Par M'hamed JAIBI Parti conçu, autour de Béji Caïd Essebsi, comme un très vaste regroupement de citoyens et de militants visant à rééquilibrer l'échiquier politique du pays suite au raz-de-marée nahdhaoui du 23 octobre 2011, Nida Tounès est aujourd'hui appelé à mener victorieusement une toute autre bataille, celle de la reconstruction nationale. Une coalition la plus large Et, pour cette bataille, le parti doit former une coalition la plus large, d'abord avec ses alliés naturels, mais également avec ses adversaires d'hier porteurs d'une idéologie propre et d'un projet de société distinct. Or, et malgré sa victoire électorale, le parti n'a pas vraiment fini de dégager son compromis interne et d'asseoir la légitimité de ses élites nationales et régionales. Certes, les différents courants internes se sont mutuellement intégrés en une large mouvance unifiée acquise au volumineux programme économique et social du parti, sous la houlette d'un leader charismatique faisant l'unanimité, mais il est clair que, malgré les exigences pragmatiques et les reclassements qu'imposent la situation du pays et la realpolitik, les sensibilités et les réflexes persistent autant que les présupposés alignements que l'on impute aux uns et aux autres. Un vaste rassemblement autour de Caïd Essebsi En fait, malgré le petit bout de chemin parcouru, Nida Tounès n'est en réalité qu'un très vaste rassemblement de citoyens et de militants autour de Caïd Essebsi, ayant répondu «présent» à son appel du 26 janvier 2012 et s'étant engagés dans la ligne unitaire du mouvement, celle de la synthèse opérée par le leader lui-même. Les attentes et les hésitations autant que les déclarations et réactions recueillies çà et là auprès des nidaïstes dégagent cette nette sensation d'incertitude et de dualité lexicale due à des écoles de pensée différentes. Syndicalistes et ex-gauche mal vus En regard, les petites phrases d'Ennahdha et les avis de ses facebookers sur des leaders du parti présidentiel remplissent allègrement les points de suspension : syndicalistes et ex-militants de gauche actuellement à Nida Tounès sont vus d'un mauvais œil par les nahdhaouis qui appellent au «compromis historique». Ceux-ci voudraient un Premier ministre indépendant ou, en tout cas, pas Taïeb Baccouche. A contrario, le Front populaire attend le moindre signe dans sa direction de la part de Nida. Ahmed Seddik ne cesse de rappeler que Nida Tounès n'a pris, à ce jour, aucun contact avec le Front populaire en vue de la formation du gouvernement. Or le FP souhaite une alliance «sur la base d'un programme», sachant que le sien est naturellement marqué â gauche (pas de privatisation, opérer certaines nationalisations, annuler les dettes nationales, ne pas toucher à la compensation, relancer la consommation interne...). Un choix au sommet ? Dans le flou actuel sur les intentions précises pouvant être attribuées à Nida Tounès, le Front populaire et le mouvement Ennahdha s'accrochent à des signaux aux antipodes les uns des autres. Personne ne sait vraiment comment se fera, en définitive, le choix du futur chef de gouvernement, au sein du Comité fondateur de Nida, en concertation avec les alliés potentiels ou par le chef de l'Etat et ses proches ? Mais que l'on finisse par choisir un nidaïste ou un indépendant, les rangs de Nida Tounès resteront bien serrés derrière Caïd Essebsi, qu'ils considèrent comme leur dénominateur commun, mais les différentes options ne seraient pas perçues indifféremment auprès des alliés potentiels, et notamment le Front populaire et Ennahdha. Moins auprès de Afek Tounès et de l'Union patriotique libre, lesquels escomptent surtout une participation effective au gouvernement, quelle que soit l'obédience de son chef.