Les négociations entre l'ATIR et la CNAM aboutissent à un résultat bluffant : la CNAM charge un comité de réflexion pour trouver une solution au problème. Entre-temps, des vies sont en péril. Ils ont raté une séance de dialyse et sont venus de tous les recoins du pays pour protester contre l'imposition désormais, par la Chambre nationale syndicale des cliniques privées de dialyse de la tarification syndicale, équivalant les 150DT pour la séance. Ne reconnaissant pas le recours à cette tarification, la CNAM restreint sa responsabilité en ne prenant en charge que les 87DT routiniers depuis les années 70. Ce qui contraint les insuffisants rénaux soumis au traitement par hémodialyse à devoir payer 63DT par séance ; un montant qui ne peut être supporté par les malades dont la plupart sont inactifs, sans revenus, voire au-dessous du seuil de la pauvreté. La foule a répondu «présent» à l'appel de l'Association tunisienne des insuffisants rénaux ( ATIR ). Après avoir frappé à toutes les portes et tiré la sonnette d'alarme, l'ATIR avait annoncé, au préalable, l'organisation d'un sit-in en guise de protestation et de revendication du droit à la santé, à la vie. Le sit-in a eu lieu, hier, au siège de la CNAM. Il convient de rappeler, d'emblée, que l'insuffisance rénale figure bien sur la liste des maladies bénéficiant d'une prise en charge totalement par l'Etat et, par conséquent, par l'organe chargé de l'assurance maladie, à savoir la CNAM. La terreur ! Alors qu'il pleuvait des cordes dehors, l'espace de réception à la CNAM situé à Montplaisir, s'embrase, sous l'effet de la colère et de l'affolement des malades. Une foule de patients, accompagnés par leurs proches, scande des slogans de protestation et de revendication les plus légitimes. Mlle Faten Ben Salem est originaire de Nabeul. Elle a 31 ans et 21 ans de dialyse. «Je suis dialysée depuis 1995, à raison de trois séances par semaine. Je résiste tant bien que mal durant les week-ends dans l'attente de la prochaine séance de dialyse. C'est que mon organisme a un besoin vital de ce traitement lourd. Aujourd'hui, la dialyse — ou l'oxygène des insuffisants rénaux — risque de nous être inaccessible, ce qui m'expose, ainsi que mes semblables, à un danger de mort», avance-t-elle, affolée. Faten réclame, sur un ton irrité le droit d'être soutenue par l'Etat. «Nous sommes des personnes dont l'état de santé implique une attention particulière de la part de l'Etat. Nous avons besoins d'aide car nous sommes dans la précarité et nous sommes privés de vivre une vie normale», ajoute-t-elle. Le nom de Faten figure le premier sur la liste des personnes dans l'attente d'une greffe de rein. Une greffe qui tarde à venir ... M. Mohamed Zelfani est un senior dialysé depuis une bonne quinzaine d'années. Il souffre, en outre, de diabète et d'hypertension artérielle. Il s'étonne de la crise explosée comme une bombe menaçant la vie des insuffisants rénaux. «Jamais je n'aurais cru vivre une telle situation. Les insuffisants rénaux sont dans l'obligation de se soumettre à la dialyse trois fois par semaine, à raison de cinq pénibles heures par séance. Maintenant, nous sommes menacés d'une mort imminente, consentie par les autorités », souligne-t-il. De son côté, Néjib Fathallah décortique les indices du désengagement progressif des cliniques privées de dialyse. «Nous avions l'habitude de bénéficier de bilans mensuels complets. Récemment, les cliniques privées de dialyse nous ont informés qu'il serait, désormais, procédé à un seul bilan portant sur un aspect en particulier, à savoir des radiologies, des échographies, un bilan squelettique ou encore un électrocardiogramme», fait-il remarquer. M. Béchir Saïden ne peut quitter sa chaise roulante. Il s'est déplacé de la région de Bousalem. Son statut de personne en situation de handicap lui garantit une bourse de 200DT qui subvient, tout juste, à ses besoins les plus élémentaires. La tarification syndicale représente un cauchemar éveillé pour ce monsieur. «Je suis incapable de payer 63DT par séance, et je suis loin d'être un cas particulier. A Bousalem, quelque 90 personnes sont sous dialyse. Des personnes dont les conditions de vie sont lamentables et précaires», indique-t-il. Notre interlocuteur fait remarquer que l'unité de dialyse prenait en considération la situation accablante des malades. Ces derniers bénéficiaient d'un repas digne de ce nom, leur permettant de résister aux quatre heures de supplice nécessaires. Mais depuis quelques années, seuls un pot de yaourt et un cake leur sont permis...Lors d'un entretien préalable avec le Dr. Tarek Enneifer, président de la Chambre nationale syndicale des cliniques privées de dialyse, le responsable avait précisé que ces repas et goûters entrent dans le cadre d'actions à caractère social, voire volontaire et ne sont point exigées par la loi. M. Abderrazek Malki est traité à l'unité de dialyse située à la cité Ettadhamen. Il a déjà du mal à supporter sa condition de malade et de personne au chômage. La santé de Abderrazek est critique. Il a subi une opération à cœur ouvert. Pour lui, si les choses continuent à mal tourner, si l'Etat continue à faire l'autruche, il procédera à une solution ultime : le suicide par immolation. Il est à noter que l'unité de dialyse de la cité Ettadhamen se charge du traitement de 120 patients. Mlle Aïcha Khlifi est originaire de Kasserine, plus exactement de la localité Laâyoun. Elle fait partie d'une famille de quatre personnes, toutes dépendantes d'une pension de retraite rudimentaire de 100DT par mois. «Nous sommes 75 insuffisants rénaux à être traités par hémodialyse à l'unité privée de dialyse. Nous sommes tous dans l'incapacité totale de payer cette différence. Nous bataillons tant bien que mal pour survivre», souligne-t-elle. A noter qu'outre l'Atir, deux associations régionales de Gabès et de Kasserine ont participé au sit-in. Parallèlement, des sit-in régionaux ont été opérés simultanément à Médenine, à Djerba et à Gafsa. La direction de la CNAM a convié les responsables du sit-in powur négocier. Le résultat semble bluffant : «La CNAM nous a promis de réfléchir au problème. Elle a chargé un comité de réflexion à cet effet sans pour autant donner une date limite pour résoudre ce problème vital. D'ici là, le cauchemar de la tarification syndicale continuera. Ce qui affirme une catastrophe annoncée», indique M. Ridha Hmila, président de l'ATIR.