le 26 janvier 2014 à l'ancienne Assemblée nationale constituante (ANC), dont le principal, voire l'unique objet, était spécifiquement la rédaction d'une nouvelle Constitution. Souvenons-nous aussi que les Tunisiens avaient accueilli avec la même ferveur les élections du 23 octobre 2011, qui ont été les premières consultations électorales démocratiques, libres et transparentes que la Tunisie n'avait jamais connues auparavant. Les deux assemblées nationales successives issues respectivement des élections du 23 octobre 2011 et du 26 octobre 2014, il faut bien le reconnaître, n'ont aussi rien à voir avec la Chambre des députés de l'ancien régime benaliste, dont les membres avaient été élus au lendemain du coup d'Etat dit «médical» du 7 novembre 1987 conduit par l'ancien président déchu Zine Abidine Ben Ali. Tout démocrate ne pouvait que se féliciter de l'arrivée d'Ennahdha au pouvoir par les urnes. De la même façon, on ne peut qu'approuver le vote des Tunisiens au suffrage universel, qui ont décidé l'alternance politique, le peuple étant souverain au sein de toute démocratie digne de ce nom.
Tout un chacun peut se réjouir de la naissance de la nouvelle Chambre des députés, dénommée plus exactement Assemblée des représentants du peuple (ARP), issue des dernières élections législatives du 26 octobre 2014. Il n'en demeure pas moins vrai que la dénomination « Chambre des députés » qui avait alors été adoptée sous l'ancien régime « benaliste » a laissé de trop mauvais souvenirs, pour que cette appellation soit retenue de nouveau. Sans doute aussi qu'il aurait été possible, voire souhaitable, de choisir plutôt l'appellation «l'Assemblée des élus du peuple». C'est évidemment une question de nuance, car les honorables députés ou représentants du peuple au sein de cette noble et nouvelle Assemblée ne peuvent se prévaloir de cette qualité que pour une seule et simple raison : celle d'être les élus du peuple tunisien au suffrage universel. Encore faut-il espérer qu'en cette qualité, ils œuvreront constamment et réellement dans le sens des aspirations profondes et des préoccupations réelles du peuple Tunisien.
VI/ Une course effroyable vers le pouvoir, avec de nombreux couacs et dépassements
Il paraît par ailleurs évident que le choix d'un président consensuel durant longtemps, obstinément défendu « contre vents et marées » par M. Rached Ghannouchi et par les dirigeants politiques nahdhaouis, n'aurait pas d'autre but que de se maintenir « coûte que coûte » au pouvoir, ne serait-ce que par le truchement du fidèle allié, le président sortant M. Moncef Marzouki, candidat du CPR. La proposition persistante de M. Rached Ghannouchi et des dirigeants nahdhaouis d'un président de la République « consensuel » et d'un gouvernement d'union nationale d'une part, qui n'a d'ailleurs pas enthousiasmé les autres partis politiques et le soutien indéniable en « catimini », mais volontariste et efficace à l'endroit de leur poulain et allié M. Moncef Marzouki, n'est rien d'autre que la volonté obstinée d'Ennahdha de ne pas quitter le pouvoir, refusant ainsi l'alternance au pouvoir, qui est pourtant une règle intangible ou principe de droit constitutionnel et en sciences politiques, incontournable. M. Rached Ghannouchi n'avait-il pas indiqué « craindre que les partisans d'Ennahdha soient contraints à l'exil, faire l'objet de poursuites judiciaires et qu'ils soient de nouveau jetés en prison, s'ils venaient à quitter le pouvoir »? On ne peut pas s'empêcher de penser aussi aux propos de M. Rached Ghannouchi, lorsqu'il affirmait que le gouvernement nahdhaoui de « M. Ali Laârayedh avait démissionné, mais que son parti Ennahdha ne quittait pas pour autant le pouvoir », faisant sans doute jadis allusion au maintien de l'ancienne Troïka au sein de la puissante instance d'alors, l'ancienne ANC. Le président d'Ennahdha avait alternativement déclaré au lendemain des élections législatives du 26 octobre 2014, qui ont octroyé à Nida Tounès une prédominance dans le nouveau parlement, que son parti « Ennahdha se situe dans l'opposition ». Cela ne l'a pas empêché d'indiquer aussi que son parti était disposé à participer à un gouvernement d'union nationale présidé par Nida Tounès, les dirigeants nahdhaouis, tous convertis à présent en colombes et en bons samaritains, ont caressé l'espoir de faire partie du prochain gouvernement dirigé par Nida Tounès.
