Habib Essid accorde dix jours à ses ministres pour établir une liste des priorités Mondher Belhaj Ali : « Rendez-vous le 5 mai 2015, fin des 100 jours de grâce, pour un premier bilan » Les députés de l'Assemblée des représentants du peuple ont accordé hier leur confiance au gouvernement formé par Habib Essid, avec une confortable majorité de 166 voix. Seuls 30 députés ont voté contre le gouvernement, alors que 8 députés se sont abstenus. Au rang des abstentionnistes, deux députés de Nida Tounès, qui ont exprimé clairement leur rejet d'une participation du parti Ennahdha. Il s'agit de Khemais Ksila et Abdelaziz Kotti. « Rendez-vous le 5 mai 2015, à la fin des 100 jours de grâce pour un premier bilan », déclare ironiquement Mondher Belhadj quelques minutes après la fin du vote, lui qui, malgré ses réserves contre la participation du parti Ennahdha, a préféré voter la confiance au gouvernement « pour le bien du pays ». « Un des députés frondeurs avait demandé un ministère mais ne l'a pas eu », confie cependant le député de Nida Tounès Abdennaceur Chouikh. L'opposition prend forme Sans surprise, les opposants déclarés au gouvernement de Habib Essid ont voté contre. Outre les élus Front populaire (15) pour qui ce « gouvernement libéral est une alliance entre l'ancien régime et la Troïka », ceux du Congrès pour la République (CPR) et du Courant démocratique (7) qui considèrent que ce gouvernement « est le pantin de Carthage », d'autres élus (8) ont refusé d'accorder leur confiance à l'équipe de Habib Essid. L'un deux, Adnane Hajji, le lion des mines, qui partage l'essentiel de l'analyse frontiste. Le député du mouvement du peuple Zouhaier Maghzaoui a regretté dans une déclaration à la presse qu'il faille faire avec une opposition qui sera de facto faible, car elle ne sera composée que d'une trentaine de députés (ceux qui n'ont pas voté en faveur du gouvernement). « C'est faux, rétorque un des leaders du groupe parlementaire de Nida Tounès Khaled Choukat. Une opposition composée du Front populaire, du CPR et du Courant démocratique sera une opposition puissante ». Preuve en est fait par la pétition qui circule parmi les députés de l'opposition et des activistes de la société civile, et qui demande, malgré le vote de confiance d'hier, de « réviser la nomination de ministres sur lesquels pèsent des soupçons de normalisation avec l'entité sioniste ». Selon le député du Front populaire Zied Lakhdhar, cette pétition a déjà récolté plus de 16 signatures. Autre forme d'opposition, le député et patron du parti « La Voix de l'agriculteur », Faiçal Tebbini, a préféré ne pas prendre part au vote de confiance. « Ce gouvernement ne peut absolument rien faire, il n'a pas les moyens de sa politique, déclare-t-il. Le chef du gouvernement parle de maîtrise des circuits de distribution finaux, alors qu'il faudrait d'abord s'attaquer aux circuits de distribution pré-production ». La mesure annoncée la veille par le chef du gouvernement Habib Essid d'éponger la dette de 42.500 petits exploitants, à condition que celle-ci ne dépasse pas les deux mille dinars, n'a pas convaincu ce défenseur des agriculteurs. « Ce n'est pas suffisant, nous demandons que ce plafond soit rehaussé à 10.000 dinars, explique Faiçel Tebbini. Pour le reste des dettes, un rééchelonnement au cas par cas s'impose ». L'ultimatum du chef du gouvernement A la fin des interventions des députés, le chef du gouvernement Habib Essid, est remonté au pupitre de l'hémicycle. Cette fois pour répondre aux interrogations en moins de trente minutes. Il s'adresse notamment à Faiçal Tebbini à qui il explique l'énormité des coûts qu'engendreraient les mesures qu'il demande. « Il n'est pas possible de faire cela sur une année, dit-il. Avant, il y avait des commissions régionales pour étudier les dossiers des agriculteurs endettés. Nous, nous disons, plus de commissions, l'ardoise sera effacée pour ceux dont la dette ne dépasse pas les 2.000 dinars ». Vivement critiqué sur le maintien de certains noms dans la composition de son gouvernement malgré les réserves exprimées, Habib Essid, en bon commandant, défend ses troupes tout en s'engageant à « démettre de ses fonctions chaque ministre ou secrétaire d'Etat dont la culpabilité serait établie par la justice ». Egalement interpellé sur le manque d'objectifs chiffrés dans son discours de politique générale, le chef du gouvernement rappelle qu'il n'a procédé qu'à un résumé de son action gouvernementale. « Nous vous présenterons dans les trois mois un projet de loi de finances complémentaire ainsi que notre plan quinquennal 2016-2021 », a promis Habib Essid, avant de s'adresser à ses ministres pour leur lancer un véritable ultimatum. En effet, selon le chef du gouvernement, chaque ministre et chaque secrétaire d'Etat dispose de 10 jours à partir de leur prise de fonction pour faire ressortir cinq objectifs à réaliser pendant les 100 premiers jours. Pour jouer la carte de la transparence et surtout amadouer l'opposition, Habib Essid propose de créer « un conseil consultatif des partis », qui sera chargé d'évaluer le travail du gouvernement, tout en constituant une force de proposition d'idées.