Au cœur d'une polémique avec la CAF qui a pris une tournure grave, Wadiî El Jary ne semble pas être impressionné par les dernières décisions. Pas question de signer une lettre d'excuses même si le bureau fédéral l'impose. Il nous parle de la sélection A et Olympique, de l'avenir de Leekens, ainsi que du staff technique et de l'épisode Touzgar. Interview. Maintenant que la CAF a haussé le ton vis-à-vis de la FTF, un compromis est-il encore envisageable ou est-ce que c'est le point de non-retour ? Je veux rappeler une chose : ce bras de fer où cette affaire polémique avec la CAF, nous n'en sommes pas responsables. Nous avons réagi à une injustice criarde pour défendre nos intérêts et pour briser les tabous de la CAF. Ces dernières sanctions relèvent du non-sens. Qu'est-ce que ça veut dire priver une sélection de la CAN sous peine d'excuses ? Notre position est la même : nous avons dénoncé une injustice arbitrale qui a commencé dès le premier match. Nous avons demandé une enquête sur les arbitres qui nous ont lésés et qui sont d'ailleurs lourdement sanctionnés. La CAF a décrété pendant des décennies une «omerta», mais nous, nous avons dit ce qu'il faut dire en respectant les règles. Le point du non-retour ? Je ne sais pas. Une chose est sûre, l'ultimatum pour excuse, ne va pas changer une position. Et même si le bureau fédéral auquel j'appartiens décide d'envoyer une lettre d'excuses, je ne la signerai jamais ! On vous reproche votre emportement après la mascarade de Seechurn. On parle même de populisme... Je ne me suis pas emporté. Au contraire, j'ai tout fait pour calmer mes joueurs qui ont vu dérober le match devant leurs yeux. Le monde entier a vu cette mascarade arbitrale, pouvions-nous, les membres fédéraux et moi, faire profil bas et admettre ça ? Non, j'ai tranché, et j'ai défendu nos droits et j'assume mes responsabilités. Il faut demander à la CAF pourquoi cet acharnement envers nous. Nous avons le droit de nous défendre et de demander des précisions. Ils peuvent interpréter comme ils veulent notre position, nous avons la conscience tranquille. Et si on parlait du bilan de la CAN ? Une chose est sûre, on pouvait faire mieux, compte tenu des circonstances sportives et extrasportives. Il y a eu des erreurs arbitrales très graves qui nous on coûté la qualification et des points au premier tour sur le plan sportif. Nous avons une ossature de qualité, l'ambiance a été bonne dans les vestiaires. On nous reproche notre mauvaise gestion du match des quarts contre une sélection qui nous est inférieure, mais bon, l'affaire est extraspositive. Nos joueurs ont tout donné. Ils ont fait du bon et du moins bon aussi. Il ne faut pas oublier d'où nous sommes arrivés après l'élimination contre le Cameroun aux éliminatoires du Mondial. L'équipe nationale a perdu de sa solidité défensive et mentale par rapport aux éliminatoires. Comment vous l'interprétez? Oui, c'est vrai. Notre sélection a encaissé trop de buts à la CAN. Pourtant, nous avons essayé les deux formules. Défense à 4 et défense à 5 (3 axiaux). Je pense qu'on doit changer la conception tactique de la défense au-delà des noms et du nombre de défenseurs axiaux. Je peux dire aussi que nous n'avons pas su gérer nos matches en subissant trop ou en étant incapables de tuer une partie quand notre supériorité a été évidente. J'ai remarqué aussi que l'équipe jouait mieux en seconde mi-temps. Tout ça, on va en discuter avec Leekens, mais je reste convaincu de la valeur de notre sélection et qu'elle a encore des chances d'amélioration. Quid de l'avenir de Leekens, restera, restera pas? Etes-vous content de son travail ? Leekens a un contrat qui court jusqu'à mars 2016. S'il y a une rupture unilatérale de contrat, trois salaires doivent être versés. Nous n'en sommes pas encore là. La question qui doit être posée est la suivante : va-t-on