Est-il cependant possible de croire qu'en dépit de la consigne officielle d'abstention nahdhaouie vis-à-vis des 37 candidats du premier tour à la présidence de la République, alors même que les Tunisiens ont vu à la TV appelant « a contrario » et paradoxalement les partisans d'Ennahdha soutenir la candidature de l'allié traditionnel de l'ancienne Troïka : M. Moncef Marzouki, président et fondateur du CPR tant au niveau du discours, ce qui n'est pas suffisant au niveau de la parole, mais qui doit normalement se traduire dans la réalité des choses. Il ne suffit pas de déclarer sa neutralité vis-à-vis de tous les candidats au niveau du discours, cela doit se traduire dans les faits. Très nombreux sont ceux qui soutiennent fermement que M. Marzouki, président sortant provisoire de la République, a effectivement bénéficié de la logistique, du système et de la machine électorale d'Ennahdha à travers ses locaux dans les diverses régions, zones, villes et villages implantés à travers toute la République. Comment expliquer aussi qu'alors que son parti le CPR, n'a recueilli que 2 pour cent des voix lors des élections législatives avec 2 députés au sein du nouveau Parlement, puisse obtenir comme d'un « coup de baguette magique » 33 pour cent des voix des électeurs tunisiens ? Est-ce un hasard ? Les chiffres, les observateurs et les commentateurs politiques sont formels, déclarant que la grande majorité des partisans d'Ennahdha ont effectivement accordé leurs voix au président sortant, candidat à l'élection présidentielle, M. Moncef Marzouki. Ce qui est leur droit le plus absolu. Ce qui est contestable, voire complètement contestable, est le double discours permanent, les arrière-pensées, les « non-dits », les faux semblants, les « demi-mensonges », pour ne pas dire les flagrants mensonges. C'est cela, qui est fort regrettable.
Dans cet ordre d'idées, il serait difficile de croire, compte tenu de l'expérience et de l'exercice du pouvoir de l'ancienne Troïka et d'Ennahdha, que M. Rached Ghannouchi, qu'Ennahdha et son « Majless Echoura » changeront de position au second tour, en vue de la magistrature suprême et qu'ils finiront par renoncer à soutenir leur allié naturel en la personne de M. Moncef Marzouki. Dans le cas contraire, si les dirigeants nahdhaouis décident en paroles et en faits, c'est-à-dire en réalité, d'apporter leurs voix à l'un ou l'autre des deux candidats à la présidence de la République, pourquoi pas à M. Moncef Marzouki, il faut que M. Rached Ghannouchi et les autres dirigeants nahdhaouis le disent tout haut, franchement, sans détour et sans arrière-pensées. Ce qui est évidemment leur droit le plus absolu. Il est difficile d'imaginer qu'Ennahdha, puisse modifier réellement dans les faits sa position, en dépit de tous les discours et des paroles des dirigeants nahdhaouis, pouvant prétendre que le parti Ennahdha est neutre et qu'il ne soutient aucun des deux candidats. Il serait en effet erroné de le croire. Après avoir obtenu le poste de premier vice-présidence du Parlement en la personne de M. Abdelfattah Mourou, vice-président d'Ennahdha, ce mouvement politique qui a l'avantage de compter des adhérents disciplinés et solidaires entre eux est le deuxième parti du pays, demeurant incontestablement « un passage obligé » dans la vie politique du pays, quoi qu'on en dise. Il semble bien qu'il ne saurait renoncer en aucune façon à l'un des pouvoirs de l'exécutif, soit de la présidence de la République, même par le biais de son allié « naturel » et traditionnel de la Troïka M. Moncef Marzouki. M. Rached Ghannouchi et son parti ne peuvent que se féliciter et s'enorgueillir du nombre de voix obtenues lors du premier tour de la Présidentielle par leur protégé : le président sortant M. Marzouki, qui lui aussi, n'a jamais renoncé à l'appui nahdhaoui tout aussi crucial pour lui, celui-ci ayant obtenu le score appréciable de 33 pour cent, contre 39 pour cent pour son rival, M. Béji Caïd Essebsi.
