Le métier de bouquiniste ou de libraire est exercé par une poignée de courageuses personnes mues beaucoup plus par l'amour du livre que par le gain. Cela nous avait fait plaisir de voir le jeune garçon se précipiter sur la revue étrangère illustrée, pour la brandir, fou de joie, au nez de sa mère qui s'empressa d'aller la payer à la caisse. Nous l'étions beaucoup moins, lorsqu'à la sortie, dans la poubelle, nous avions vu l'illustré encore à moitié ensaché, mais duquel manquait le cadeau. Le gamin avait acheté le périodique non pas pour le lire mais bien pour jouer avec une sorte de pistolet à eau qui y était offert. Sa mère ne semblait pas avoir insisté et savait à l'avance que son fils n'allait pas lire ce périodique payé assez cher et qu'elle n'avait acquis que pour satisfaire des caprices de gamin gâté. Combien d'enfants, de jeunes s'empressent-ils de rentrer à la maison pour reprendre l'histoire, le conte, le roman qu'ils avaient délaissé pour aller à l'école ? Dans combien de classes, dans combien d'écoles existe-t-il une bibliothèque ? Combien de petits contes, de livres lit un élève ou un étudiant en moyenne? Les statistiques sont malheureusement plus que décevantes, et rien ne semble être fait pour encourager nos enfants, nos jeunes à la lecture. Même les «foires» que l'on organise ici ou là ne sont pas suffisantes. Pis, elles sont de plus en plus désertées et les chiffres que l'on brandit pour essayer de prouver que «c'était mieux que l'année d'avant» ne sont en rien un motif de satisfaction. L'enfant tunisien, l'enfant arabe en général, ne lit presque plus, et cela se répercute sur l'aspect culturel de toute une nation. Les bouquinistes qui, jadis, engageaient des étudiants pour les aider à servir leur clientèle, se comptent de nos jours sur les doigts d'une seule main. Héritiers des livres et manuels scolaires utilisés, ils étaient un recours pour les petites bourses et ceux qui voulaient se cultiver au moindre coût. Libraire qui veut Les libraires, quant à eux, complètement asphyxiés par l'envahissement des grandes surfaces et les « librairies » improvisées qui, sans aucun contrôle, n'ouvrent leurs portes qu'en période de rentrée scolaire, sont de plus en plus difficiles à trouver. Il faudrait faire de longs détours pour en dénicher une, le plus souvent mal achalandée car le propriétaire, échaudé par les pertes occasionnées par l'amenuisement de la clientèle, hésite à renouveler ses stocks. Par voie de conséquence, le métier de bouquiniste ou de libraire n'est plus exercé que par une poignée de courageuses personnes mues beaucoup plus par la conviction et l'amour du livre que par le gain. Elles sont mal payées en retour. Elles souffrent et voient leur métier péricliter au fil des ans. A la rentrée, et alors que cette période est pour ainsi dire la «saison des libraires», le chiffre d'affaires plonge effroyablement : tout le monde vend des cahiers et des livres. Les grandes surfaces, dont les prix n'ont rien d'avantageux, se sont engouffrées dans la brèche. Les revendeurs commercialisent, quant à eux, des marchandises à l'origine incontrôlée et en dépit de tout bon sens, offrent des produits, souvent nocifs au su et au vu de tout le monde. Le marchand de beignets se métamorphose en libraire et même s'il a de la peine à déchiffrer une liste, il fourgue sa marchandise à des prix incroyables. Dans ces conditions, comment peut-on assurer la survie des libraires et des ...bouquinistes, surtout qu'on ne lit plus et que les manuels scolaires sont à trous et qu'une fois utilisés, ils sont bons à jeter parce que les enseignants refusent que l'on utilise des crayons et insistent pour le stylo. Un livre devient forcément inutilisable et le temps où toute une famille s'en servait tient des contes de fées. C'est un problème sur lequel il faudrait revenir au vu des conditions économiques que vit le pays. Le rôle des foires et des...enseignants Il fut un temps où les foires étaient une occasion unique pour acheter des livres. C'était aux temps de la ...prohibition, et alors qu'il était interdit de faire entrer et de vendre un livre portant sur la religion par exemple. Aujourd'hui, ce genre de productions est en vente libre tout au long de l'année. On peut en trouver partout. Cela revient à dire qu'on va à la foire beaucoup plus par curiosité que pour acheter. Les chiffres de vente sont, depuis quelques années, en chute libre. Beaucoup de libraires hésitent ou ont cessé de participer pour exposer leur produits à la foire parce qu'ils craignent l'engagement de frais importants qui pèseront sur leurs revenus déjà bien mis à mal. Ils n'y trouvent pas leur compte en raison du renchérissement graduel de la location des stands. Bien des libraires laissent de leurs poches et comme on est loin des arguments publicitaires, les relations sont à revoir paisiblement entre les organisateurs et les représentants de cette corporation, en tenant compte que le marché du livre est avant tout un marché qui vise à propager le savoir. C'est pour cette raison qu'indépendamment de tous ces aspects commerciaux et financiers, la lecture pose problème et on ne saurait le régler sans associer les enseignants et le corps pédagogique, ainsi que les producteurs de livres. Question de timing On doit dynamiser les bibliothèques à l'école, encourager la lecture et se laisser convaincre que ce n'est question ni de circulaires, ni de décisions administratives : c'est une question de conviction. Indépendamment de cela, et d'après les professionnels du métier, pour une question de timing, la foire du livre pour enfants qui précède la grande foire du Kram, laisse des traces. Le marché auquel on invite les amateurs de lecture étant en nette régression, il est devenu un véritable risque pour y participer. La Foire du livre devrait donc être repensée en collaboration avec les gens du métier, à moins que l'on considère que l'aspect commercial est prioritaire. Les chiffres qui devraient intéresser sont bien ceux des chiffres de vente et du nombre de périodiques, contes, livres et autre manuels pédagogiques vendus. Les remises sur les prix sont également à discuter entre professionnels car les prix sont assez élevés et n'encouragent pas les pères de famille, en dépit de toute la conviction dont ils sont animés pour aller s'y approvisionner et ...se cultiver à bon marché.