Des filières de l'agrobusiness et des activités rattachées au secteur minier figurent dans l'agenda des prochaines rencontres entre les entrepreneurs tunisiens et chiliens Peut-on parler d'opportunités d'affaires entre deux pays géographiquement très lointains et dont la balance commerciale affiche seulement 4 millions de dinars, un niveau peu satisfaisant, ne serait-ce que pour une seule PME ? Pour le directeur de l'agence de promotion des exportations chiliennes, M. Roberto Paiva, la réponse est positive. Il s'est montré confiant dans l'efficacité de la stratégie et des mécanismes mis en place pour stimuler le rythme des affaires entre les deux pays, lors d'une rencontre avec La Presse à l'occasion de sa visite de travail en Tunisie. Pour argumenter sa réponse, il s'est appuyé sur l'historique de l'évolution des échanges de son pays avec la Chine, désormais première destination des produits chiliens avec environ 25% du volume global des exportations du pays latin, alors que la balance bilatérale affichait néant en 1990. Désormais, le Chili se positionne, de toute évidence, comme une plateforme adéquate pour mener des stratégies de développement des affaires sur le marché chinois, ajoute-t-il. Ouvrant sur le Pacifique, les fréquentes lignes maritimes entre le Chili et la Chine permettent d'acheminer les marchandises dans un délai moyen de onze jours, selon le directeur de ProChile. Ces lignes, précise-t-il, sont plus sécurisées que celles passant par d'autres régions du monde, faisant allusion au risque de piraterie dans le large de la Somalie et au golfe d'Aden, passage maritime obligé pour servir la Chine. Mieux encore, à partir du Chili, l'entrepreneur bénéficie d'une multitude d'accords de libre-échange avec des pays asiatiques, à l'instar du Japon et de la Thaïlande, ainsi que d'autre pays de l'Océanie, notamment l'Australie. Sans parler des pays des deux Amériques. En somme, le Chili a ratifié 24 accords de libre-échange avec 62 pays représentant 87% du Pib mondial, rappelle-t-il, fruit d'un processus d'ouverture engagé par son pays. Un tel positionnement dans l'échiquier économique international a permis au Chili de seconder le Brésil, le géant latin, dans le classement des IDE en 2012 et 2013. Cette affluence des investissements est un argument de plus pour convaincre d'autres investisseurs, dont les Tunisiens, d'opter pour cette destination, explique-t-il, rappelant qu'il s'agit de l'économie la plus stable d'Amérique latine. Une forte croissance, un faible taux de chômage, une inflation maîtrisée, des finances publiques saines, le responsable énumère les performances macroécomiques du pays membre de l'Ocde (Organisation de la coopération et du développement économique) depuis 2010. Il est à rappeler que le Chili est membre de l'Apec (traité des pays du Pacifique), membre associé du Mercosur (traité de libre-échange entre les pays du continent sud-américain). Mais cette stratégie d'ouverture économique a manqué le continent africain, qui ne pèse que 1% dans les échanges commerciaux du Chili avec le reste du monde. «Nous n'avons aucun accord avec l'Afrique», déplore M. Paiva, soulignant que la Tunisie est une porte d'entrée pour la région de l'Afrique du Nord, mais aussi pour certains pays du sud de l'Europe. «La Tunisie a forgé un savoir-faire lui permettant d'évoluer sur le marché du sud de l'Europe, ainsi qu'avec certaines destinations africaines, ce qui pourrait être bénéfique pour les entrepreneurs chiliens», note-t-il. A cet égard, il s'est rappelé d'une participation au salon Gulf Food, à Dubaï, lors duquel des opérateurs chiliens ont négocié plusieurs affaires, mais ils n'ont pu en concrétiser aucune, faute de logistique. «Ainsi, disposer d'un point d'attache commercial en Tunisie, ou d'une filiale, permet de saisir ces opportunités manquées et développer du business avec la région», explique-t-il. Et c'est la stabilité macroéconomique et l'avancement du processus politique en Tunisie qui ont motivé les décideurs chiliens à choisir le plus petit pays du Maghreb comme plateforme pour développer des affaires avec la région. Une logique de partenariat «Les deux pays disposent d'un secteur agro-industriel important, l'huile d'olive en Tunisie et les vins au Chili», observe le directeur de ProChile. Mais cela ne mène pas, forcément, à une rude concurrence entre les entrepreneurs des deux pays, ajoute-t-il. Et d'expliquer : «On peut trouver des joint-ventures entre ces deux secteurs. Et plus généralement deux pays agro-industriels peuvent bien travailler ensemble, non seulement dans le cadre des échanges commerciaux, mais également dans une logique d'investissement, ou conclure des joint-ventures, pour approcher ensemble d'autres marchés». Le secteur de l'agrobusiness figure, naturellement, au premier rang des secteurs cibles pour stimuler le développement des échanges économiques entre les deux pays, fait-il savoir. En deuxième lieu, le directeur ambitionne le développement d'un «cluster» (ensemble de filières) autour des activités minières, en pleine croissance dans son pays et secteur stratégique en Tunisie. Pour faciliter les échanges entre les opérateurs privés, principaux acteurs des échanges économiques, M. Pavia fait part de son programme d'organiser des rencontres B2B entre Chiliens et Tunisiens, lors du prochain salon APAS à Sao Paulo (Brésil), au mois de mai prochain. Cette première action sera suivie de missions de politiques et d'hommes d'affaires des deux pays. Ne voulant avancer d'objectif chiffré et daté pour le développement du commerce entre la Tunisie et le Chili, il s'est contenté de rappeler qu'un taux de croissance de 10% est la limite à partir de laquelle les Chiliens considèrent qu'il s'agit d'un marché dynamique.