VII/ Surmonter les graves crises politique, économique, sociale et autres...
Après l'élection jeudi 4 décembre 2014 du nouveau président de l'Assemblée des représentants du peuple, candidat de Nida Tounès, M. Mohamed Ennaceur, et du Ier vice-président, candidat d'Ennahdha, M. Abdelfattah Mourou, et de la 2ème vice-présidente, Mme Fawzia Ben Fodha de l'Union patriotique libre (UPL), on peut dire, à la lumière des résultats des élections législatives du 26 novembre 2014, que le parti de M. Rached Ghannouchi est le principal bénéficiaire au sein du nouveau Parlement, la présidence de la commission des finances lui ayant été de surcroît attribuée en la personne de M. Slim Besbes. Pourtant l'image de marque d'Ennahdha s'est détériorée très sensiblement, en raison essentiellement de l'usure du pouvoir et aux graves dérapages et erreurs de gouvernance sous le « règne quasi absolu » de l'ancienne Troïka au pouvoir, ayant indéniablement beaucoup perdu en nombre d'adhérents et de sympathisants lors des élections législatives du 26 novembre 2014 en comparaison des élections du 23 octobre 2011. Le parti de M. Rached Ghannouchi « se sent pousser des ailes » de nouveau, se découvrant de nouvelles ambitions, allant jusqu'à revendiquer la présidence de la toute nouvelle Assemblée des représentants du peuple. Est-ce dire aussi que la troisième force, à savoir le Front populaire de M. Hamma Hammami, est pour autant le grand perdant ? Il est évident qu'il est trop tôt, pour en tirer des conclusions. Outre l'organigramme et l'organisation du travail de l'Assemblée, les représentants du peuple sont appelés à travailler avec le pouvoir exécutif (gouvernement et président de la République), les autres acteurs de la vie politique, publique, privée, sociale, économique, syndicale, associative et autres, à faire face aux nombreux défis, d'élaborer des programmes et des stratégies à court, moyen et long terme dans les divers secteurs, industriel, technologique, agricole financier, fiscal, des services, de l'investissement interne et étranger, de l'économie informelle, de la formation professionnelle, de l'emploi, de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique et autres...M. Béji Caïd Essebsi a sans doute raison de déclarer à l'occasion du 62e anniversaire de la mort du grand leader nationaliste et syndical Farhat Hached : « Il n' y a pas de sortie de crise, sans l'union de toutes les forces, sans exclure aucune partie ». Il faudra une bonne gouvernance, beaucoup d'imagination et d'audace et accomplir un travail colossal, des prouesses, voire des miracles, pour sortir le pays de la grave crise dans laquelle il se trouve.
VIII / Une nouvelle ère pour notre pays ? oui, mais...