ou non lui renouveler le contrat, sachant que le belge a atteint les objectifs sportifs convenus ? Nous sommes passés de la 50e à la 22e place au classement Fifa, avec deux défaites en 13 matches. Je n'ai pas de sentiments à ce sujet, je connais l'homme et mon idée sur ce qu'il faut en sélection n'a pas changé, ni vers le meilleur, ni vers le pire. Et pour le staff de la sélection? Y aura-t-il des changements? D'après ce que j'ai vu et vécu à la CAN, je suis satisfait de l'attitude et de la disponibilité des adjoints et du reste du staff. Ils ont bien travaillé, ils étaient solidaires et complémentaires. Et c'est ce que j'ai vu et senti. On attend surtout ce que dira Leekens dans son rapport. Car il reste le plus averti et concerné par cette question. Cela dit, s'il y a des changements à faire on les fera. Personne n'est irremplaçable! C'est une sélection qui a un cycle long ou est-ce que c'est la fin d'un cycle pour vous ? J'opte pour la première réponse. C'est une sélection qui a une ossature claire et solide. Certains joueurs vont peut-être quitter en raison de l'âge et de la méforme. Mais je peux dire que 70% de l'équipe qu'on a vus à la CAN seront encore là d'ici trois ans. Nous sommes aussi sur une approche de renouvellement partiel et une intégration de quelques talents en Europe tels que Gouida, Laâbidi, Laâribi et Hasni. On revient sur l'épisode Touzgar. Vous regrettez sa naturalisation ? Regretter, non bien sûr. Le joueur avait un profil technique intéressant et pouvait nous être utile. Mais c'est lui qui n'a pas assumé ses responsabilités envers la sélection en cédant à la pression de son club. Il avait le choix délibéré de porter les couleurs de la sélection, il l'a fait, puis a fait marche arrière. Ce n'était pas bien son attitude alors que plein de ses pairs qui jouent en France ont sacrifié beaucoup de choses pour la sélection. Quel jugement à faire pour la sélection olympique de Nizar Khanfir ? Je m'inquiète sérieusement pour cette sélection qui a eu le temps qu'il faut et les joueurs disponibles lors de la trêve. Elle a joué 4 matches amicaux contre des sélections respectables. Ce qui m'inquiète, c'est qu'elle a encaissé trop de buts (3 buts contre le Nigeria par exemple) montrant des signes de fragilité. On va attendre le rapport avant de décider. Le bras de fer avec la CAF a montré à quel point notre «lobbying» est faible. Que faire pour «peser plus lourd» ? Il ne faut pas être représenté par quelqu'un dans la CAF pour être influent et peser lourd. Nous pesons lourd de par notre historique et de par notre réaction suite à cette injustice face à la Guinée équatoriale. Il y a 52 fédérations dans la CAF, et pas mal d'entre elles ne sont pas légères. Il suffit de dire «non» quand il le faut et de faire valoir tous ses arguments pour défendre ses intérêts... La présence de Tarak Bouchamaoui à la CAF sert-elle le football tunisien ? (...) Il faut lui poser personnellement cette question. Le bilan de votre bureau fédéral est mitigé : il y a des satisfactions, mais aussi des ratages. Un petit bilan trois ans presque après ? Ça demande plus d'espace et de débat. Mais permettez-moi de donner quelques chiffres : les dépenses des équipes nationales atteignent 5,6 millions de dinars, la tutelle finance à raison de 1,3 million de dinars maximum en plus de la prise en charge des vols spéciaux. Les recettes du sponsoring sont passées de 1,8 à 3,6 millions de dinars, alors que les dettes ont été résorbées pour atteindre les 3 millions de dinars contre 7,8 millions de dinars au départ. Nous sommes en train d'attirer des sponsors et de chercher de nouveaux modes de financement, alors que sur le plan sportif, les résultats de la première sélection se sont améliorés lors de cette année. N'empêche que nous avons commis tant d'erreurs et qu'il y a encore beaucoup à faire...