Dans une dynamique extrêmement ténue, douze virtuoses des instruments ont plongé le public, euphorique, dans une ambiance de séduction merveilleusement restituée grâce au génie de la musique baroque du trio Vivaldi, Pergolese et Geminiani C'est un public, certes, moins nombreux qu'à l'ouverture, une semaine plus tôt, avec le concert du 26-26 «Musique et solidarité», mais tout aussi raffiné et fin connaisseur qui a fait samedi dernier le déplacement à El Jem pour le concert de musique baroque présenté par un orchestre formidable, qui n'a pas volé sa réputation sur la scène musicale internationale, ni usurpé ses nombreux titres de gloire glanés çà et là au cours d'une longue et combien édifiante carrière. La Follia ou la sonate démentielle En présence d'un public estimé à environ deux mille spectateurs et de plusieurs diplomates, dont l'ambassadeur d'Italie et le directeur de l'Institut italien de la culture, partenaires officiels du festival, le concert, en deux parties, a été d'un éblouissement total, tant sur l'arène et les gradins que sur la scène. Dès les premières notes, le public a deviné qu'il était en présence d'un ensemble, I Musici, qui a atteint une extraordinaire maturité. D'emblée, les douze musiciens, à l'allure élégante et décontractée, éclairés par la grâce de la belle musique baroque italienne, ont attaqué un morceau de bravoure, une symphonie en fa majeur extraite de l'œuvre dramatique «La servante maîtresse» du grand Jean- Baptiste Pergolese, fameux compositeur napolitain du début du XVIIIe siècle, auteur de musique concertante et d'œuvres religieuses. Puis ce fut au tour de Francesco Geminiani, un contemporain de Pergolese, établi en Angleterre, réputé pour ses compositions de sonates et de concertos. L'ensemble I Musici nous a fait découvrir les 24 variations de son œuvre majeure La Follia, une sonate démentielle savamment restituée par les gradations et les mouvements, modérés et rapides, des andante et allegro. Emotion et feeling En deuxième partie du concert entièrement consacrée à Vivaldi et à son opéra «Les quatre saisons», l'orchestre a interprété des morceaux et des sonates, ainsi que l'opus 8 des «Quatre saisons», andante cantabile incluant des sérénades exécutées dans un mouvement moderato, tout en douceur. Ce tempo va en s'acheminant crescendo vers un andantino plus vif et plus intense. Le sentiment intime du rythme, l'éclatante splendeur rayonnante des phrasés, l'interprétation elle-même et la profonde homogénéité des douze musiciens concouraient à faire de cette œuvre achevée du célèbre virtuose italien, qui a marqué de sa personnalité l'écriture du violon et qui a fixé la forme du concerto en trois parties, une des plus exemplaires et des plus abouties du répertoire de la musique instrumentale. Les solistes de I Musici nous ont clairement communiqué par les incessants retours sur scène qu'ils voulaient prolonger ces moments de bonheur nés du contact avec un public de mélomanes, avertis et subtils, dans un cadre féerique et tellement impressionnant qui suggère le feeling, qualité indispensable dans ce genre de musique. Par ailleurs, un hommage devait être rendu aux trois cents étudiants tunisiens en stage dans le «village des langues» de Mahdia, une structure universitaire accueillant chaque été des étudiants dans les filières de langues. Corrects et disciplinés, ces jeunes, dont un grand nombre de filles,ont fait honneur à la jeunesse tunisienne en cette année qui leur est consacrée, en se révèlant d'une surprenante culture musicale et symphonique qui les prédispose à jouer un rôle moteur dans l'enrichissement de notre paysage culturel et à ancrer ce genre de musique dans nos traditions.