D'aucuns n'excluent pas d'ores et déjà de modifier certaines clauses de la nouvelle Constitution de janvier 2014. Il est certes tôt d'envisager d'introduire présentement des amendements. Afin d'éviter toute dérive, tout dérapage autoritariste et tout dépassement dictatorial, pouvant changer la nature démocratique et républicaine de la Constitution, tout amendement et toute modification y afférent, ne devrait se faire que sous réserve de certaines conditions. Ils devraient d'abord respecter expressément l'esprit et la lettre de la présente Constitution, recueillir l'accord de l'ensemble des Tunisiens, pourquoi pas, en recourant au référendum. Le Conseil constitutionnel qui sera créé prochainement devrait y veiller scrupuleusement. Les divers organismes de la société civile et tous les autres acteurs de la vie politique, sociale, économique, syndicale, patronale, associative et autres auront un rôle important en ce sens. Autre fait saillant de cette transition démocratique : le Dialogue national mené avec brio par le Quartet, qui a abouti au consensus national et sa «feuille de route» et permis à notre pays de sortir de la très grave crise qu'il a traversée au lendemain du 14 janvier 2011. Mais on peut dire d'ores et déjà que tout consensus ne devrait pas permettre de remettre en cause l'esprit et la lettre de notre Constitution.
IX / Vers un bicaméralisme modérateur salutaire ?
On peut regretter l'absence du bicaméralisme dans le mécanisme institutionnel tunisien, c'est-à-dire de deux assemblées parlementaires, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, aux USA, en France et ailleurs. C'est là sans doute une des faiblesses de notre Constitution. Seuls l'exercice du pouvoir législatif, l'expérience vécue à terme et la pratique de tous les jours pourront nous édifier sur cette question institutionnelle cruciale. Car avec une seule Chambre d'élus de la nation, il n'y a pas de contre-pouvoir au niveau du pouvoir législatif, d'où le risque d'hégémonie, voire de « diktat » des parlementaires d'une chambre unique législative. Seul un contre-pouvoir, peut arrêter tout abus de pouvoir, qui constitue une règle d'or de la démocratie. L'idée de transformer le Conseil économique et social en deuxième Assemblée nationale, qui pourrait prendre le nom d'Assemblée nationale économiques et sociale est fort intéressante et judicieuse, compte tenu de l'impératif urgent de développement social, régional, éducationnel, économique, industriel, écologique, scientifique, technologique et autres... Il est non moins évident que l'adoption de la nouvelle Constitution du 26 janvier 2014 constitue un fait historique important. C'est à la fois un compromis et un tour de force certes très tardif, mais ô combien salutaire pour le pays. Il n'en demeure pas moins vrai que les autres acquis du Dialogue national sont indéniables, avec précisément la mise en œuvre de cette nouvelle Constitution tunisienne qui, selon les experts, garantit inexorablement les libertés individuelles et publiques et instaure la démocratie en Tunisie, que certains en Tunisie, mais aussi à l'étranger, qualifient volontiers comme étant «une des meilleures constitutions du monde». Laissons plutôt le temps à cette nouvelle Assemblée de faire ses preuves... La nouvelle Assemblée des représentants du peuple (ARP) est appelée, avec le pouvoir exécutif représenté à la fois par le président de la République et le chef du gouvernement, les partis de l'opposition et les autres acteurs de la vie politique, économique et sociale, à accomplir des prouesses, voire à « réaliser des miracles », afin de sortir notre pays de la grave crise dans laquelle il se trouve. Nous reprenons pour notre part ce que déclarait le Général de Gaulle : « Il ne faut pas insulter l'avenir », tandis que l'ancien président François Mitterrand affirmait : « Il faut laisser du temps au temps ». En tant que simple citoyen parmi les Tunisiens, aimant comme eux notre pays, la Tunisie, qui a besoin en cette période difficile du travail, de l'abnégation et des efforts de tous ses enfants, puis-je dire, ou rappeler à mes compatriotes, notamment à ceux qui revendiquent les nobles valeurs islamiques, que le travail est prière et une vertu suprême sacro-sainte de la religion musulmane. A bon entendeur, salut !
* (Universitaire, politologue et journaliste)


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