Alors que les experts-comptables affirment l'urgence de l'adoption de la loi de finances complémentaire pour 2015, le gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari, n'y voit pas de nécessité... La loi de finances complémentaire (LFC) ne devrait pas être adoptée avant la fin du premier semestre 2015. C'est le constat qui a été retenu des différentes interventions des participants à la journée-débat organisée hier par l'Ordre des experts-comptables tunisiens (Oect) en la présence de plusieurs décideurs et experts nationaux dont le gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari. Lors de son intervention, le gouverneur de la BCT a indiqué que plusieurs indicateurs économiques sont passés du rouge et du jaune au vert, même si le tableau des indicateurs reste instable à cause de certains facteurs dont les grèves et la baisse de la productivité. D'après lui, la Tunisie est en pourparlers avec les agences de notation pour revoir à la hausse ses notes souveraines au vu de la réussite de la période transitoire et de la stabilité politique du pays constatée, depuis le début de l'année avec l'installation dans la durée d'un pouvoir politique sur un fond de concertations et amélioration de la situation secrétaire, ce qui reflète une certaine stabilité. «Nous avons des pourparlers avec notamment les agences de notation Fitch Ratings et Moody's de qui nous attendons au moins un changement des notes concernant les perspectives, actuellement négatives, vers le positif. Les choses vont bon train vers l'émission de 750 millions de dollars sur le marché international obligataire en 2015», a-t-il ajouté. Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie a aussi précisé que, contrairement aux deux dernières émissions obligataires internationales de la Tunisie, cet emprunt libellé en dollars sera levé sans aucune garantie de la part d'un autre Etat. «L'avenir du financement de la Tunisie n'est autre que les marchés dans lesquels elle sera perçue comme pays émergent. C'est le risque tunisien qui est à évaluer et rien d'autre. Ce n'est plus la lecture politique de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international qui va en décider», a-t-il lancé quant aux perspectives d'investissement et d'emprunt extérieur. Selon lui, l'endettement extérieur est jusque-là soutenable mais le problème est que l'on n'a pas la croissance qui va avec à cause de la défaillance de la productivité à l'échelle nationale. Visibilité et politique d'austérité Pour ce qui est de la loi de finances complémentaire, Chedly Ayari a déclaré qu'il n'y voit pas de nécessité, «car c'est encore une autre perturbation au prochain gouvernement qui devra stabiliser la situation durant la première année de son pouvoir avant de lancer son plan d'action 2016-2021». «On aura besoin au moins d'un semestre pour mettre en œuvre la loi de finances 2015 avant de décider en quoi la loi de finances complémentaire va nous servir. Je ne vois pas pourquoi va-t-on la déployer! Elle ne sera nécessaire qu'en cas de besoin majeur pour rééquilibrer le budget. Cependant et vu les circonstances, le gouvernement ne dispose que d'une visibilité d'un an, pas plus. Constitutionnellement, nous ne sommes plus en phase transitoire mais réellement nous le sommes encore», a plaidé Ayari pour sa position quant à la LFC. Pour sa part, Nabil Abdellatif, président de l'Oect, est revenu sur les mesures fiscales adoptées dans la LF 2015 qu'il a qualifiées de légères. «Il n'y a pas de mesures qui préparent la réforme fiscale qu'on doit lancer. Cette loi de finances est fondée sur des hypothèses qui ont changé depuis quelques semaines à l'instar du prix du pétrole, céréales et autres produits à importer, ce qui affecte les équilibres du budget et cela implique un changement notamment avec les défaillances qui existent au niveau de l'endettement et de ses dépenses. Les recettes fiscales sont revues à la baisse et le taux de croissance aussi. Nous allons vers une politique d'austérité qui a été entamée précédemment d'une manière plus légère notamment en réduisant la capacité de recrutement, alors qu'il fait réduire les dépenses de certains ministères. La solution pour la relance économique consiste en le financement alternatif à travers le secteur privé et le renforcement de la productivité, ce qui nous donnera l'effet levier escompté sur le court et le long termes», a expliqué Nabil Abdellatif qui préconise l'adoption de la LFC vers le mois de juin prochain.